Techniques
d'appontage et de catapultage
(d'après
Sur les traces du Tigre ou "mes années Clemenceau" , vice-amiral Vercken, Editions
Ardhan 1997 - photos Guillaume Rueda, 17 juillet 1997 - dernière sortie
du Clemenceau)
Le
Catapultage
Les porte-avions Foch et Clemenceau
sont equipés chacun de deux catapultes à vapeur identiques. Chaque catapulte
peut lancer un appareil pesant jusqu'à 15 tonnes (exceptionnellement jusqu'à
20 tonnes) ; celui-ci est mis en place et relié au croc de lancement par l'intermédiaire
d'une élingue (récupérable sur Alizé
et Crusader,
non récupérable sur Fouga , Etendard
et Super-Etendard).
Avant chaque catapultage,
la vapeur à haute pression, provenant des chaudières principales du navire,
est accumulée dans un double réservoir.
Au
moment du lancement, la vapeur est admise à l'arrière de deux cylindres moteurs
d'une soixantaine de mètres de long situés sous le pont d'envol, et propulse
vers l'avant deux pistons jumeaux coulissant dans ces cylindres. Ces pistons
sont reliés à un patin glissant dans un rail central placé entre les deux cylindres
et solidaire d'un sabot coulissant dans une fente longitudinale du pont. C'est
à ce sabot que l'avion est attelé au moyen d'un câble d'acier appelé élingue
de lancement.
Au moment du catapultage,
l'avion, moteur ou réacteur à plein régime, est entraîné par le sabot qui lui
imprime une accélération pouvant atteindre 5g et une vitesse comprise entre
90 et 120 noeuds par rapport au pont. En bout de course, les deux pistons sont
arrêtés sur deux ou trois mètres par un puissant frein hydraulique, l'élingue
se décroche d'elle-même de l'avion et celui-ci décolle, ayant atteint sa vitesse
minimale de sustentation aérodynamique . La vapeur détendue n'est pas récupérée
et est évacuée sous la flottaison, chaque catapultage entraînant ainsi une consommation
de quelque 400 kilogrammes d'eau douce.
L'originalité de
ce système réside dans la manière dont s'effectue la liaison entre les pistons
et le patin glissant, sans aucun cablage intermédiaire, comme c'était le cas
pour les catapultes hydrauliques. La génératrice supérieure de chacun des cylindres
moteurs est fendue sur toute sa longueur pour laisser passer la pièce de jonction
reliant rigidement le piston au patin. Mais, pour éviter toute déperdition de
vapeur, un ruban métallique, analogue à une longue fermeture "Eclair", assure
l'étanchéité de la fente sur toute sa longueur et n'est soulevé que par le passage
de la pièce de liaison. La remise en batterie des pistons moteurs vers l'arrière
et le tensionnement de l'élingue de l'avion avant le lancement sont assurés
par des mécanismes oléo-pneumatiques agissant sur les pistons.
Les
miroirs d'appontage
Le guidage des avions en présentation au moyen d'un dispositif optique,
destiné à remplacer l'officier d'appontage et ses raquettes de signalisation,
a été inventé par un officier de la Royal Navy, le Commander Goodhart . Ce système
était constitué d'un miroir cylindrique concave, tourné vers l'arrière et situé
à bâbord de la piste oblique, dans lequel se réfléchissait une batterie de projecteurs,
dénommés feux de source. Leur image lumineuse perçue par le pilote était concentrée
et intensifiée du fait de la concavité du miroir. De part et d'autre de ce dernier
et à mi-hauteur, deux barres horizontales de feux verts servaient dc référence.
L'inclinaison du miroir sur l'horizontale était réglée de façon quc l'image
lumineuse des feux de source soit alignée avec les barres verte quand l'avion
se trouvait dans le plan de descente convenable pour accrocher l'un des quatre
brins d'arrêt. Si l'appareil était trop haut, l'image lumineuse se situait au
dessus des barres et le pilote devait accentuer sa descente. Inversement, s'il
était trop bas, l'image était en dessous des barre et le pilote devait diminuer
son taux de descente. Bref, la position de l'image lumineuse par rapport aux
barres vertes indiquait automatiquement la correction à effectuer, par simple
effet des lois de la réflexion optique. Bien entendu, Si l'image lumineuse disparaissait
vers le haut ou le bas, c'est que l'avion était franchement au dessus ou en
dessous du plan de descente idéal et il était préférable de recommencer une
nouvelle approche. En fonction des types d'avions et de la force du vent sur
le pont, l'angle de descente était compris entre 3 et 4 degrés par rapport à
l'honzontale. L'ensemble du système était gyrostabilisé pour que les indications
reçues par le pilote ne soient pas affectées par le tangage du navire.
D'autre
part, le miroir devait être réglé en hauteur en fonction du type d'avion en
présentation pour tenir compte de l'écart vertical existant entre la tête du
pilote et la crosse d'appontage. C'étaient en effet les yeux du pilote qui percevaient
les indications, mais c'est la crosse qui devait toucher le pont dans la zone
où les quatre brins étaient tendus pour accrocher l'un d'entre eux. Or cette
distance oeil-crosse était, par exemple, beaucoup plus faible sur un Zéphyr
que sur un Alizé. Précisons enfin que le miroir définissait uniquement un plan
de descente. Le pilote devait s'aligner dans l'axe de la piste oblique en se
référant aux marques peintes sur le pont ou de nuit, aux feux de balisage incorporés
dans celui-ci.
Les
freins d'appontage
Sur la partie arrière de la piste oblique de nos porte-avions se
trouve l'installation des freins d'appontage. La partie visible de l'installation
sur le pont d'envol consiste en quatre câbles d'acier appelés brins d'arrêt.
L'avion accroche un brin d'arrêt seulement Ce brin, s'il était fixe, ne pourrait
stopper des masses de l'ordre de dix tonnes arrivant à plus de 200 km/h. Pour
que le freinage de l'avion se fasse correctement, le brin doit s'allonger progressivement,
en ralentissant et freinant l'avion. Le brin accroché par la crosse d'appontage
se déroule sur le pont et met en action un dispositif cylindre/piston. Ce dispositif
chasse le fluide contenu dans le cylindre à travers un système d'étranglement
réglable (vanne de laminage) destiné à doser le débit de fluide en fonction
du poids de l'avion à freiner et en fonction de sa vitesse d 'appontage. Ce
système de freinage met en oeuvre des énergies considérables. Les pressions
enregistrées dans le cylindre peuvent dépasser 800 bars et les pressions dans
l'accumulateur varient entre 40 et 80 bars!
Différents calibres
de brins sont enfin utilisés en fonction de la masse et de la vitesse des avions
à recevoir. Lors de campagnes d'appontage mettant en oeuvre des appareils aussi
différents que Fouga CM 175, Super-Etendard
et Crusader,
il est courant de changer les brins plusieurs fois dans la même journée.