L'escorte du convoi HX 228

 

(par Jean-claude Pinchon - pinchonjean@voila.fr)

 

L’escorte du convoi HX 228

 

Conclusions

 

Du côté allié quatre bâtiments marchands et un destroyer ont été perdus, deux bâtiments endommagés. Côté Allemand deux sous-marins ont été coulés, deux endommagés.

Les quatre bâtiments marchands perdus sont :

-          certainement coulés : SS TUCURINCA, ANDREA F. LUCKENBACH, WILLIAM C. GORGAS et BRANT COUNTY.

-          Au moins endommagés : LAWTON P. EVANS et JAMAÏCA PRODUCER

 

 

Onze sous-marins du groupe Neuland ont participés à l’attaque :

U 608, U 406, U 373, U 441, U 590, U 440, U 336, U 86.

U 221, U 757 endommagés

U 444 coulé

U 432, coulé également, appartient au groupe Wilfang.

 

 

HESSLER

U Boat war In the Atlantic, vol. II

Le sous-marin U 221, commandant Trojer, coule deux et peut être trois bâtiments dans la nuit du 10 au 11 mars. Presque coulé lui même par l’explosion d’un transport de munitions il participe cependant à l’attaque meurtrière contre les convois HX 229 et SC 122 qui perdirent vingt et un navire, soit 141 000 tonnes, sous les coups de quarante et un sous-marins dont un seul fut coulé. Ce fut le plus grand rassemblement de sous-marins de toute la guerre contre des convois. 

Journal SKL

Le sous-marin U 757 torpille un bâtiment le 11, qu’il pense être le WILLIAM P. PALMER. de 7 602 tonnes. (le nom de ce bâtiment ne figure pas dans la liste des pertes). Endommagé par l’explosion il doit se retirer du combat pour regagner sa base.

Dans l’incapacité de plonger il est convoyé par l’U 359, attaqué plusieurs fois le 16 par des avions britanniques au large du cap Finisterre et escorté par des torpilleurs allemands qui viennent au devant de lui dans le golfe de Gascogne le 17 mars.

 

 

Le sous-marin VII C U 444, commandant Oberleutnant Z/See Albert Langfeld, appartenant à la 3° flottille de sous-marins, comprenait quatre officiers, quinze officiers mariniers et vingt six hommes d’équipage.

Parmi les prisonniers, Rudolf Spitz et Wilhelm Gors, ramassés par le HARVESTER, et repêchés ensuite avec les rescapés du destroyer, firent au commandant de l’ACONIT les déclarations suivantes :

 

 

Rapport 210 « ACONIT » du 19-03-43 sur l’interrogatoire des prisonniers

Le sous-marin aperçut le convoi à 16 h 30 le 10 mars et le suivit jusqu’à la tombée de la nuit pour se préparer à attaquer. Toutes les heures les sous-marins au contact signalaient par radio la position du convoi

Vers 01 h 00 le 11, au moment d’attaquer le convoi, l’U 444 était pris à partie par un destroyer qu’il n’avait pas vu et plongeait en catastrophe. Quelques minutes après il était grenadé, huit explosions étaient entendues. Les avaries furent considérables et le sous-marin obligé de faire surface. Un partie de l’équipage reçut l’ordre du Commandant d’abandonner le navire, l’autre d’armer les canons.

Report of proocedings 3683/91 Captain (D) Greenock du 26-3-43

Dans sa transmission du compte rendu du voyage du convoi HX 228, le Captain (D) Greenock note qu’il n’a pu encore être établi, à la date de la rédaction (26 mars 1943), si le sous-marin coulé par l’ACONIT était le même que celui que le HARVESTER avait abordé six sept minutes auparavant. Il ajoute qu’à son avis il s’agissait d’un autre sous-marin.

De son côté le Commandant de l’ACONIT écrit qu’il eut d’abord l’impression qu’il donnait  le « coup de grâce » à l’adversaire du HARVESTER. Mais, étonné de voir du personnel sur le pont en train d’armer les pièces et sept hommes dans la baignoire il se demande lui aussi, s’il ne s’agit pas d’un deuxième sous-marin ?

Les prisonniers sont tous d’accord pour déclarer qu’ils ont d’abord été attaqués par un destroyer et forcés de faire surface après grenadage mais nient avoir été abordés par ce destroyer. D’autre part les officiers rescapés du HARVESTER déclarent que le sous-marin abordé par eux fut abandonné en train de couler après être resté engagé pendant un quart d’heure environ dans les hélices de leur bâtiment.

Le Commandant de l’ACONIT conclut que deux solutions s’offrent donc :

1° Le U 444, grenadé par le HARVESTER, tentait de s’échapper en surface, tandis que ce torpilleur abordait et coulait un autre sous-marin également grenadé par lui.

2° Le U 444 a été grenadé et abordé par le HARVESTER et les quatre prisonniers avaient déjà sauté à l’eau avant l’abordage.

D’autre part le HARVESTER prit à son bord un prisonnier du sous-marin abordé par lui (Wilhelm Gors). Celui-ci se trouva parmi les rescapés du destroyer. Immédiatement interrogé à son arrivée à bord il déclara appartenir au U 81. je fus malheureusement informé trop tard de cette déclaration et ce prisonnier fut mis parmi ceux de l’U 444. interrogé le lendemain à nouveau, il déclara appartenir au U 444, mais fut incapable de me donner certaines précisions sur son bâtiment, notamment les décorations de son Commandant.

Quoi qu’il en soit le sous-marin U 81 ne fut pas engagé contre le convoi HX 228 et les seuls sous-marins coulés le 11 mars furent les deux sous-marins U 444 et U 432.

Le sous-marin type VII-C U 432, commandant Kapitanleutnant Hermann Eckhardt, appartenant à la 3° flottille de sous-marins, opérait dans le Nord Ouest avec le groupe Wilfang et se trouvait sur le chemin du retour vers sa base de la Rochelle qu’il avait quittée le 14 février.

Des déclarations des prisonniers ramassés par l’ACONIT parmi lesquels se trouve l’officier en second, Oberleutnant Z/See Joseph Bröhl, née le 31 août 1918 à Cologne, il ressort que l’U 432 aperçut par hasard le HARVESTER stoppé entre 09 h 00 et 10 h 00, le 11 mars, lança sur lui deux torpilles à l’immersion périscopique à 700 mètres environ, moteurs en avant lente et s’éloigna en plongée. Tous les hommes interrogés affirment que le sous-marin ne fit pas surface après l’attaque ce qui conduit le Commandant de l’ACONIT à penser que le sous-marin aperçu en surface pouvait en être un autre.

L’U 432 était à 35 mètres de profondeur, le personnel en train de déjeuner, fêtant apparemment sa victoire sur le HARVESTER lorsque l’ACONIT prononça son premier grenadage. L’appareillage électrique hors service le sous-marin essaya de plonger plus profondément. Le second grenadage augmentant les dégâts mais les moteurs Diesel semblant intacts, le Commandant décida de faire surface pour tenter de s’échapper.

Le premier coup de canon au but atteignait les moteurs, le deuxième la baignoire faisant de nombreux morts dont le Commandant.

L’équipage décida d’abandonner le bâtiment, l’Ingénieur mécanicien Leutnant Hans-Jürgen Besse restant seul à bord pour saborder le sous-marin. (L’officier en 3°, Leutnant Z/See Klaus Schiller figure également parmi les disparus).

Les différents interrogatoires dénotent de la part des prisonniers une totale absence d’arrogance, des sentiments pro-nazis assez faibles, des doutes considérables sur le succès de la campagne de Russie et sur la victoire finale.

 D’une façon générale leur condition physique et morale ne semble pas excellente et ils donnent l’impression de n’avoir qu’un entraînement hâtif avant d’être envoyés en opérations. Le comportement du Commandant su sous-marin – dont s’était la première opération avec l’U 432 - après le torpillage du HARVESTER semble bien être la cause première de sa destruction.

 

Rapport 209 « ACONIT » du 14-03-43

Dans son rapport d’opérations le LV Levasseur écrit que ce fut pour lui un grand honneur et un plaisir de venger son chef de groupe en vingt trois minutes. Il estime la victoire sur l’U 432 due à un excellent travail d’équipe de tout le personnel de la corvette.

Le Captain (D) Greenock loue hautement l’ardeur et l’énergie avec lesquelles fut menée l’action de l’ACONIT qui lui permirent de couler deux sous-marins en moins de douze heures et la très grande efficacité de son artillerie.

Il note qu’il y a déjà eu dans le passé bien des occasions où les succès analogues auraient pu être remportés si les Commandants avaient eu confiance dans leurs armes.

Sa seule critique concerne le sauvetage des naufragés du HARVESTER qui aurait pu être effectué avant celui des survivants de l’U 432. un radeau Carley mouillé près des allemands aurait permis de les ramasser après.

 

L’ACONIT en Angleterre (mars avril 1943).

A son arrivée à Greenock le 14 mars l’ACONIT est reçu triomphalement. Une demi-heure après son amarrage à Gourock Pier, le Vice-amiral Sir James Troup, Commandant en Chef à Glasgow monte à bord accompagné du Captain (D) Greenock et de nombreux officiers. La Press Admiralty division a envoyé de nombreux reporters et photographes.

Le 18 mars l’ACONIT entre en cale sèche à Glasgow. Une énorme banderole porte une inscription de bienvenue en français. Une musique militaire joue la Marseillaise et des airs français pendant que le bâtiment entre dans le bassin et que des centaines d’ouvriers quittent leur travail pour assister à l’événement.

Le 18 au soir un dîner est offert au Naval Centre à l’Etat-major et à l’équipage. Le Vice Amiral Troup prend la parole en français pour féliciter l’ACONIT de son double succès, puis un spectacle de music-hall est donné en son honneur dans un théâtre de la ville.

Le 10 avril 1943, réparations terminées, l’ACONIT  quitte Glasgow pour Greenock où il rejoint le groupe B 3 et procède à des exercices de mise au point.

Le 21 avril le Général De Gaulle accompagné du CA Auboyneau, Commandant en Chef des Forces Navales Françaises libres, procède à bord à une remise de décorations.

Citations :

Le 19 avril 1943 la Croix de la Libération est décernée par le Général De Gaulle au Lieutenant de Vaisseau Levasseur qui devient compagnon de la Libération, et à la corvette ACONIT.

Le 21 avril 1943, la corvette ACONIT est citée à l’ordre des Forces Françaises Libres, cette citation comportant le droit au port de la Croix de Guerre avec palme de vermeil pour son commandant.

            Sont cités à l’ordre des Forces Navales Françaises Libres :

            Le même jour, l’Enseigne de Vaisseau Coturel officier asdic, le matelot anglais HSD Richard Ryan, le Premier Maître mécanicien Albert Vangysegaem, l’Aspirant de Marine Jean Vaudeville, le Second maître canonnier GELGON, le matelot canonnier Knaebel.

De nombreuses autres citations et récompenses sont accordées.

Par ordre particulier n° 481/EM/1 du 12-10-44, la fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre  est décernée à l’ACONIT.

H.19 HARVESTER (ex Jurua) Initialement construit pour le Brésil (renommé 1940)
Chantier Vickers Armstrong (Barrow)

S /cale 1938                Lt 29 Septembre 1939               En Service 1940 

 


 

 

 

 

 

Caractéristiques :

Déplacement W            1 340 t

Déplacement  pc           1 854 t

Longueur                     98,5 m

Largeur                       10 m

Puissance                     36 000 ch

Vitesse                        35,5 nds

Autonomie                    5 700 NM / 15 nds

Mazout                        455 t

 

Artillerie        3 x 120 ; 8 x 13

Torpilles        8 x 533

ASM              3 x lance grenades; 8 x Hedgedog

Radars

Surface        Type 271 P/Q, Type 86TBS

Aérien           Types 291

Sonar            Type 123A, Type 127 'Sword'

Equipage - 145  

Le HARVESTER avait auparavant détruit deux U-Boote : U-32 (Oblt. Hans Jenisch) le 30/10/1940 NW de l’Irlande, par  55° 37’N – 12° 19’ W avec  HMS HIGHLANDER. 9 disparus  33 rescapés. ; et l’U-208 (Oblt. Alfred Schlieper) le 7 décembre 1941 ; W de  Gibraltar, par  35° 51’ N – 07° 45’ W, avec  HMS HESPERUS. 45 disparus.

Albert Langfeld
Né le 28 Janvier 1918 à Regensburg.
Promotion 1937a. Oberleutnant Z/See du 1 Septembre 1941.
Décédé 11 Mars 1943, Atlantique nord.
Commandement:

U-444 du 9 Mai 1942 au  11 Mars 1943          2 patrouilles (60 jours) 

Hermann Eckhardt
Né le 15 Juin 1916 à Aachen.
Promotion 1936. Kapitänleutnant du 1 Mars 1943.
Décédé le 11 Mars 1943, Atlantique nord.
Commandements:

U-28           du 22 Juin 1941 au 20 Mars 1942             patrouilles  d’exercice

U-432         du 16 Janvier 1943 au 11 Mars 1943         1 patrouille (26 jours) 

U-444

Type                  VIIC                  

Lancé                 10 Février, 1941         Chantiers F. Schichau, Dantzig

Armé                  9 Mai, 1942     

Commandant       09-05.42 - 03.43        Oblt. Albert Langfeld

Activité            2 patrouilles      9 Mai 1942 - 31 Décembre 1942  8. Flottille (entraînement)
 1 Janvier 1943 - 11 Mars 1943  3. Flottille (opérations)

Bilan                  Néant

Sort final         Coulé le  11 Mars 1943  Atlantique nord,  position 51° 14’ N -  29° 18’ W

41 disparus, 4 rescapés.

U-432

Type                  VIIC                  

Lancé                 14 Jan, 1940     Chantiers F. Schichau, Dantzig

Armé                  26 Avr, 1941      Oblt. Heinz-Otto   Schultze Chevalier de la Croix de fer)

Commandants      04.41 - 01.43

01.43 - 03.43      Kptlt. Heinz-Otto Schultze

                          Kptlt. Hermann Eckhardt

Activité            8 patrouilles        26 Avril 1941 - 1 Août 1941  3° Flottille (entraînement)
1 Août 1941 - 11 Mars 1943  3° Flottille (opérations)

Bilan                  20 navires coulés, soit 66.005 tonnes
2 navires endommagés, soit 15.666 tonnes

Sort final         Coulé le 11 Mars 1943  Atlantique nord,  position 51° 35’ N – 28° 20’ W

26 disparus 20 rescapés.

(Sources : Les corvettes FNFL de leur armement au 2 août 1943, Service Historique - Rédacteur CF Luc Marie Bayle ; Collection des comptes rendus d’activités de la Marine Du 1 juin 1945 au 1 janvier 1947 ; Les corvettes de la France Libre, Pierre de Morsier, France Empire ; Le CHOIX, Jean Noli, Fayard ; Histoire de la Marine dans la seconde guerre mondiale, Jacques Mordal, Amiral Auphan, France Empire ; U Boat net)


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