Les opérations navales en zone britannique

Le torpilleur La Combattante participa aux opérations de débarquement dès les premières heures, pour nettoyer les plages où devait se dérouler l'assaut et pour réduire de son feu des objectifs rapprochés, (situés sur la plage même où à sa proximité immédiate, car les 102 des torpilleurs type Hunt avaient une portée beaucoup plus faible que les 152 des croiseurs). Ceci explique que le rôle de La Combattante, au cours du débarquement proprement dit, ait été fort court; en revanche, ce bâtiment qui faisait partie des FNGB et n'avait pas été, comme les croiseurs, envoyé en Manche pour une opération déterminée, continuera son activité après la période d'assaut contre les convois ou les vedettes rapides ennemis, ce qui lui vaudra de brillants succès à la fin du mois d'août 1944 au large du cap d'Antifer.

Tandis que les croiseurs faisaient partie de la Western Task Force, sous commandement américain, La Combattante était une unité de l'Eastern Task Force, sous commandement britannique (Rear admiral Sir Philip Vian, R.N.), (lui opérait à l'est de Port-en-Bessin. Le groupe de bombardement, dont elle faisait partie avec les torpilleurs (fleet destroyers) HMS Venus, Faulknor, Fury et le torpilleur HMS Stevenstone, avait pour mission de protéger le flanc droit de la force " J ", pendant l'assaut sur les plages à l'ouest de Courseulles et de nettoyer ces plages avant l'heure "H" du débarquement (c'est-à-dire, en cet endroit, 07h35).

Le 5 juin, La Combattante partait de West Solent avec le Venus et le Stevenstone en escorte d'un groupe de 10 paquebots transportant des troupes. Au petit matin, le 6 juin, vers 06h25, le groupe passait au point QQ (7 milles environ au nord de l'embouchure de la Seulles) et se scindait en deux, La Combattante (capitaine de corvette Patou) prenant liberté de manœuvre avec son équipier Stevenstone, pour gagner son poste de tir. Alors qu'un dragueur britannique nettoyait le chenal que devaient, prendre les deux torpilleurs, les croiseurs britanniques voisins, Diadem et Belfast, ouvraient le feu sur la côte dont les forteresses volantes pilonnaient les plages.

La première vague se rassemblait pour l'assaut. Il était 06h45. Les trois destroyers voisins Venus, Fury Faulknor avançaient en ligne de front et le Stevenstone, sur l'ordre du capitaine de corvette Patou, se mettait à l'Est, à environ 600 yards: La Combattante réduisait son allure à 6,5 nds (route au 310) avec la double préoccupation de ne pas s'écarter de sa zone (pour éviter de gêner les vagues d'assaut qui passaient aussi bien à droite qu'à gauche) et de se maintenir néanmoins au niveau de la vague de tête. C'est à ce moment là que le torpilleur hissa le pavillon à croix de Lorraine, cependant que les bâtiments de Sa Majesté arboraient leur enseigne blanche; dix minutes après, un peu avant 7 heures les torpilleurs anglais ouvraient le feu tous à la fois.

C'est l'heure "h- 40 " (06h55) que le plan de bombardement avait fixé. Les bâtiments, en route, tiraient avec précision les uns par-dessus les autres; La Combattante avançait ainsi, la plage avant sous les salves du Fury, la plage arrière sous celles du Faulknor. Elle-même, n'ayant pas encore repéré ses objectifs, se contentait de battre et de détruire les maisons suspectes, qui pouvaient servir de postes d'observation de tir; cependant, se rapprochant toujours de la côte, le torpilleur français dépassait les chalands de tête et devait stopper. A 07h10, il s'échouait même, à peine à plus d'un mille de la côte, sans cesser de tirer. Il allait d'ailleurs repérer presque au même instant son objectif principal, qui se confondait avec le sable des petites dunes du haut de la plage; aisément déséchoué, et mouillé à la limite des fonds de 3,6 m, il engageait et détruisait d'une salve au but (4 obus de 102) la balbette de ciment qui abritait la batterie ennemie à réduire. L'objectif secondaire prévu (une maison à La Rivière, légèrement à l'ouest de la pointe de Vent) était à son tour engagé et détruit. Aussi, quand vers 07h50, une batterie de 75 du côté est de l'embouchure de la Seulles dirigea son tir sur le torpilleur, celui-ci était à même de lui répondre. Le tir ennemi fut rapidement encadrant et un coup court, explosa près de la coque, couvrit le bâtiment de ses éclats, blessant le maître canonnier Gourong. Le commandant fit immédiatement mettre en arrière en draguant l'ancre; grâce à cette manœuvre, la salve suivante explosa légèrement sur l'avant, ne causant, cette fois, aucun dégât. La batterie était d'ailleurs trahie par les lueurs de départ des coups: d'autre part, elle tirait maintenant sur la première vague de chalands en train d'aborder.

Aussi La Combattante, après avoir sorti le Stevenstone de son champ de tir, engageait la maison qui abritait cette batterie et à 08h02, après l'avoir atteinte de plusieurs salves, la voyait exploser, vraisemblablement par suite d'un incendie de munition. Le torpilleur cessa le feu et alla mouiller à environ 2 milles de la côte, sensiblement au nord de l'embouchure de la Seulles: il attendit en vain des objectifs à battre ou des tirs de soutien à exécuter et à 19h30, dut appareiller pour escorter un bâtiment jusqu'à Portsmouth où il arrivait le lendemain. Après réparation de la pale d'hélice faussée par l'échouage, La Combattante devait gagner le West Solent le 10 juin, d'où elle repartait le 13 en direction de Courseulles, avec à son bord le général de Gaulle. Celui-ci débarque le 14 devant Courseulles puis se rend à Bayeux, où l'accueil qui lui est fait sera déterminant pour la reconnaissance du président du Gouvernement provisoire de la République par les Alliés.

Le reste du mois se passa en patrouilles nombreuses au sud de Beachy Head du 15 au 26 juin, puis entre Barfleur et le cap d'Antifer; enfin, à partir de juillet, elle devait continuer ses patrouilles à peu près quotidiennes depuis Courseulles même où elle avait débarqué à son tour, le 8 de ce mois, le général Koenig. Ce n'est que vers la fin d'août qu'elle entra de nouveau en contact avec l'ennemi au large du cap d'Antifer.