L'arsenal : zone Vauban

C'est vers 1639 que Richelieu créa à Toulon un « parc de la Marine ». Ce premier établissement était situé à l'emplacement de l'actuelle Préfecture Maritime. De 1678 à 1700, l'arsenal est l'objet d'important travaux d'extension aux cours desquels il se developpe autour de la darse Vauban jusqu'au abords de l'actuelle porte Castigneau. Le secteur proche de la porte principale constitue le coeur historique de l'arsenal. La zone des bassins Vauban témoigne de l'évolution plus recente de l'arsenal et de la construction navale.

La porte principale (devenue porte du musée naval)


La porte principale est aujourd'hui la porte du musée naval.

Ce monument, d'une hauteur totale de 13,50 m et d'une largeur de 11,50 m, fut érigé sous Louis XV, en 1738, sur l'emplacement d'une porte plus modeste construite au XVIII siècle, et ornée de trophées par Dolle, sculpteur de Castellane. Quant à la porte de l'arsenal primitif, qui avait précédé celle décorée par Dolle, elle se trouvait sur le prolongement à l'Ouest de la Darse vieille Henri IV. La Porte Principale, d'ordre dorique romain, est flanquée de quatre superbes colonnes en marbre cipolin, importées de Grèce. Elle fut construite en régie, pour le compte de la Marine, d’après les plans et sous la direction de Maucord, dit Lange (1671-1761), Maître sculpteur entretenu du Port. C'est lui qui sculpta la figure de Minerve (à droite). Son gendre le toulonnais Verdiguier (1706-1796), non moins habile que lui, fit la figure de Mars (à gauche) ainsi que les bas reliefs des 4 panneaux de l'entre colonnement, composés de trophées et d'attributs de Marine. On raconte que la position de la tête de Mars ne donna pas satisfaction à Verdiguier. La nuit venue, le sculpteur scia le cou du Dieu de la Guerre pour lui impartir un autre mouvement plus heureux. Etant le lendemain matin monté sur l'échafaudage, l'Intendant du Port reconnut l'artifice et complimenta l'artiste. Ces deux statues sont en pierre de Calissane. Joseph Hubac, dit l'ancien (1716-1761), autre sculpteur de la Marine, réalisa les deux petits génies qui soutiennent des palmes et des lauriers, ainsi que les attributs des sciences et autres pièces qui couronnent l'attique. Ce monument, un des plus beaux de Toulon, après les cariatides de Puget, est fermé extérieurement par une porte à deux vantaux en noyer à canneaux sculptés et moulurés, et intérieurement par une grande grille qui date de 1832. Il est classé monument historique depuis 1910 et a peu souffert durant la dernière guerre.


La porte principale de l'arsenal.

Cette porte monumentale a cessé d'être utilisée en 1956 lorsque fut aménagée la grille d'entrée actuelle. Initialement placée face à l'entrée actuelle de l'arsenal, la porte a été déplacée en 1976 à l'occasion du remaniement de la place Monsenergue. Elle rejoint la façade du musée de la Marine à l'issue d'une translation et d'une rotation à 90°.

LA CORDERIE

La corderie est certainement le plus beau bâtiment de l'Arsenal. Elle a été construite de 1686 à 1701 par André Boyer, architecte du Roi, sur des plans établis par Vauban. Il s'agit du premier édifice bâti dans la darse neuve, lors de l'agrandissement de l'enceinte fortifiée de Toulon et de son arsenal. Le coût des travaux fut de 95 000 livres.

Le bâtiment mesure 402 mètres de long et 20 mètres de large. il se termine à l'Est et à l'Ouest par un pavillon mansardé de deux étages. Le corps principal, est formé par des voûtes d'arêtes supportées par deux rangées de 196 piliers carrés en pierre de taille, constituant trois longues nefs subdivisées en 66 travées Nord-Sud. A l'origine, la corderie, comme son nom l'indique, était affectée à la fabrication des cordages, dont la Marine à voile faisait une énorme consommation. Cette utilisation explique la longueur du bâtiment : il fallait au moins une longueur de 360 mètres pour filer à l'aise les torons, qui « commis » ensemble perdront 1/3 de leur longueur pour former des câbles de 600 pieds (195 mètres), c'est à dire une encâblure.

Le commettage (assemblage) des filins se faisait au rez-de-chaussée. Les métiers étaient actionnés par des chevaux. Le premier étage était destiné aux fileurs et peigneurs de chanvre; Le chanvre était stocké dans les combles. Une fois les cordages finis, on les pendait aux crochets que l'on peut encore voir sur la façade nord. Le spectacle "pittoresque" offert par les forçats travaillant sous les imposantes voûtes de la Corderie devint un "must" des "touristes" de l'Ancien régime; En 1777, l'Empereur d'Autriche, frère de Marie-Antoinette, et le comte de Provence, frère du roi, de passage à Toulon, passèrent une matinée à regarder la fabrication d'un câble. La seconde révolution industrielle touche la Corderie, qui passe de la fabrication des cordages à celle des câbles d'acier. Du même coup, l'effectif des ouvriers qui y travaillent passe de 700-800 à environ 200 personnes. Un appareil de commettage est installé dans chacune des deux nefs; il se compose de 288 tourets sur lesquels sont enroulés les fils dont la torsion forme les torons; Ces tourets sont répartis de 12 en 12 sur 12 lignes étagées les une au dessus des autres...Le câble, sorti de l'appareil de commettage, s'accroche à un chariot tiré par 4 chevaux. En 1861, le progrès remplace ces malheureuses bêtes par une machine à vapeur, et un chemin de fer est construit à l'intérieur de la Corderie. En 1873, la suppression du bagne met fin à l'exploitation de l'atelier de la Corderie, qui est transférée à Brest.


La tour carré de l'horloge.

TOUR CARREE DE L'HORLOGE

Cette tour de 24 mètres de hauteur et de 5,20 mètres de côté fut édifiée à partir de 1773 par l'ingénieur Verguin, ainsi que le bâtiment où elle est incorporée, lors de la création de la darse neuve. La partie Sud de ce bâtiment, démolie par les bombardements et qui abritait la Direction des Constructions Navales, n'a pas été reconstruite. La partie nord, qui subsiste encore, a connu diverses utilisations, On y vit en 1786, la Majorité Générale, en 1814 le premier Musée Naval fondé par l'ingénieur Charles Dupin, puis elle fut affectée à la Direction du Port qui y resta jusqu'en 1960. Depuis 1962, la Majorité Générale y est installée. Le bâtiment est surmonté d'une tour carrée couronnée d'une horloge avec cadran horaire sur chaque face orné de sculptures et d'un masque allégorique du Temps. Placé sur un ancien sol marécageux le pavillon de l'horloge est construit sur pilotis. La tour, dès l'origine, était couronnée par un dôme en ferronnerie supportant la Grosse Cloche qui, avant cette construction, occupait un autre emplacement. Cette cloche sonnait pour la rentrée et la sortie des ouvriers, et donnait l'alarme en cas d'incendie ; elle annonça la mobilisation de 1914. En 1918, on installa une sirène. La partie supérieure de la tour fut longtemps encombrée d'appendices divers qui l'enlaidissaient et, en 1929, pour faciliter le service de la Vigie, la Cloche fut descendue, posée à son emplacement actuel, et l'on bâtit un étage supplémentaire à parois vitrées. Après la libération, la construction d'une nouvelle vigie à l'îlot Castigneau permît de rendre au sommet de la tour son aspect ancien et l'on refit, d'après les vieux documents, un dôme en ferronnerie trop léger cependant pour supporter le poids de la Grosse Cloche (850 kg) ; c'est une fausse cloche en bois qui y est suspendue depuis 1954.


La grosse cloche.

LA GROSSE CLOCHE

Placée actuellement sur un socle devant le bâtiment de l'Horloge elle date de 1672 et fut coulée à la Fonderie de la Marine par Baube. Elle pèse 850 kg et mesure l,30m de diamètre à la base. Le haut de la cloche est entouré d'une couronne saillante composé de feuilles d'acanthe sous laquelle on peut lire : "à Louis XIV toujours et partout victorieux, par les soins de Louis Mathare, préposé aux armement" - et au dessus : Baube l'a faite à Toulon, elle a été fondue pour marquer avec vigilance les heures de travaux navals. Sur une face ont peut voir la figure du soleil avec au dessous un médaillon orné de feuilles d'acanthe et surmonté de : "Supérieur à Tous". Le portrait de Louis XIV qui à l'origine ornait le médaillon à été effacé au burin à la Révolution.

LES BASSINS VAUBAN


Un des bassins de radoub de la zone Vauban

BASSIN VAUBAN N° 1 : Dû au génie de l'illustre Ingénieur Général de la Marine Antoine Groignard (1727-1798), le bassin de radoub, le premier réalisé sur les côtes méditerranéennes, fut commencé en 1774 et achevé en 1779. C'était une entreprise fort hardie pour l'époque. On ne connaissait de forme de radoub que dans les Ports de l'Océan, que le flux remplissait et que vidait le reflux. La tentative de construction de formes à Carthagène avait été un désastre. Groignard réussit là où d'autres avaient échoué, grâce à un ingénieux système d'encaissement. Une monumentale caisse de 100 mètres environ fut coulée à l'emplacement du bassin qu'on construisit à l'intérieur. Le premier vaisseau qui y entra pour carénage fut le Souverain Avec les progrès de la construction navale, le premier bassin de radoub était devenu trop petit pour les bâtiments de premier rang. On décida alors, en 1827, la construction de deux autres bassins.

BASSIN VAUBAN N° 2 : Long de 79m,97 et large de 18m,02 au couronnement, il est dû à l'ingénieur Bernard. Il ne fut pas construit suivant les mêmes procédés que le précédent, mais n'en donna pas moins lieu à un certain nombre de mécomptes. Exécutée à l'abri d'une enceinte de pieux jointifs, sa construction commencée en 1828 fut menée lentement, par étapes, avec des temps d'arrêt et d'épreuves, et terminée en 1838. Elle dura donc 2 fois plus de temps que celle du Bassin n° 1. .

BASSIN VAUBAN N° 3 : Sa longueur est 88,15 m et sa largeur de 17,25 m au couronnement. Il fut construit, sous la direction de l’Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées Noël de 1841 à 1846, dans une enceinte de pieux espacés et bordagés, cloués au scaphandre. Ses dimensions furent augmentées en cours d'exécution pour permettre le radoubage de grandes frégates à vapeur de 500 chevaux de l'époque.


Les grands bassin Vauban

GRANDS BASSINS VAUBAN : Ils sont chacun longs de 422 mètres, larges de 40,66 m au couronnement avec enclaves pour portes intermédiaires à 210 mètres, 235 mètres, 250 mètres à partir de l'enclave Sud. La construction de ces deux bassins fit l'objet d'un projet établi par Monsieur l'ingénieur des Ponts et Chaussées Delande et présenté au Ministre de la Marine par Monsieur l'Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées Herzog, Directeur des Travaux Hydrauliques. Prévue par dépêche Ministérielle du 21 janvier 1910, elle fut donnée en adjudication à la Société des Grands Travaux de Marseille le 21 octobre 1911. Commencés en 1911 et entierement gagné sur la mer a été construit à partir de deux grandes coques en acier assemblées par les Chantiers de la Seyne-sur-mer. C'est dans ce monumental coffrage rigidifié par des poutres que les maçonneries ont été réalisées apres son échouage. La pose du radier de 8 mètres d'epaisseur a peine achevé, la Grande guerre éclate. Les travaux, furent repris en 1919 et entièrement terminés en 1927. Entre temps, le Bearn entre dans le bassin n°1 le 30 juin 1924 pour la mise en place de ses arbres de couche et hélices de l'épave de la Liberté dans le bassin n° 2 le 11 février 1925. Ces deux bassins qui furent les plus grands du monde à leur époque - le Bassin Saint John au Canada n'avait que 350 mètres de longueur - ont été gravement endommagés durant la dernière guerre par des bombardements et les Allemands. Début 2000, ils sont complètement remis en état et même améliorés, puisque l'on a procédé à l'élargissement de la forme Sud-Ouest pour permettre de recevoir des porte-avions type USS Nimitz mais aussi et surtout pour le PAN Charles de Gaulle.

L'ARSENAL de TOULON possède par ailleurs 5 autres bassins de radoub, à savoir :

Bassins Date de construction Longueur au couronnement Largeur au couronnement Observations
MISSIESSY 1 1880 201,65 m 30,34 m Allongé et élargi de1909 à 1913
MISSIESSY 2 1881 201,65 m 30,34 m
MISSIESSY 3 1893 178,65 m 30,34 m
CASTIGNEAU 2 1863 114,00 m 22,01 m  
CASTIGNEAU 3 1886 163,09 m 23,83 m  

En plus de ces 11 bassins de radoub, l'Arsenal disposait, avant la dernière guerre, de deux docks flottant, de 50 mètres pour navires de 350 tonnes, de deux docks de 165 tonnes et d'une cale de halage pour chalands et chaloupes.

(Sources: plaquettes d'informations sur la visite de l'arsenal)


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