La mise à l'eau du Richelieu

Le 17 janvier 1939, le bâtiment de ligne Richelieu est mis à flot à l'arsenal de Brest, en grande solennité, en présence du ministre de la Marine, qui quelques heures plus tard posait le premier rivet du Clemenceau, construit dans la même forme du Salou.

Extraits du discours prononcé par M. Campinchi, ministre de la Marine :

« La mise à l'eau du Richelieu, la mise sur cale du Clemenceau auxquelles vous allez assister, prennent en cet instant solennel une figure de symbole : symbole de notre volonté de conserver sur mer le rang qui revient au deuxième Empire du Monde, symbole de notre unité retrouvée dans les périls de l'heure, symbole enfin de la force de la France, ce pays favorisé par la nature et grandi par le génie de ses enfants, qui semble parfois prêt à l'abandon mais qui, toujours, se redresse aux moments critiques de son histoire.

Nous sommes réunis ici pour commémorer dans une atmosphère de fraternité française deux héros de notre race. Leurs contrastes sont comme l'image des destinées de notre pays, perpétuellement en lutte contre lui-même, mais lorsqu'aux heures les plus sombres ces hommes ont reçu dans leurs mains une France épuisée, ils se sont trouvés semblables par le désir de se plier aux mêmes nécessités, et par la volonté de vaincre ; ils se sont dépassés eux-mêmes dans une magnifique épuration de leur vie pour le salut de l'État et de la Patrie...

La Marine, messieurs, n'honore pas seulement en Richelieu l'un des principaux artisans de la grandeur française. Elle magnifie aussi son fondateur et le maître de Colbert, le vainqueur de la flotte espagnole, le ministre dont le clair génie a su comprendre qu'il n'y a pas de véritable puissance sans commerce maritime, donc sans flotte de combat. « On ne peut sans marine, disait il, ni soutenir la guerre, ni profiter de la paix. » Et encore : « Quiconque est maître de la mer à un grand pouvoir sur terre... »

Le navire, qui sera dans un instant libéré de ses entraves exprime noblement les certitudes que les Français peuvent trouver en eux-mêmes. Demain, il s'en ira vers son émouvant destin et les couleurs nationales flottant à sa poupe symboliseront le rayonnement de la France qui, toujours, a subordonné la Force à la Morale, qui, plus que les autres, a mis sa puissance au service de la Justice, qui s'est faite enfin le champion de ces valeurs spirituelles dont l'universalité est la marque de son génie. Messieurs, pensons avec émotion à la gloire d'hier et élevons nos coeurs vers la grandeur de demain. Comme l'a dit magnifiquement Clemenceau : « La France sera ce que les Français auront mérité. »


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