Un siècle d'uniformes des officiers de marine (CV SCHERER)

SL
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Re: Un siècle d'uniformes des officiers de marine (CV SCHERER)

Message par SL »

Bonsoir,
Depuis la parution de cet ouvrage, les choses ont sensiblement évolué. Grace à la toile il est désormais possible à tout un chacun d'accéder à une documentation que seuls les gens bien placés (comme j'ai pu l'être) avaient autrefois la possibilité de consulter.
Exemple le décret de 1853 décret de base pour ce qui concerne l'uniforme de la marine "moderne" :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8 ... E%20MARINE

Le décret de 1891, le texte le plus complet de ces cent cinquante dernières années sur les tenues et uniformes des officiers :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8 ... e%20marine
Cordialement SL
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EMPERI48
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Re: Un siècle d'uniformes des officiers de marine (CV SCHERER)

Message par EMPERI48 »

Bonjour, merci d'avoir pris le temps de me répondre et des précisions que vous m'apportez sur les uniformes. Moi aussi j'aime bien la précision et les textes officiels que j'ai appliqués pendant 38 ans au sein de la défunte administration du Trésor Public. (Je ne me reconnais pas dans le conglomérat de la DGFIP).
Je ne suis pas très fort en uniformologie et particulièrement la marine, car les photos d'officiers de marine sont plus rares que celles des corps terriens. Pour mes 2 projets de prochains livres sur les sabres français de la Restauration au II Empire et ma suite sur les sabres de la IIIe Republique, je recherche des photos ou des scans de photos en 300DPI d'officiers de marine dont on voit le sabre, j'en ai quelques unes mais c'est insuffisant. Mon plus grand regret est d'avoir laissé échapper dans une vente de Th de Maigret il y a 2 ou 3 ans un petit cahier de gravures colorisées d'Hyppolite LALAISSE dans lequel il y avait une (plusieurs ?) planche(s) sur la marine de L.Philippe. Bien que cela ne rentre pas dans mon thème de collection, je compte ouvrir à mon retour dans le SO, je suis actuellement jusqu'à lundi à Paris, un sujet sur la dague (poignard) des services administratifs de la marine du II Empire. Je souhaiterai avoir des précisions sur l'existence de textes officiels sur ce mle.
Bien cordialement.
SL
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Re: Un siècle d'uniformes des officiers de marine (CV SCHERER)

Message par SL »

Bonsoir,
Le poignard n'a jamais été une arme réglementaire dans la marine française. Vous ne trouverez donc pas de texte où il en est fait mention sauf pour l'interdire. Pour preuve ces deux dépêches recopiées il y a une vingtaine d'années au service historique de Toulon (à l'époque pas d'appareil photographique numérique :( )
Cordialement


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EMPERI48
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Re: Un siècle d'uniformes des officiers de marine (CV SCHERER)

Message par EMPERI48 »

Bonsoir Monsieur SL,
Je vous remercie de votre réponse sur les textes interdisant le poignard dans la marine pendant la 1ere moitié du XIXe. Néanmoins, j'observe, après m'être procuré le livre sur les poignards de marine de Lhoste et Resek (actuellement en vente au prix de 24 eu et quelque au lieu de 29 à la librairie du Collectionneur à Paris), que compte tenu de la quantité et de la variété des modèles présentés, ces interdictions n'ont été que faiblement respectées. Si ce poignard n'a jamais eu d'existence officielle, comment peux-t-on trouver autant d'exemplaires de ce mle que les auteurs appellent, peut-être abusivement Mle 1860. Cette appellation est pour moi synonyme d'arme règlementaire, alors qu'il aurait fallu dire : poignard fantaisie en usage sous le II Empire dans les services administratifs. Pour compléter ma réflexion peut-être que l'usage du port du poignard a-t-il été copié sur ce qui se pratiquait dans les marines d'autres pays, et particulièrement en Angleterre. Cela étant dit, je ne sais quelle arme pouvait porter les services administratifs, mais le II EMpire est connu pour avoir favorisé le port de dagues ou de ce qui ressemble à une dague : pompier (sabre-glaive allégé inspiré du mle d'infanterie 1831), cantinières ( vue au défunt musée napoléonien de Fontainebleau), dague dite de fonctionnaire (monture monobloc à cordons, avec 2 quillons et à pommeau en crosse), dague des chemins de fer qu'a possédée un de mes amis..... Pour conclure il n'est pas illogique de penser que l'entreprise privée Coulaux ayant "senti" un marché ait proposé à ces personnels de la Marine Impériale une arme non règlementaire pour qu'ils se sentent comme les autres et moins nus.
Bien cordialement.
SL
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Re: Un siècle d'uniformes des officiers de marine (CV SCHERER)

Message par SL »

Bonsoir,
La seule mention d'un poignard "modèle 1860" dans un ouvrage publié au XXIème siècle ne suffit pas à rendre le matériel en question officiel ou réglementaire. J'ignore sur quoi se fondent les auteurs de cet ouvrage pour classer ainsi cette arme mais il n'est donné aucune référence relative à ce modèle. La bibliographie qui figure en fin d'ouvrage ne mentionne d'ailleurs aucune cote de documents qui auraient été consultés au service historique de la défense et qui auraient peut-être permis de découvrir les mêmes interdits (ou autorisations, car il y en a eu) que dans les années précédant le second Empire.

S'agissant de ce "modèle 1860" la question se pose de savoir quels sont ces personnels administratifs pour lesquels il pourrait avoir été fabriqué. Il y a à l'époque cinq corps d'officiers oeuvrant dans l'administration de la marine : commissaires, inspecteurs, agents administratifs, comptables des matières, officiers du service des manutentions.
Conformément à l'article 38 du décret du 29 janvier 1853, tous ces officiers, dont l'effectif total est d'environ quatre cents, portent l'épée en grande et petite tenue. Ils ne sentent donc pas moins nus que les officiers des autres corps de la marine. De plus l'hypothèse selon laquelle le poignard aurait été plus facile à porter que l'épée à bord de vaisseaux particulièrement encombrés ne vaut pas pour ces officiers dont moins de la moitié sont embarqués.

Quand ce poignard était il porté ? Certainement pas en grande tenue. Peut-être en petite tenue mais celle-ci sera de moins en moins prisée sous le second Empire jusqu'à sa suppression pure et simple en 1876.
Reste le port possible en redingote ou en tenue de ville, cette dernière possibilité me paraissant la plus probable. Et dans ce cas le poignard était il glissé dans le gousset du ceinturon porte-épée ou directement dans la ceinture ??
Autant de questions sans réponses car, en plus de l'absence de textes, à ma connaissance aucune photographie ne montre le port de cette arme.... Difficile dans ces conditions de ne pas se ranger, comme cité dans l'ouvrage évoqué plus haut, parmi ceux qui considèrent que le poignard n'était qu'un simple colifichet. Mais cela n'engage que moi.
Cordialement SL
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EMPERI48
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Re: Un siècle d'uniformes des officiers de marine (CV SCHERER)

Message par EMPERI48 »

Bonjour,
De retour dans le SO je suis allé recherché les fascicules de Christian Ariés ( la bible des collectionneurs d'armes blanches en 29 cahiers publés de 1967 à 1980). Je vous livre des extraits de ce qu'a écrit le Commissaire-Général (CR) R.D STIOT (Christian Ariés étant malade, voire décédé, celui-ci a continué les publications) sur le sujet.
"les textes règlementaires sur l'uniforme et l'armement des officiers de Marine n'ont pas prévu le poignard comme arme de bord ou de parade durant la période où il fut indiscutablement porté, du Directoire au II Empire. Néanmoins l'iconographie de l'époque et la présence de poignard de marine dans les collections publiques et privées, prouvent suffisamment qu'ils furent tolérés et surtout portés par les aspirants."
Ensuite il cite la lettre de l'Empereur du 5 octobre 1807 pour indiquer qu'elle était nécessitée par cette mode en très grande faveur compte tenu du nb d'exemplaires et de leur diversité qui nous sont parvenus.
" La Marine détestait les anglais et l'on faisait de l'anglomanie! On avait adopté la botte à l'écuyère, et le poignard, règlementaire dans la Marine de Sa Gracieuse Majesté n'avait pas manqué de plaire ...... Enfin le Musée de la Marine conserve le poignard et le porte-poignard en cuir de l'agent comptable Lacroix Henry (officier d'administration de la Marine), entré en service en 1833 et retraité en 1867. Le poignard qui est pour les officiers un attribut plus qu'une arme, va avec la petite tenue à bord tels que nous les représentent Job et Goichon; il est souvent porté en tenue de ville dans les cérémonies ou réunions privées.Il n'y a donc pas de modèles et chaque arme répond au choix et à la fantaisie personnelle....
MONARCHIE DE JUILLET ET SECOND EMPIRE. Durant ces périodes le port du poignard est plus largement toléré......Durant le Second EMpire et notamment pour les officiers des services de la Marine, le poignard à lame droite revient en faveur". Suit la description des poignards les plus souvent rencontrés. La page centrale comporte les dessins de Michel Pétard ou le poignard qui m'intéresse est représenté avec la légende :poignard d'agent comptable. Second Empire. Musée de la Marine.
Pour conclure le sujet : Il ne s'agit pas d'un modèle règlementaire, mais fantaisie et très répandu dans la marine du II EMpire dont un exemplaire appartenant à un agent comptable identifié, en possession du Musée de la Marine a entrainé l'appelation de poignard des services administratifs de la Marine.
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TLN 23
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Re: Le poignard des officiers d'administration de la Marine

Message par TLN 23 »

Bonsoir, EMPERI48, bonsoir, SL.

M'étant passionné au sujet de ce poignard, et spécialement son caractère réglementaire ou non, voici ce à quoi je suis arrivé :

- en novembre 1971, une tenue d’agent comptable, des armes et des équipements ayant appartenu à Henri Lacroix étaient donnés au Musée de la Marine. Concernant un corps peu nombreux et peu connu, ces pièces étaient assez rares pour que M Jacques LETROSNE, commissaire général de la Marine en 2e section, et grand spécialiste des tenues dans la Marine, consacre un article au deuxième trimestre 1972 dans le n° 106 de NEPTUNIA à « L’uniforme des commis de Marine sous Louis-Philippe et Napoléon III », période correspondant à la carrière de Lacroix, article fondé sur ses tenues ;
-en février 1983, M R-D STIOT, commissaire général de l’Air, mais spécialiste de l’arme blanche de Marine, faisait paraître dans le n° 114 de la Gazette des Armes un article sur « Le poignard des officiers de marine du Directoire au Second Empire » présentant un dessin au trait de la même arme en figure 26 avec le commentaire « Les poignards des officiers des services de la marine ne portent pas d’ancre - comme nous le montre le poignard de l’officier d’administration Henri Lacroix conservé au musée de la Marine. » L’auteur ne cite pas sa source, qui est pour moi, à l’évidence, l‘article précédent, et ne dit pas que c’est un arme réglementaire mais sa formulation induit le lecteur à penser que tous les officiers d’administration (appellation qui n’existe pas à l’époque) ont porté ce poignard-ci, et que sa possession par le Musée l’atteste ;
- en 2004, MM Jean LHOSTE, Patrick RESEK et Jean TONNERRE , dans « Les poignards de marine ». affirment par deux fois, mais toujours sans citer de source, le caractère réglementaire du poignard, pour les officiers de toute l’administration ou de tous les services.

Qui est donc cet Henri Lacroix pour créer une arme réglementaire, pouvoir du niveau du ministre, voire du chef de l’État, tel Louis-Philippe, signataire de l’ordonnance du 20 juillet 1837 « sur l’uniforme du corps royal de la marine », ou Napoléon III du décret du 29 janvier 1853 relatif à l’uniforme des officiers et fonctionnaires des différents corps de la marine : Henri Lacroix a été pendant trente-cinq ans dans la Marine commis puis agent comptable, dans les forges et fonderies et aux constructions navales. Carrière très modeste et sans aucune autorité en matière d’adoption d’un modèle réglementaire.
Et ce serait là le seul poignard d’officier devenu réglementaire dans notre marine, après avoir été à la mode depuis soixante ans, et disparaître bientôt après. Car pas plus que d’autres, les auteurs ne trouvent trace de poignard de Marine en France depuis 1870.
Certes la mode est puissante, et bien souvent le règlement consacre ce qu’il a longtemps interdit (témoin le bas du pantalon en patte d’éléphant, si apprécié dans les années soixante-dix, que la Marine, après l’avoir interdit en dépit de son origine maritime, a adopté … si tard qu’il était déjà démodé et qu’il a fallu revenir très vite au pantalon droit) mais absolument rien n’a jamais été retrouvé au sujet d’un poignard pour les officiers .

Quels éléments tirer des objets remis par les descendants de Lacroix, que j'ai eu l’occasion d’examiner dans les réserves du musée de la Marine?
Que Lacroix ne peut être pris comme modèle en matière d’exactitude de l’uniforme.
En effet, son gilet blanc et son chapeau monté ont gardé les boutons sans couronne de la Deuxième République ; peut-être en avait-il d’autres qui ne nous sont pas parvenus ?
L’habit est bien celui d’un agent comptable selon le décret n° 65 du 28 février 1850 qui détermine l’uniforme des comptables des matières dans le département de la marine (BOC P 190). À l’instar du commissariat, ce corps administratif a l’argent comme métal pour ses broderies, galons et boutons. Cependant, cas presque unique dans l’habillement militaire français, la broderie de blé et chêne mélange l’or pour les épis et l’argent pour les feuilles, L’agent comptable principal se distinguerait par l’ancre brodée au parement de manche, et la ganse torsadée au chapeau qui le met au rang d‘officier supérieur.
Je n'ai pas eu en main l’épée et son ceinturon, qui semblent sur les illustrations de 1972 conformes au décret de 1853. L’épée, du modèle « à ciselure » défini en 1837 pour tous les officiers, a la particularité pour les agents comptables d’avoir depuis 1850 toutes ses garnitures argentées.
Notons que si Lacroix a conservé son chapeau de 1850, il semble avoir attendu 1853 pour avoir une épée puisque l’ancre du clavier est sommée de la couronne impériale, et que le ceinturon rayé n’est attribué aux agents comptables qu’à cette date. Ou bien la première épée a-t-elle disparu ?
Le ceinturon en cuir verni noir est celui du décret présidentiel de 1850, avec sa boucle à ancre non couronnée. Le vernis, coulant sous l’effet des chaleurs tropicales, est remplacé dans la Marine par la soie noire en 1853.

Reste le poignard.
C’est une arme de dimensions imposantes : 36,4 cm de longueur de lame (38,5 sont mentionnés dans l‘ouvrage), et 2,2 de largeur au talon, 52,5 au total avec le fourreau (54 dans l’ouvrage), et, caractéristique jamais mentionnée, un poids de 420 g.
La lame présente un seul tranchant et deux gouttières ; on en trouve du même type à deux tranchants et dos plat. Celle-ci est marquée à la base Klingenthal sans autre poinçon.
Elle comporte pour tout ornement sur la croisière un filet au bord supérieur formant un cercle à son centre ; la gravure, paraissant faite à la main, est sommaire, voire grossière ; le cercle est trop grand, et son sommet disparaît, sans quoi il dépasserait de la croisière.
Alors que l’épée ne comporte pas moins de huit symboles marins : l’ancre au clavier, deux coquilles marines au pommeau, quatre à la bague de la branche, une au quillon et sur le fourreau, une neuvième coquille au bouton de chape, le poignard n’en porte aucun. Ceci est si frappant dans le contexte que les auteurs le soulignent dans la présentation.
Je reconnais avoir vu à Toulon chez un marchand spécialisé une telle arme portant une ancre dans le cercle de la croisière, mais simplement gravée ; connaissant le prix des armes de Marine sur la côte et les pratiques dans le monde du militaria, cet exemple unique est pour moi une contre-preuve (l’arme était bien sûr vendue plus cher que le modèle nu).
Il paraît impossible qu’une arme de marine, réglementaire comme de fantaisie, ne comporte aucun attribut évoquant la mer ou la navigation, alors que tant d’autres présentés dans l’ouvrage en sont pourvus et même en abondance, surtout au Second Empire, comme le n° 2 de la page précédente : tête de Neptune, dauphins et ancre. Quand fusée et croisière n’en ont pas, moulés d’origine, c’est le fourreau qui en porte de gravés. C’est d’ailleurs bien à ces marques qu’on reconnaît pour tel un poignard de marine, et pour cette raison que je mets en doute ceux qui n’en ont aucun, sauf origine attestée, et que je suis d’accord avec MM LHOSTE, RESEK et TONNERRE en ceci pour le n°1 p 53, d’autant plus que, écrivent-ils, « on ne voit pas quel militaire aurait pu le porter ». Encore les militaires ne sont-ils pas seuls à utiliser un couteau, décoré ou non.
Alors que la monture de l’épée est bien argentée, celle du poignard est en laiton brut ; je n'ai jamais vu d'argenture, ou de dorure sur aucun exemplaire, même à l’état de trace.
Cette arme ne figure dans aucune iconographie contemporaine connue, que MM STIOT et LETROSNE, qui ont illustré leurs articles, n’auraient manqué de mettre en page
Enfin, il n’existe aucun texte rendant réglementaire un poignard autre que celui "de bord", en 1860 pas plus qu’à un autre date. Les chercheurs avant nous auraient déniché depuis longtemps la preuve du seul poignard pour officier, ici d’autant plus rare qu’il n’aurait concerné qu’un corps sédentaire et cantonné à six établissements.
D’ailleurs, pourquoi les officiers de marine se sont-ils engoués du poignard plutôt que de l’arme réglementaire, épée, ou sabre pour les officiers de vaisseau à leur bord ? Sans compter le plaisir de braver l’interdit de Napoléon lui-même- mais loin de lui-, le poignard est plus élégant, selon le goût de chacun, sûrement moins encombrant à bord d‘un voilier (on peut noter que la mode en passe avec le déclin de la voile), tout en marquant l’état d’officier. À mes yeux, l’arme de Lacroix ne remplit aucun de ces objectifs : robuste, lourde dans tous les sens du terme, c’est plutôt un instrument fonctionnel, presque un outil. Si l’envie lui était venue de porter un poignard de fantaisie, il aurait eu l’occasion d’en acquérir dans un port, ayant été affecté à Indret, aux portes de Nantes, et à Rochefort. Son chapeau porte d’ailleurs la vignette d’un fournisseur rochefortais.

Que conclure ?
Qu'on ne sait rien du trousseau complet de Lacroix, ni des autres objets qu’il possédait, encore moins de ses goûts.
MM LHOSTE, RESEK et TONNERRE ouvrent la porte à notre interprétation en écrivant « la tradition… donne une arme comparable aux pompiers, aux gardes-chasse, aux employés de chemin de fer » et M J-H TAVARD a écrit naguère qu’on la trouvait comme dague de chasse dans les catalogues du Second Empire.
Mon interprétation, parfaitement contestable, je l'admets, est que Lacroix possédait tout simplement une dague de chasse, plus utile dans la forêt nivernaise qu’un poignard de fantaisie, dague qu’il a peut-être porté avec son ceinturon de 1850 devenu sans emploi. Même si on était moins formaliste dans les forges et fonderies que dans un port militaire, je vois mal cette arme, encombrante, sans grâce et dépourvue de tout attribut marin, portée en service.
La personne qui a fait don du lot en 1971 aura rassemblé ce qui lui semblait venir des tenues de l‘agent comptable, sans être assurée de cette provenance. Dans ce cas, l‘assemblage de la dague sur le ceinturon est peut-être fortuit.
Je prends pour témoignage de cette incertitude le hausse-col au coq, sans ancre. Seuls les officiers de vaisseau et des troupes de Marine ont porté cette marque de commandement, toujours frappée de l’ancre : il s’agit ici du modèle de l’infanterie de ligne de la monarchie de Juillet.
Henri Lacroix est certes entré au service sous Louis-Philippe, mais dans la Marine et dès dix-sept ans ; à sa retraite, il en avait cinquante-deux, la garde nationale existait encore et il aurait pu y entrer, mais le hausse-col portait l‘aigle impériale depuis seize ans : Lacroix n’a jamais pu porter le type au coq. À ce compte, MM MALVAUX et PÉTARD dans « Le hausse-col français » paru aux Éditions du Canon en 1997 auraient pu y inclure ce modèle comme particulier aux agents comptables de la Marine, en donnant comme preuve celui de Lacroix conservé au Musée.

Jusqu’à plus ample informé, la dague est un article du commerce, sa possession établie pour une seule personne dans toute la Marine au XIXe, son port en service purement hypothétique, et son caractère réglementaire, soutenu depuis un quart de siècle, une affirmation gratuite.

Cordialement
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EMPERI48
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Re: Un siècle d'uniformes des officiers de marine (CV SCHERER)

Message par EMPERI48 »

Bonjour à tous,
Un grand merci à TLN 23 pour sa longue étude des textes disponibles et sa réflexion approfondie sur ce poignard attribué à la marine. Je ne connaissais pas l'historique de la remise des effets de l'agent comptable Henri Lacroix au Musée de la Marine et donc la naissance de l'appellation de poignard des services administratifs de la marine. Il est évident que cette désignation est à mettre au crédit( ou plutôt au débit) de M. Stiot. Comme ce n'était pas le premier venu dans le domaine des armes blanches, tous les les auteurs et experts ont adopté cette attribution. (Cette AM je suivais en live une vente à Toulon où étaient présents un certain nombre d'armes de marine et l'expert JC DEY a respecté la tradition pour présenter ce poignard. Il a fait 410 eu au marteau alors que le cuir du fourreau semblait loin d'être parfait).
Après avoir cogité sur la réponse argumentée et réfléchie de TLN23, je me rends à sa conclusion que la présence de ce poignard dans les affaires de H.Lacroix semble purement fortuite. De plus il paraît contraire à tous les usages d'attribution qu'une arme de marine ne porte aucun des symboles de ce corps. C'est la première observation que j'ai faite quand j'ai voulu en acquérir un exemplaire. TLN23 évoque l'hypothèse d'une dague de chasse. Pourquoi pas, ce poignard était d'ailleurs présenté avec cette désignation au Musée de la Chasse et de la Nature 62 rue des archives à 75003 Paris. Le poignard de H.lacroix porte la marque de Klingnenthal, je présume d'un coté et de l'autre Coulaux et Cnie. Mon poignard strictement identique ne porte aucune marque ni poinçon, comme j'ai pu le voir sur d'autres exemplaires. Je vais poser la question à Marc ADOLF le président de l'association de sauvegarde du Klingenthal de savoir comment était définie à l'époque la production de ce poignard. Cela étant dit, je ne me souviens pas avoir vu un tel poignard lors de ma visite en 2009 dans ce musée. Dès qu'il m'aura répondu, je ne manquerai pas de vous en informer.
Cordialement.
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TLN 23
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Re: Dague de Lacroix

Message par TLN 23 »

Bonjour, EMPERI48.

Voici deux photos de la dague de LACROIX elle-même, faites en 2006 dans de mauvaises conditions sur un téléphone portable de médiocre capacité. Je ne me souviens pas d'autre marquage.
LACROIX 2.JPG
LACROIX 6.JPG
La vente d'hier ne me surprend pas; j'ai plusieurs fois constaté le flou des experts en matière Marine au moins.

Pour en revenir à l'ouvrage d'Éric SCHERER, il m'a confirmé à l'époque de sa rédaction qu'il n'avait aucune référence concernant le poignard des officiers d'administration, et qu'en conséquence, il n'en parlerait pas.

Le conservatoire de la Marine ne présente pas ce type de dague, que je sache; SL et moi y avons veillé.

EMPERI48, je vous contacte par message privé.

Cordialement.
Vous ne pouvez pas consulter les pièces jointes insérées à ce message.
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EMPERI48
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Re: Un siècle d'uniformes des officiers de marine (CV SCHERER)

Message par EMPERI48 »

_MG_2746R2.jpg
_MG_2744R.JPG
Vous ne pouvez pas consulter les pièces jointes insérées à ce message.
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EMPERI48
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Re: Un siècle d'uniformes des officiers de marine (CV SCHERER)

Message par EMPERI48 »

Bonjour,
Mon message avec photos est parti à l'insu de mon plein gré, voilà donc mon poignard en attente d'attribution, vierge de toute inscription de fabricant. Actuellement, je l'ai confié au compétent 'Armurier de St Etienne, Jean Louis Rouanet (repreneur des Ets Balp et fabricant des épées de l'Ecole Polytechnique), pour qu'il s'en inspire afin de proposer à l'Académie des Armes Anciennes de Toulouse un projet de dague commémorative pour les 30 ans de sa création.
Cordialement.
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TLN 23
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Re: Un siècle d'uniformes des officiers de marine (CV SCHERER)

Message par TLN 23 »

Bonjour, EMPERI48.

Votre dague est superbe, si belle qu'elle paraît neuve, fourreau compris ; vu le décalage des gouttières sur la lame, celle-ci semble à talon avec un seul tranchant.
Je note que même sur celle-ci, la gravure du cercle est interrompue par celle qui va d'une oreille à l'autre.

Avez-vous vu mon message privé sur votre panneau d'utilisateur?

Bonne semaine, cordialement.
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EMPERI48
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Re: Un siècle d'uniformes des officiers de marine (CV SCHERER)

Message par EMPERI48 »

Bonjour,
Je viens de lire votre message privé, je vous répondrai demain, car ce soir je fais de la musique festive et il faut que je me prépare après avoir terminé mon châssis pour les semis de fleurs.
Je fais donc court.
Je possède cette dague depuis janvier et c'est son état exceptionnel, particulièrement le fourreau qui me l' a fait acheter . Elle avait simplement besoin d'être nettoyée et lustrée avec mon produit fétiche Métal Polish d'Autosol et du triple O de laine d'acier. ( je hais le Miror dont les gens abusent et qui fait de vilains dépôts jaunâtres difficiles à déloger surtout dans les ciselures des sabres d'officier et le filigrane de tous les sabres).
Effectivement cette dague comme toutes celles que j'ai eu l'occasion de voir, a un seul tranchant et un dos. On trouve cette forme de lame sur des sabres dits de l'Armée d'Afrique fabriqués à Klingenthal.
Cordialement.
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capu.rossu
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Re: Un siècle d'uniformes des officiers de marine (CV SCHERER)

Message par capu.rossu »

Bonsoir

Emperi48 a écrit :
je hais le Miror
Eh pourtant ! Le Miror et l'huile de coude sont deux matières consommables. (Le bidel dixit !) :D :D :D

@+
Alain
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EMPERI48
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Re: Un siècle d'uniformes des officiers de marine (CV SCHERER)

Message par EMPERI48 »

Bonsoir,
Pour clore temporairement le sujet de cette dague/poignard , sous réserve qu'un membre du forum apporte d'autres connaissances, voici ce que vient de me répondre Marc Adolf Président de l'association de sauvegarde du Klingenthal et donc grand patron du Musée de la Manufacture de Klingenthal (le Solingen français au pied du Mont Ste Odile) :

"Tout a été dit ou presque, au sujet de cette dague qui est attribuée aux services administratifs de la Marine.
J'ai exactement la même, sans aucun marquage, juste un poinçon de la Manufacture sur la soie.
Une lame seule, jamais montée, a également été retrouvée parmi des ferrailles.
Je trouve cette longue réponse du forum très intéressante et je partage assez ce point de vue.
Il m'a toujours semblé curieux qu'il n'existe pas de source précise à ce sujet, et que l'arme ne comporte pas la moindre ancre d'origine, ni même un petit poinçon de réception.
D'autre part, je trouve assez improbable que l'on attribue invariablement cette même dague à l'administration de Marine, aux pompiers, gardes-chasse, employés des chemins de fer... Pourquoi ne pas rajouter les secrétaires de mairies !
Tout ce qui a été dit, n'est tout simplement pas -encore- suffisamment précis.
Autre remarque au sujet de la période, des marquages et des poinçons relevés (Poignards de Marine p. 87)
Si la lame est marquée "Coulaux A" il s'agit de Coulaux Aîné, et on va tout au plus jusqu'en 1850.
Nous manquons nous-même d'archives sur cette période, on ne peut donc pas prétendre que la dague est un modèle 1860...
Le sujet mérite véritablement d'être approfondi."


Je ne sais qui pourra approfondir le sujet. Dans l'immédiat nous pouvons intégrer les réponses de TL23 et de Marc Adolf et dire pour cette dague qu'elle est circa milieux XIXe et que son attibution à un corps particulier est inconnue bien que certains l'affectent sans garantie aux officiers des services administratifs de la Marine.
Cordialement
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