14 juillet 1947 Accident mortel survenu à Brandière Henri
Publié : 21 janv. 2007, 13:47
Je vous adresse ce mail qui est pour moi un souvenir tragique de la guerre d'Indochine. Je vous laisse juge de le publier. C'est la stricte vérité. Si vous publier faites moi savoir dans quelle rubrique que je puisse le retrouver facilement (je ne suis pas encore expert en informatique . Je n'arrive pas à joindre les photos (elles sont compressées) je vous les ferais parvenir plus tard) Salutations Jean Decorte
J'adresse ce message, 58 ans après être revenu de cette guerre , au titre de mon devoir de mémoire, envers un copain, marin comme moi mais qui, lui, a laissé sa peau ,au sens propre comme au sens figuré un certain 14/07/1947 dans un terrible accident .Toute ma vie je resterai marqué par cet horrible accident que je souhaite raconté ici . Que tous ceux qui sont allés dans cette Indochine que nous avons tous aimée se souviennent de "leurs" morts . Pour moi ce fut une tragédie qui allait rester gravée dans ma mémoire toute ma vie mais bien sur d'autres parmi vous auront vécu des événements tout aussi cruels sinon plus... Je souhaite simplement que ce message serve à ce que nous n'oublions jamais ceux qui sont partis comme nous mais ne sont pas revenus ou sont revenus handicapés.
Je ne parle que très rarement de "là-bas," puisque seuls, peuvent réellement comprendre ceux qui y sont allés et ...revenus . Je tenais à relater cet accident qui s'est déroulé sous mes yeux et toute ma vie je serai hanté par cette mort horrible, songez que je n'avais que 19 ans ! Après un tel épisode je me dis que rien ne peut plus être comme avant, on devient insensible à tout ou tout au moins a beaucoup de choses .
Cela s'est passé le 14 juillet 1947. Nous étions tous de jeunes marins engagés, nous faisions partie de la 3° flotte marine amphibie AFIN (Indochine Nord-Tonkin) et étions embarqués sur des LCM, LCA, LCVP etc....et étions basés à Haïphong.
Ce jour là il était environ midi, il faisait une chaleur écrasante, certainement 50° en plein soleil. (Quand nous arrosions d'eau le pont des bateaux pour rafraîchir l'atmosphère, l'eau s'évaporait dès qu'elle touchait celui ci ) Nous étions en train de déjeuner sur nos bateaux respectifs sous la toile de tente comme seule protection contre le soleil. Il y avait 2 LCM accostés l'un à l'autre. Le LCM A & LCM B. (Péniches de débarquement qui servaient à patrouiller en baie d'Along, à remonter les arroyos, à débarquer les troupes terrestres, 100 hommes ou 1 char, débarquer le ravitaillement etc......). Ce type de LCM anglais était équipé de 2 moteurs "Chrysler Marine Engine" de chacun 100CH ( il me semble). Il faut vous dire que J'étais sur le LCM B et que j'avais remplacé sur ce bateau comme quartier-mécanicien, le mécanicien Niccolo qui , avec ce même bateau en allant en opération débarquer un char, s'était "retourné" . En effet, le char mal amarré avait glissé avec ses chenilles en fer sur le pont du bateau, métallique également et le bateau s'est retrouvé la quille en l'air. Le mécanicien Niccolo s'est retrouvé vivant mais bloqué dans son compartiment moteur. Nous essayames de découper au chalumeau la coque du bateau pour le dégager et tenter de le sauver mais hélas en vain et il périt noyé... Inutile de vous dire que le conducteur du char aussi.
Mais je reviens à l'accident du 14/07. Amarré à nôtre LCM se trouvait le LCM A avec un équipage de 6 ou 7 marins parmi lesquels Henri Brandière, 19 ans comme moi , mécanicien comme moi ! Henri était aussi mon copain et triste ironie du sort ce jour là c'était sa fête.
Hélas cela devait être malheureusement sa dernière ainsi que le dernier jour de sa vie ...
Son LCM reçu l'ordre d'appareiller à midi. Aussitôt Henri se précipita dans le compartiment machine qui se trouvait sous le pont où se trouvaient 2 moteurs "Chrysler marine engine de 100 CH ( me semble t il ) .
Ai -je besoin de rappeler qu'il était midi et qu'il faisait une chaleur torride ? Henri a dû s'asseoir sur le siège situé entre les 2 moteurs et voulu démarrer ses moteurs.Il devait certainement y avoir une fuite d'essence qu'il n'a pas sentie et, vraisemblablement à cause d'une étincelle de la dynamo, du démarreur ou de la bobine, une terrible explosion se produisit.
Henri ainsi que les panneaux de protection sous lesquels se trouvaient les moteurs furent violemment projetés en l'air et Henri s'est retrouvé gisant à coté du bateau.
A cause de la chaleur, Henri était torse nu et sans protection aucune. Il était là allongé à terre hurlant, vociférant, la peau qui partait en lambeaux, nous suppliant de le tuer, tellement la souffrance était intolérale. Il avait 19 ans comme moi je le répète et je restais là pétrifié à le regarder , completement désemparé. Un second-maître est arrivé alors et nous avons enveloppé Henri à la hâte dans une couverture .Nous l'avons transporté à l'hôpital de Haïphong. Bien sur étant trop gravement brûlé il y est décédé quelque jours après ...
Nous lui présentâmes les armes et il fut enterré dans le cimetière de Haïphong au nom prédestiné de "La Conquête"...!
Y est-il encore ? je ne le sais pas .
Je suis hélas trop vieux maintenant pour faire le pèlerinage au Vietnam mais depuis qu'à Fréjus s'est ouvert le mémorial des anciens combattants morts en Indochine je vais chaque année m'y recueillir . Même si Henri n'est pas enterré là son nom figure bien sur une des nombreuses plaques où sont inscrits tous ceux qui ont perdu la vie durant cette guerre .
Chaque 14 juillet, jour de la St Henri , je viens déposer un oeillet sur son inscription.
PS: C'est suite à mon abonnement à l'ADSL Wanadoo et ayant vu divers témoignages sur le Web que j'ai eu l'idée d'écrire ce message.
Je voulais le faire depuis longtemps et montrer ainsi que je n'oublie pas 58 ans après, la souffrance est passée mais pas l'oubli et ses amis ou sa famille ont peut être cherché à connaitre les circonstances de sa mort ? .
Au cas où l'on veuille me contacter ( d'autres se rappelleront peut etre ce drâme en le lisant ... ) je laisse mes coordonnées : Jean Decorte Quartier-maître mécanicien 26/06/1928 (Parisien à l'époque) 6 mois à l'école des mécaniciens de Casablanca, 6 mois à Cherbourg sur le Chasseur 125, et 2 ans environ à la F.A.I.N. Tonkin sur LCM A & LCM B. Je joins une photo de moi en marin il y a presque 60 ans de cela ainsi que le nom gravé (d'Henri Brandière) sur les plaques commémoratives du cimetière de Fréjus.
Jean Decorte Croix du combattant. Titre de reconnaissance de la nation. Médaille commémorative de la campagne d'Indochine. Médaille coloniale avec agrafe Extrême Orient. Croix du combattant volontaire avec Barrette Indochine.
Jean Decorte
J'adresse ce message, 58 ans après être revenu de cette guerre , au titre de mon devoir de mémoire, envers un copain, marin comme moi mais qui, lui, a laissé sa peau ,au sens propre comme au sens figuré un certain 14/07/1947 dans un terrible accident .Toute ma vie je resterai marqué par cet horrible accident que je souhaite raconté ici . Que tous ceux qui sont allés dans cette Indochine que nous avons tous aimée se souviennent de "leurs" morts . Pour moi ce fut une tragédie qui allait rester gravée dans ma mémoire toute ma vie mais bien sur d'autres parmi vous auront vécu des événements tout aussi cruels sinon plus... Je souhaite simplement que ce message serve à ce que nous n'oublions jamais ceux qui sont partis comme nous mais ne sont pas revenus ou sont revenus handicapés.
Je ne parle que très rarement de "là-bas," puisque seuls, peuvent réellement comprendre ceux qui y sont allés et ...revenus . Je tenais à relater cet accident qui s'est déroulé sous mes yeux et toute ma vie je serai hanté par cette mort horrible, songez que je n'avais que 19 ans ! Après un tel épisode je me dis que rien ne peut plus être comme avant, on devient insensible à tout ou tout au moins a beaucoup de choses .
Cela s'est passé le 14 juillet 1947. Nous étions tous de jeunes marins engagés, nous faisions partie de la 3° flotte marine amphibie AFIN (Indochine Nord-Tonkin) et étions embarqués sur des LCM, LCA, LCVP etc....et étions basés à Haïphong.
Ce jour là il était environ midi, il faisait une chaleur écrasante, certainement 50° en plein soleil. (Quand nous arrosions d'eau le pont des bateaux pour rafraîchir l'atmosphère, l'eau s'évaporait dès qu'elle touchait celui ci ) Nous étions en train de déjeuner sur nos bateaux respectifs sous la toile de tente comme seule protection contre le soleil. Il y avait 2 LCM accostés l'un à l'autre. Le LCM A & LCM B. (Péniches de débarquement qui servaient à patrouiller en baie d'Along, à remonter les arroyos, à débarquer les troupes terrestres, 100 hommes ou 1 char, débarquer le ravitaillement etc......). Ce type de LCM anglais était équipé de 2 moteurs "Chrysler Marine Engine" de chacun 100CH ( il me semble). Il faut vous dire que J'étais sur le LCM B et que j'avais remplacé sur ce bateau comme quartier-mécanicien, le mécanicien Niccolo qui , avec ce même bateau en allant en opération débarquer un char, s'était "retourné" . En effet, le char mal amarré avait glissé avec ses chenilles en fer sur le pont du bateau, métallique également et le bateau s'est retrouvé la quille en l'air. Le mécanicien Niccolo s'est retrouvé vivant mais bloqué dans son compartiment moteur. Nous essayames de découper au chalumeau la coque du bateau pour le dégager et tenter de le sauver mais hélas en vain et il périt noyé... Inutile de vous dire que le conducteur du char aussi.
Mais je reviens à l'accident du 14/07. Amarré à nôtre LCM se trouvait le LCM A avec un équipage de 6 ou 7 marins parmi lesquels Henri Brandière, 19 ans comme moi , mécanicien comme moi ! Henri était aussi mon copain et triste ironie du sort ce jour là c'était sa fête.
Hélas cela devait être malheureusement sa dernière ainsi que le dernier jour de sa vie ...
Son LCM reçu l'ordre d'appareiller à midi. Aussitôt Henri se précipita dans le compartiment machine qui se trouvait sous le pont où se trouvaient 2 moteurs "Chrysler marine engine de 100 CH ( me semble t il ) .
Ai -je besoin de rappeler qu'il était midi et qu'il faisait une chaleur torride ? Henri a dû s'asseoir sur le siège situé entre les 2 moteurs et voulu démarrer ses moteurs.Il devait certainement y avoir une fuite d'essence qu'il n'a pas sentie et, vraisemblablement à cause d'une étincelle de la dynamo, du démarreur ou de la bobine, une terrible explosion se produisit.
Henri ainsi que les panneaux de protection sous lesquels se trouvaient les moteurs furent violemment projetés en l'air et Henri s'est retrouvé gisant à coté du bateau.
A cause de la chaleur, Henri était torse nu et sans protection aucune. Il était là allongé à terre hurlant, vociférant, la peau qui partait en lambeaux, nous suppliant de le tuer, tellement la souffrance était intolérale. Il avait 19 ans comme moi je le répète et je restais là pétrifié à le regarder , completement désemparé. Un second-maître est arrivé alors et nous avons enveloppé Henri à la hâte dans une couverture .Nous l'avons transporté à l'hôpital de Haïphong. Bien sur étant trop gravement brûlé il y est décédé quelque jours après ...
Nous lui présentâmes les armes et il fut enterré dans le cimetière de Haïphong au nom prédestiné de "La Conquête"...!
Y est-il encore ? je ne le sais pas .
Je suis hélas trop vieux maintenant pour faire le pèlerinage au Vietnam mais depuis qu'à Fréjus s'est ouvert le mémorial des anciens combattants morts en Indochine je vais chaque année m'y recueillir . Même si Henri n'est pas enterré là son nom figure bien sur une des nombreuses plaques où sont inscrits tous ceux qui ont perdu la vie durant cette guerre .
Chaque 14 juillet, jour de la St Henri , je viens déposer un oeillet sur son inscription.
PS: C'est suite à mon abonnement à l'ADSL Wanadoo et ayant vu divers témoignages sur le Web que j'ai eu l'idée d'écrire ce message.
Je voulais le faire depuis longtemps et montrer ainsi que je n'oublie pas 58 ans après, la souffrance est passée mais pas l'oubli et ses amis ou sa famille ont peut être cherché à connaitre les circonstances de sa mort ? .
Au cas où l'on veuille me contacter ( d'autres se rappelleront peut etre ce drâme en le lisant ... ) je laisse mes coordonnées : Jean Decorte Quartier-maître mécanicien 26/06/1928 (Parisien à l'époque) 6 mois à l'école des mécaniciens de Casablanca, 6 mois à Cherbourg sur le Chasseur 125, et 2 ans environ à la F.A.I.N. Tonkin sur LCM A & LCM B. Je joins une photo de moi en marin il y a presque 60 ans de cela ainsi que le nom gravé (d'Henri Brandière) sur les plaques commémoratives du cimetière de Fréjus.
Jean Decorte Croix du combattant. Titre de reconnaissance de la nation. Médaille commémorative de la campagne d'Indochine. Médaille coloniale avec agrafe Extrême Orient. Croix du combattant volontaire avec Barrette Indochine.
Jean Decorte