Histoire de la flottille 16F
1955-1964 : Chasse tout temps La 16F première du nom fut en activité de 1955 à 1964, et bien que basée à Hyères, elle fut déployée sur des terrains d’Algérie, notamment Alger Maison-Blanche, pour des missions de défense aérienne diurne et nocturne. L’avion
qui équipait la flottille, le SNCASE Aquilon,
avec les modèles Mk20, 202 et 203, était un dérivé du chasseur De Havilland
Venom NF-2, avion à réaction de première génération. Néanmoins, son
radar d’interception AN/APQ-65 (équipant le monoplace Aquilon
203 et le biplace Aquilon
204) était réputé pour son efficacité et sa fiabilité.
Les détachements de la flottille à Alger s’achevèrent en 1959, mais la 16F fut à nouveau déployée en Afrique du Nord (Bizerte) en avril 1961. Entre temps, elle avait eu la primeur des appontages et catapultages de « jet » sur le Clemenceau, étant déclarée opérationnelle sur porte-avions en novembre 1960. Dépassé techniquement et usé prématurément, l’Aquilon est déclaré inapte à l’appontage en 1963, la flottille 16F s’en sépare et est placée en sommeil le 1er avril 1964, mais pour très peu de temps...
Son personnel fut placé en stage au sein du détachement CEPA (commission d'études pratiques pour l'aviation) Etendard sur la base d'Istres, dont le chef était le capitaine de corvette Klotz, futur commandant de la 16F. Son emblème, un aigle sur fond de ciel nocturne (directement inspiré du nom de l’avion et de la mission d’interception tous-temps) ne sera pas repris par la nouvelle 16F créée un mois plus tard à Istres, sur Etendard IVP. Le 1er avril 1969, l'unité déménage vers la base aéronavale de Landivisiau où elle s'installe dans les locaux de la 15F (dissoute le 15 janvier 1969). L’insigne de la 16F deuxième du nom est une grue (l’oiseau) tenant une pierre, symbole de vigilance, sur fond de film photo : la reconnaissance photographique sera en effet la mission principale de la flottille pendant 36 années, et ce avec le même avion, le Dassault Etendard IVP. Bien que subsonique (sauf en piqué) lui aussi, le monoréacteur représentait un grand pas en avant en matière de reconnaissance embarquée : il était équipé de trois caméras dans le nez, et pouvait emporter un conteneur photo complémentaire sous le fuselage. Si l’on ajoute à cela sa capacité de ravitaillement en vol, on obtient un cocktail très réussi qui explique la longévité exceptionnelle de cet avion avec la 16F. A la différence de son cousin le Mirage IIIR de l’Armée de l’Air, l’Etendard IVP n’était pas doté de canon, toutefois, il pouvait emporter des paniers à roquettes sur les points d’emport extérieurs de la voilure.
Dès qu’un groupe aéronaval prenait la mer, on pouvait compter trois à quatre Etendard de la 16F à bord du porte-avions, avec le personnel correspondant (60-70 personnes), ce qui impliquait un rythme opérationnel particulier pour la flotttille. Les autres missions opérationnelles de l’aviation embarquée étant assurées par au moins une paire de flottilles à cette époque: 12F et 14F pour l’interception, 11F, 15F, 17F pour l’assaut, 4F, 6F et 9F pour la surveillance et l’attaque anti-navires. La flottille 16F intégra dans son parc la totalité des 21 Etendard IVP fabriqués, et fut même dotée de quelques Etendard IVM lorsqu’en octobre 1967, elle mit quatre de ses avions de reconnaissance à la disposition de la 17F, qui partait avec le Clemenceau dans le Pacifique, pour les campagnes d’expérimentations nucléaires.
Parmi les endroits chauds de la planète où intervint la 16F, il y eut (déjà) la corne de l'Afrique, avec les missions « Saphir » :
Enfin, le parc fut modernisé entre 1989 et 1994, huit Etendard « reco » devenant des IVPM, recevant notamment des nouveaux équipements d’auto-protection et de navigation (les 107, 114, 115, 118, 120, 153, 162 et 163). A partir de 1982, c'est le Liban qui nécessite l'intervention de moyens aéronavals et en premier lieu des IVP de la 16F, ce sont les missions Olifant qui s'étalent de septembre 1982 à mai 1984. Dès le 7 septembre 1983, les Etendard documentent les zones de contact entre les troupes françaises et des milices. Le 23, l'avion n°162, piloté par le CC de Fautereau-Vassel, est atteint au niveau du croupion par un missile SA-7. L'avion rejoint le Foch. Le 17 novembre, des Super Etendard bombardent des camps de miliciens après l'attentat du Drakkar (23 octobre, 58 morts). Là aussi, les photos accumulées par la 16F permettent de mener à bien une mission difficile. 1993-1999 : Guerre en ex-Yougoslavie La 16F fut aussi à même de participer à la « gestion des crises » des années quatre-vingt-dix. Ce fut notamment lors de la désintégration de la Yougoslavie (1993 à 1999) que la flottille rendit les précieux services que l’on attendait d’elle lors de ces opérations menées sous mandat des Nations-Unies. Ce sont deux missions quotidiennes qui étaient effectuées par la 16F, par exemple pendant les opérations « Balbuzard » et « Deny Flight » au-dessus de la Bosnie.
Sans oublier les yeux et le cerveau du pilote de reconnaissance, défini comme un « chasseur intelligent » par certains esprits sans doute un peu partiaux ! Outre pendant la minutieuse préparation du vol, et son exécution très précise, le jugement du pilote intervient également durant l’exploitation des clichés, aux côtés des officiers de renseignements et des interprétateurs photo. Une sacré besogne…
Le
15 avril 1994, le capitaine de corvette Clary, second de
la 16F, à bord de l'Etendard
IVP n°115, conduit à la tête d'une section de reconnaissance
sa 55ème mission au dessus de la Bosnie. Après un survol, de
Sarajevo, il reconnaît un objectif dans la région de Gorazdé.
Il est 15h25, et l'Etendard
est à 1500 mètres d'altitude et à la vitesse de 500 nœuds.
Soudain, un choc violent ! Son
équipier, l'aspirant Cloarec, perçoit quatre trainées
correspondant à un tir multiple de missiles sol-air.
Après une montée à 4 000 mètres et l’affichage
d’un cap retour vers le Clemenceau,
l’équipier et le pilote constatent les dégâts :
ni incendie, ni fuite, l’avion reste pilotable « à
la marge », malgré un arrachement des 2/5ème
de la gouverne de profondeur et des dommages très
graves à la dérive et au fuselage.
Avec le désarmement du Clemenceau en 1997, le parc de la flottille décrut sensiblement pour s’établir à entre quatre à cinq avions dans la période 1997 à 2000. Ainsi, en 1999 les Etendard IV-PM 107-109-115-118 étaient opérationnels à Landivisiau, le 107 arborant une peinture commémorant son 1253e et ultime appontage, rien que ça ! Le 28 juillet 2000, la 16F tirait sa révérence, les Etendard IVP rejoignant sur le banc de touche les Alizé, retirés du service le 25 juin, et les Crusader, absents des cieux depuis décembre 1999. Sans excès de nostalgie, un certain âge d’or de l’aviation embarquée s’achevait ce jour-là, époque qui avait vu jusqu’à trois porte-avions en ligne, et huit flottilles de combat opérationnelles. Sans Etendard et sans 16F, la « reco façon Marine » continue avec les Super-Etendard Modernisés équipés d’un chassis ventral ; et la grue n’a pas lâché sa pierre, puisque l’insigne de tradition de la 16F est repris en 2008 par le Centre d’Entraînement, d’Instruction et de Préparation des Missions (CEIPM).
Alexandre Gannier pour Net-Marine © 2010. Remerciements : capitaine de vaisseau Benoît Silve. Copie et usage : cf. droits d'utilisation. Sources : Airfan n° 190 09/1994, n°264 11/2000, La Saga Etendard Tome 2. J.-M. Gall, Editions Lela Presse ; décision n°283/16F/94/NP du 18/12/1994, n°151 16F/94/NP du 28/04/1994.
[Sommaire flottille 16F] . [Sommaire Net-Marine]
|