Le canon de 100mm


Tourelles de 100mm modèle 1964 (frégate Suffren)
Historique
Au sortir du second conflit mondial, la marine française est équipée d'un ensemble disparate de pièces d'artillerie de moyen et gros calibre arrivant pour la plupart à obsolescence. En 1953, sous la direction de l'ingénieur de l'artillerie navale Tonnelé, commence au STCAN Paris l'étude d'un canon polyvalent de 100mm destiné aussi bien à la défense contre avions des bâtiments de surface qu'au tir contre buts flottants ou contre terre.


La première tourelle, désignée modèle 53, commence ses essais à la mer sur l'escorteur rapide Le Brestois en 1958 puis sur l'aviso-escorteur Victor Schoelcher à partir de 1961. Construit par l'ECAN Ruelle, le canon de 100mm équipe, ou aura équipé, la plupart des grands bâtiments de combat français depuis 1960.
Pièce d'artillerie très réussie et régulièrement modernisée, ses qualités lui valent un certain succès à l'exportation.
Description
Entièrement automatique à partir du modèle 68, aujourd'hui le plus répandu, ce canon est monté dans une tourelle comprenant deux postes de mise en œuvre locale :
  • un servant assis à gauche du canon et disposant d'un joystick et d'instruments de visée optique ;
  • un surveillant situé en hauteur dans la nuque de la tourelle.
Les munitions, stockées dans une soute située à l'aplomb, sont hissées par un barillet-élévateur regarni régulièrement par deux hommes. Un couloir courbe fixe suivi d'un couloir courbe mobile permettent le ravitaillement permanent de l'arme quel que soit l'orientation du canon.
La munition est automatiquement introduite et la douille vide éjectée après le départ du coup par une trappe d'évacuation située sur le devant de la tourelle. Le refroidissement, assuré par une circulation d'eau dans les chemises entourant le tube et par une injection d'air et d'eau entre chaque coup tiré, permet de réduire considérablement l'usure de l'arme.

Tourelles 100mm modèle 1953 (Jeanne d'Arc)
Caractéristiques
Diamètre : 100 mm
Calibre : 55
Masse : 22 tonnes
Poids de la munition 23,6 kg
Portée maxi : 17000 mètres à élévation de 40°
Portée maxi pratique : 6000 mètres contre but aérien
Portée maxi pratique : 12000 mètres contre but surface
Vitesse de pointage latérale 40° par seconde
Vitesse de pointage verticale 29° par seconde
Vitesse de l'obus : 870 m/s
Cadence de tir : 78 coups/mn

La tourelle peut-être mise en oeuvre selon trois modes différents :
- télécommandée par la conduite de tir principale supportant essentiellement un radar d'artillerie dont la console d'exploitation est située au central opérations ;
- télécommandée par la conduite de tir secondaire constituée d'un poste optique communément appelé DMA ;
- localement (à l'exception de la version 100 TR) par l'intermédiaire d'un joystick actionné par le servant assis à la gauche du canon.

Le pointage de l'arme est assuré par deux moteurs électrique à courant continu, un pour la circulaire situé du côté droit de la tourelle, et un pour l'élévation situé du côté gauche. Deux groupes hydrauliques assurent l' approvisionnement en obus du canon. Pour des opérations de maintenance, il existe une possibilité de manœuvre du canon par manivelle.
Implantée principalement plage avant, cette pièce d'artillerie est fortement soumise aux embruns et paquets de mer. Pour y remédier, la tourelle est rendue étanche par des joints gonflables à l'air comprimé, l'âme du tube étant protégée par une tape de bouche en caoutchouc crevable permettant un tir d'urgence. La coupole en plexiglas utilisée pour la visée en commande locale est recouverte d'un capot métallique de protection hors période d'emploi.

Modèles principaux et évolutions :
Trois axes principaux d'évolution sont retenus pour tenir compte des nouvelles menaces :
- modernisation technologique de la tourelle avec augmentation de la cadence de tir et automatisation accrue ;
- capacité à tirer de nouvelles munitions optimisées notamment pour la lutte antimissile ;
- Amélioration des conduites de tir dont les modèles les plus récents sont aptes à traquer les missiles très rapides à vol rasant.

On distingue quatre modèles principaux de tourelles :
- le modèle 53 nécessitant des opérateurs notamment pour la mise en place manuelle du premier obus, l'approvisionnement devenant par la suite automatique. L'existence de deux postes de mise en œuvre locale répartis de chaque côté du canon impose la présence de deux coupoles en plexiglas sur la face avant.
- le modèle 64, étroitement dérivé du précédent, dont la cadence de tir peut être portée à 78 coups par minute dans une version modernisée. Il peut également être associé à des conduites de tir modernes.
- le modèle 68 devenant entièrement automatique ne nécessite plus de servant. Le poste de mise en œuvre droit est supprimé entraînant la disparition de la coupole droite. La cadence de tir originelle de 60 coups par minute est portée à 78 coups par le biais d'une modernisation. Les dernières tourelles construites sortent directement des chaînes de production avec une cadence améliorée.
- le modèle 100 TR (technologie rénovée) est mécaniquement semblable au précédent. Il se distingue essentiellement par une tourelle construite en matériaux composites dont les formes furtives réduisent la surface équivalente radar (SER). Toute possibilité de mise en oeuvre autonome étant supprimée, la coupole gauche disparait
. Cette version est étroitement liée au programme des frégates type La Fayette.


Tourelle 100mm TR (frégate La Fayette)


Tourelle 100mm modèle 1968 (frégate La Motte-Picquet)

Emploi
Subissant de constantes améliorations, ce canon dans ses versions les plus récentes peut être utilisé pour :
- lutter contre des cibles aériennes y compris les missiles à vol rasant ;
- lutter contre les cibles de surface et notamment les embarcations rapides ;
- Attaquer des cibles terrestres.

Depuis quatre générations, on retrouve cette pièce d'artillerie sur tous les navires de combat français à partir des avisos A69 mais à l'exception notable du porte-avions Charles De Gaulle sur lequel une autodéfense à base de missiles a été installée.
Pour les frégates Forbin et Chevalier Paul ainsi que le programme FREMM, le canon de 76mm Oto-Breda a été sélectionné comme pièce d'artillerie principale. Cette infidélité au canon de 100mm sera t'elle passagère ou définitive ?

(Texte Franck Dubey - ; Sources : Flottes de combat 2004 - Plaquette de présentation de la DTCN éditée à occasion de l'exposition navale de 1968 - Encyclopédie des armes n°123. - photos © Yannik Le Bris, G. Rueda, JM Roche)


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