La flottille 23F en 2010


Un Atlantique de la flottille 23F sur la BAN Lann-Bihoué.
Basée à Lann-Bihoué, la flottille 23F est, en 2010, la seule flottille de lutte anti-sous-marine sur la façade Atlantique. En raison de la présence à Brest de la Force Océanique Stratégique (FOST), la flottille est fortement impliquée dans la protection de l’activité des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE).

En effet, pour que la dissuasion française soit crédible, il est d’une importance primordiale que la sortie des sous-marins stratégiques se fasse en dehors de la présence d'aéronefs ou autres navires curieux, aussi bien en surface que sous la surface. C'est pourquoi, bien que les deux flottilles d’Atlantique pratiquent les mêmes missions, la flottille 23F conserve une certaine spécificité d'emploi.

Les missions de l’Atlantique

Avion de 46 tonnes de masse maximale au décollage, l’Atlantique est en fait une véritable « frégate aérienne multi-missions » au service de la Marine et des Armées.

Il peut assurer indifféremment la mission de lutte anti-sous-marine (ASM), pour laquelle il a été spécifiquement conçu comme son grand frère, l'Atlantic, celle de lutte anti-surface, de surveillance maritime, de PC volant lors d’opérations terrestres combinées (Côte d'Ivoire, Tchad), de surveillance électronique, ainsi que la mission de recherche et secours en mer (SAR Search And Rescue : crash de Charm el-Cheikh, AF 447), pour laquelle cependant les Falcon 50 de la 24F et les Gardian de la 25F sont spécialisés. L’Atlantique a même acquis récemment une capacité de bombardier, avec la capacité d’emport de bombes guidées laser GBU-12.


Retour au parking, l'ATL2 n°28 rejoint son alvéole à Lann-Bihoué.

L'équipage de l'Atlantique n°28.


En vol, soute ouverte, avec un missile Exocet AM-39.
En 2010, dix-huit Atlantique étaient en service dans les flottilles, les autres avions de la commande initiale étant soit en entretien à Cuers, soit en réserve ; un avion a été détruit lors d’un accident (aucune victime n'est à déplorer). Deux avions sont prépositionnés en permanence en Afrique, l'un à Dakar, l'autre à Djibouti. L'Atlantique se déplace en croisière à 270 noeuds, il lui faut ainsi deux heures pour passer à la verticale de Montpellier en décollant de Lorient. En patrouille basse ou moyenne altitude, le meilleur compromis entre autonomie et mission est trouvé pour une vitesse de 180 noeuds environ.

Les moyens de recherche anti-surface ou anti-sous-marine incluent le radar Iguane rétractable, la caméra infra-rouge (FLIR), les bouées sonores passives (Jezebel) et actives (DICAS), les moyens d'écoute radio-électriques, et le détecteur d'anomalies magnétiques (dans la queue). La vue qu'offre les larges postes d'observation est un aussi capteur à ne pas négliger.

Quelle que soit leur mission, en cas de survol maritime, les Atlantique emportent toujours au moins une chaîne SAR dans leur soute en cas d'appel de détresse. Pour les missions de reconnaissance, l'avion est équipé d'appareils photos argentiques et numériques de grande précision. Un ensemble d'équipements « COMINT » peut aussi être monté en option pour les missions de recueil d'informations sur les transmissions, avec cette fois des équipiers spécialisés.

Une fois que l'objectif est détecté et localisé, la vaste soute de l'avion recèle trois types d'arme: le missile anti-navire AM-39 Exocet (jusqu'à deux), la torpille MU-90 (jusqu'à six) ou les bombes guidées laser GBU 12. En configuration « multi-lutte », l'Atlantique emporte un AM-39 et deux MU90.


Départ en mission pour l'Atlantique n°14.

Les « Boum » de la 23F achèvent de charger les bouées sonores.


Remarquez le nez vitré, caractéristique de l'Atlantique.
Enfin, pour compléter le tout, l'Atlantique permet aussi le largage de commandos par un toboggan en soute arrière, un médecin peut aussi sauter en tandem, par exemple lorsqu'il faut porter secours à l'équipier d'un sous-marin qui croise à très longue distance de la France.

Mise en œuvre

La 23F compte approximativement 300 personnes de tous profils : les flottilles de patrouille maritime sont de très grosses unités en raison du travail en équipage constitué et de la logistique importante nécessaire à la mise en œuvre des avions et de leurs systèmes très complexes.

Les équipages comptent au minimum 13 personnes , mais en pratique plutôt 14 personnes ou plus : un pilote, un chef de bord (assis en place droite, il supervise la situation tactique et la trajectoire de l'avion), un pilote en place gauche, un mécanicien de bord (le MECBO participe à la conduite de l’aéronef en basse altitude), un coordinateur tactique (le TACCO), trois opérateurs acousticiens, trois radaristes navigateurs (les DANAEs), trois opérateurs de guerre électronique et de transmission (les GEDBOs). Un deuxième MECBO arme un poste de veille, il est chargé du largage d'artifices depuis l'arrière de l'avion. En permanence, trois postes de veille sont armés : les deux sabords et le nez vitré, par des membres de l'équipage.


Le tableau de bord classique de l'Atlantique.

Vue partielle de la tranche tactique, coeur du système opérationnel.


Le superbe oiseau à la douche, de retour d'une mission hivernale.
Un équipage est constitué pour une durée d'au moins trois ans : la première année se passe en formation autour d'un nucleus de 4 à 5 équipiers opérationnels, elle est sanctionnée par un examen qui permet pour le passage de l'équipage au statut opérationnel. Après deux ans de vie active en tant qu'équipage opérationnel, l'équipage est dissous, et on recrée un nouvel équipage qui démarre pour un nouveau cycle.

La flottille 23F compte 8 équipages opérationnels (en comparaison, il y en a 7 à la flottille 21F) et 3 équipages en formation.

Un membre d'équipage d'Atlantique vole beaucoup (350 heures par an), en sachant qu'un vol peut atteindre une durée de 9 à 10 heures. A la 23F, environ un tiers des heures sont effectuées au service de la FOST. La « technique » est au chevet de l'avion au moins 2 heures avant le vol, pour la préparation de l'avion en fonction de la mission prévue (avitaillement, chargement des armes et bouées sonores).

L'équipage arrive à bord 1h30 avant le vol pour les check-list des différents postes. Pour les vols importants, comme ceux au profit de la FOST, il y a un second avion qui a été préparé avec la même configuration, au cas où une panne est découverte, il ne reste plus à l'équipage qu'à changer de monture.


Dernières vérifications avant vol, sur le Tyne d'un Atlantique.

Les services techniques s'activent autour d'une turbine APU.


L'Atlantique n°4 aux couleurs de la 23F, en finale à Nîmes-Garons.
En 2010, les cellules d'Atlantique ont entre 4500 et 7000 heures de vol, on considère qu'elles sont à mi-vie, ce qui justifie la modernisation importante qui a débuté. L'entretien de l'avion se fait au rythme des petites visites V1 qui durent 8 jours, des visites V2 faites en flottille et qui durent 55 jours, et des grandes visites V3 pour lesquelles chaque avion passe à Cuers durant un an et demi.

Lutte anti-sous-marine

Il n'est pas facile de décrire les tactiques de lutte anti-sous-marine, car ce domaine fait partie des secrets les mieux gardés de la défense nationale. Rappelons que pendant les deux guerres mondiales, les sous-marins ont été responsables de la majorité du tonnage envoyé par le fond. Aussi, les moyens de les débusquer et de les neutraliser sont constamment mis à jour au fur et à mesure des progrès technologiques de part et d'autre.

Dans la panoplie de systèmes mis en oeuvre par un équipage d'Atlantique, le radar Iguane est efficace jusqu'à une « certaine distance » pour détecter le périscope, le schnorchel, ou le sillage des sous-marins en immersion périscopique, à condition que l'état de la mer soit inférieure à force 5. On imagine bien que cette distance pourrait être de l'ordre de la quinzaine de nautiques.

La veille infrarouge, via le FLIR (Forward Looking Infrared Radar), fonctionne très bien en air relativement sec et hors-nuages, il permet de détecter les sous-marins diesel-électriques lorsqu'ils rechargent leurs batteries, au schnorchel, grâce à la chaleur des gaz dans le sillage.


L'Atlantique n°14 de la flottille 23F.

Prêt pour un prochain départ en patrouille.


Carénage de bout d'aile d'un Atlantique de la flottille 23F.
Le MAD (magnetic anomaly detector) a lui une faible portée, il ne détecte les sous-marins que s'ils ne sont pas immergés trop profondément, et les petits bâtiments peuvent éventuellement lui échapper. De plus, les coques sont munies de démagnétiseurs qui diminuent fortement les anomalies magnétiques provoquées par les fortes masses métalliques des sous-marins. Malgré cette faible portée, le MAD est utile pour pister les importuns une fois qu'ils ont été détectés et localisés.

Les bouées sonores peuvent être larguées en très grand nombre (plusieurs dizaines) pour localiser un sous-marin ou bien pour dresser une barrière infranchissable entre sa position soupçonnée et des navires de « grande valeur ». Les balises passives Jezebel sont discrètes (le sous-marin ne les détecte pas), mais elles ne peuvent pas donner de localisation précise. Les balises DICAS, actives en différentes bandes de fréquence, donnent la possibilité à l'équipage de l'Atlantique de localiser le sous-marin, cependant celui-ci sait aussitôt qu'il est traqué, et peut donc entreprendre des tentatives d'évasion. Notons que les balises actives sont actionnées à distance par l'équipage et peuvent donc être laissées silencieuses jusqu'à un moment choisi. Contrairement aux balises Jezebel, les DICAS ne renvoient pas aux opérateurs acoustiques un signal permettant une analyse fine de la signature acoustique de l'objectif, et ne permettent donc pas l'identification précise du sous-marin.

L'Atlantique peut donc faire évoluer la nature de son « barrage acoustique » anti-sous-marin en fonction de la mission, protection discrète ou interdiction dissuasive, en choisissant la composition optimale de ses ensembles de bouées. Trois dispositifs de largage existent sur l'avion, du télécommandé au manuel : un dispositif est alimenté avant le départ par les techniciens au sol, et les deux autres peuvent être approvisionnés en vol par les équipiers. Un très grand nombre de balises des deux types sont stockées dans les racks internes de l'Atlantique, facilement accessibles en vol.


Le second Atlantique de la série, sur la BAN de Lann-Bihoué.


La flottille 23F, une des deux dernières flottilles anti-sous-marines de la Marine nationale.
La détection, l'identification et la neutralisation d'un sous-marin sont donc les étapes principales d'une partie extrêmement délicate, qui demande un équipage de grande valeur pour être gagnée. On comprend que la maturation d'un équipage d'Atlantique soit progressive et que l'on cherche à conserver les équipes opérationnelles. Dans la compétition perpétuelle entre les chasseurs et les sous-marins, l'Atlantique demeure un atout irremplaçable, un vecteur parfaitement adapté dont le système d'armes est en cours de modernisation, étape nécessaire pour conserver dans l'avenir l'efficacité de ce patrouilleur anti-sous-marin.

L'avenir

Le futur proche va voir la fermeture de la base aéronavale de Nîmes-Garons, avec le rapatriement de la flottille 21F à Lann Bihoué en 2011. Ce processus passera par l'augmentation du nombre des avions affectés à la 23F (8 actuellement, 10 en septembre 2010). Les incidences pratiques sur la vie de la 23F seront sensibles, même si le gros des conséquences logistiques pèsera sur la base de Lann-Bihoué. La présence sur la plate-forme bretonne de l'ensemble de la « PatMar » métropolitaine amènera peut-être les deux flottilles à avoir une activité opérationnelle répartie également sur l'ensemble des théâtres : Méditerranée, Atlantique, Outremer et Afrique.

Les modernisations en cours sur l'Atlantique portent actuellement sur l'avionique, la remise à niveau du système acoustique étant déjà planifiée, et le reste du système devant suivre. Au milieu de la décennie, c'est en fait un Atlantique « standard 2 » qui équipera la 23F, et ce qui donnera à la flottille les atouts maîtres pour poursuivre avec le même succès ses missions primaires de patrouille maritime et de chasse aux sous-marins.

Alexandre Gannier pour Net-Marine © 2010. Copie et usage : cf. droits d'utilisation. Remerciements : CV Laurent Hava, commandant la BAN de Lann-Bihoué, Mme Véronique Zopfmann, chargée de communication, CF Trippier de la Grange (commandant la 23F), CC Bourbon (commandant en second 23F), LV Molina (flottille 23F).


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