La genèse des VCSM


Les vedettes de 14 mètres Camélia et Hortensia à Brest (juillet 2002).
Le besoin de renouveler la flotte des vedettes

Depuis son redéploiement en brigades nautiques au début des années 1990, la gendarmerie maritime possède une trentaine d’unités navigantes réparties sur toutes les côtes qu’elle a en charge de surveiller.

Ces bâtiments ayant une taille allant de 10 à 46 mètres assurent une surveillance efficace et continue. Les grosses unités du fait de leurs dimensions et de leur autonomie, se consacrent davantage à la partie hauturière, tandis que les vedettes patrouillent dans une frange plus côtière, constituant de la sorte un deuxième rideau. Le principe de territorialité particulier accordé aux brigades de gendarmerie maritime est un choix judicieux permettant une réelle continuité dans leur rôle de service public. Les équipages disposent d’une compétence territoriale sur plusieurs cours d’appel et mènent leur action sur des territoires aux limites communes avec les unités voisines. Le tuilage obtenu assure une couverture importante permettant de pallier les indisponibilités.

Les unités navigantes participent ainsi activement à la sécurité des eaux territoriales, au contrôle et surveillance des pêches, à la police de la navigation, et à la lutte contre la pollution ainsi que toutes missions auxquelles la gendarmerie peut être conduite à participer au titre de la coordination des actions de l'état en mer, en particulier le sauvetage et l’assistance. Elle assure, en liaison avec les autres formations de la gendarmerie nationale et tout autre organisme compétent, l'exécution des arrêtés et décisions des préfets maritimes.


La patrouilleur Glaive en Seine (2004).

Grâce à sa compétence et sa disponibilité, la gendarmerie maritime s’impose dans le monde maritime et confirme sa vocation en tant que « gendarmerie de la mer ».

Durant cette phase et la période la précédant, les activités en mer connaissent une augmentation très significative, imposant une présence renforcée des états riverains pour assurer et renforcer la sûreté et la sécurité en mer. Les atteintes à l'environnement, les accidents en mer, et les troubles à l'ordre public se multiplient avec l'augmentation très marquée d'usagers de la mer.

Dans le même temps, l'accroissement d'actes illicites crée de nouveaux dangers venant de la mer, présentant de vrais risques de déstabilisation de nos sociétés tels l'immigration clandestine et le trafic de stupéfiants, mais également la menace terroriste. Jusqu'alors, la menace militaire des forces du pacte de Varsovie dimensionnait le dispositif permanent de protection de nos approches maritimes, mis en place par la marine. Pour la marine nationale, la maîtrise des risques liés aux activités s'exerçant dans l'environnement maritime est donc devenue un enjeu stratégique national.

Pour répondre à cette exigence, la marine nationale a ainsi développé un concept particulier d'emploi de ses forces qui a pris l'appellation de « sauvegarde maritime ».


La Karukéra à Fort de France, Martinique (1998).
A la fin des années 1990, la flotte des vedettes est vieillissante et inadaptée aux nombreuses missions qui lui sont confiées.
La stratégie retenue prévoit une action au plus près de la source des dangers, pour en détecter les signes précurseurs, donner un préavis sur l'événement et proposer aux autorités gouvernementales les choix les plus adaptés. Aussi, la marine a mis en place un dispositif spécifique qui s'appuie sur un réseau d'information et une capacité d'action, depuis les zones littorales jusqu'en haute mer.

Il garantit une vigilance permanente, mais aussi l'engagement de moyens d'intervention permettant de contrer, au plus tôt, des actions illicites qui prennent de plus en plus la forme de véritables opérations à caractère militaire. A proximité des côtes, dans les espaces maritimes où se rejoignent sécurité intérieure et sécurité extérieure, la marine s’appuie en grande partie sur les autres administrations ou institutions concernées par l'action de l'Etat en mer dont la gendarmerie maritime.

A la fin des années 1990, la flotte des vedettes est vieillissante et inadaptée aux nombreuses missions qui lui sont confiées. Il apparaît également que cette flotte est composée de vedettes de plusieurs types ayant toutes subi des modifications réalisées au « coup par coup ». L’entretien est malaisé et ne répond pas réellement à la manière de procéder de la marine nationale. Les pannes sont de plus en plus fréquentes et engendrent des réparations coûteuses. Cela se traduit par des retards conséquents lors des indisponibilités tant accidentelles que planifiées. L’historique des différentes unités est incertain et les matériels utilisés sont tout autant originaux que diversifiés. Cet handicap pour la bonne exécution des missions grève considérablement la réalisation des ambitions de la « maritime ».

L’impératif pour la gendarmerie maritime de disposer d’une flotte monotype apparaît alors de plus en plus clairement.

Des unités dédiées à la sauvegarde des approches maritimes

La sauvegarde des approches maritimes implique une notion de présence permanente et un maillage très serré. Dans ce nouveau contexte stratégique, le rôle de la Marine nationale est prépondérant. Elle lui consacre un quart de ses missions, parmi lesquelles s’inclut l’activité de la gendarmerie maritime.

Pour assurer de manière efficace la mission de surveillance des approches maritimes, il est nécessaire de disposer de nombreuses unités rapides, faciles à mettre en œuvre et capables d’accéder sur tous les points du littoral.

Depuis la création des brigades nautiques, la gendarmerie maritime a démontré son savoir-faire en ce sens. Sa disponibilité et les prérogatives propres aux gendarmes en terme d’autorité étant un atout supplémentaire, l’outil fourni par la gendarmerie maritime apparaît comme étant un des moyens les plus appropriés pour l’accomplissement de cette mission. Dès lors, l’état-major de la Marine souhaite doter la gendarmerie maritime de moyens appropriés et décide de lui renouveler sa flotte avec des unités adaptées.

En concertation avec les autorités de la gendarmerie maritime et après avis des personnels navigants, un cahier des charges est établi. Depuis fort longtemps, les commandants des vedettes de la gendarmerie maritime attiraient l’attention des autorités d’emploi sur l’état de leur vedette en faisant ressortir qu’elles étaient sous-dimensionnées par rapport à l’action à mener. Espérant des unités de 14 à 16 mètres, l’effet de surprise est complet lorsque la Marine décide la construction d’unités de 20 mètres.

Le cahier des charges tend à optimaliser le potentiel de la gendarmerie maritime. Il est axé essentiellement sur :

  • l’autonomie ;
  • l’habitabilité ;
  • le moyen d’action qu’est l’embarcation pneumatique.

Les exigences introduites par ces notions laissent entrevoir ce que deviendra la nouvelle doctrine d’emploi de ces vedettes visant à élargir la zone d’action tout en conservant la territorialité préalablement établie et pouvoir intervenir dans la plupart des situations.

L’autonomie concerne le fait d’avoir un navire offrant des facilités d’entretien, capable d’évoluer pendant plusieurs jours sur une zone d’action et également en mesure de pouvoir supporter des conditions météorologiques plus rudes.

L’habitabilité quant à elle, est proche du premier critère, puisque le navire doit offrir le confort nécessaire à son équipage éloigné pendant plusieurs jours de son port-base.
Pour ce qui concerne l’embarcation pneumatique, considérant qu’elle constitue « l’outil » de contrôle, et de ce fait le moyen d’action en terme de police de la navigation, il est exigé une mise à l’eau aisée.

Bien évidemment, des performances alliant puissance, manœuvrabilité et vitesse ne sont pas exclues. Au regard du cahier des charges, on peut visiblement imaginer que la future vedette promet de s’avérer être une plate-forme garantissant un formidable potentiel et, en cas de besoin, être en mesure de pouvoir rallier rapidement une zone pour renforcer un dispositif.

La concrétisation de ce projet va insuffler un élan de jeunesse à la gendarmerie maritime et bousculer les préjugés concernant son potentiel. Il n’échappe à aucun équipage qu’elle va indéniablement marquer le début d’une nouvelle ère.

Le programme

Le cahier des charges établi et approuvé par la direction générale de l’armement, un appel d’offre européen est lancé.
Trois constructeurs navals français : OCEA aux Sables d’Olonne, SOCARENAM à Boulogne-sur-Mer et RAIDCO à Lorient répondent à celui-ci en présentant chacun un modèle original.

Au printemps 2000, à la demande du commandement de la gendarmerie maritime à Paris qui poursuit sa démarche de consultation, les commandants des vedettes armant les brigades nautiques sont rassemblés en un lieu déterminé par les groupements siègeant sur chaque façade maritime. Pour le groupement de l’Atlantique, la réunion a lieu à Lorient sur le patrouilleur Epée.

Trois projets de vedette sont soumis à l’avis des commandants présents qui doivent se prononcer sur le modèle le plus approprié à leur mission :

  • OCEA propose une construction en aluminium dont la forme ramassée est largement inspirée des vedettes de 16 mètres livrées à l’administration des Affaires maritimes. Ce modèle est unanimement écarté pour trois raisons majeures : Tout d’abord, le système compliqué de mise à l’eau de l’embarcation consistant en des bossoirs mobiles montés sur rails ramenant le pneumatique dans l’axe longitudinal en position de repos laisse entrevoir une maintenance importante. Puis la coque et les superstructures en aluminium réclame une protection cathodique constante. Enfin, dernier point qui n’est certes pas le plus important, mais qui influt sur les avis, l’aspect général de la vedette la fait ressembler à un gros sabot flottant.
  • SOCARENAM a conçu un modèle magnifique aux lignes élancées et futuristes. Il est très intéressant mais la propulsion assurée par des moteurs MTU de dernière génération n’offre pas le recul nécessaire pour une appréciation de fiabilité. Quant à la mise à l’eau de l’embarcation, elle fait appel à de traditionnels bossoirs.
  • RAIDCO offre une prestation qui recueille la quasi unanimité. Son modèle est magnifique et il sera propulsé par des moteurs MAN dont la réputation n’est plus à faire. L’habitabilité de la vedette est remarquable et la visibilité vers l’extérieur paraît exceptionnelle. Enfin, la mise à l’eau de l’embarcation positionnée dans un radier se fait par simple gravité. Ce système original évite en outre les mouvements de personnel de bord à bord.

L’étude des trois propositions mobilise les efforts du bureau organisation/emploi du commandement de la gendarmerie maritime. Le chef d’escadron Alain Dequaire et le major Alain Bosio font de nombreux déplacements pour visiter les chantiers et voir leurs réalisations. Une délégation va même rencontrer les sauveteurs de l’île de Guernesey mettant en œuvre un canot équipé d’une embarcation pneumatique mise à l’eau à partir d’un radier …

Enfin courant 2001, sans que l’on puisse être certains que le choix des commandants préalablement consultés ait influencé la décision finale, le chantier RAIDCO est retenu par la DGA.

Eric Giboint pour Net-Marine © 2009. Copie et usage : cf. droits d'utilisation.


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