1ère partie : Guerre des mines en Corée

(Par: Léon C. Rochotte, Ingénieur, Retraité, traduit de l'anglais. article publié dans la revue "Minewar News" de l'U.S. Navy, Octobre 1998, Éditeur: Frank Gregory, N.S.W.C. Panama City, Florida. - Version intégrale Juin 1998)

Note de l'Éditeur : Concernant l'auteur: Léon C. Rochotte est rentré dans la Marine Nationale en 1949. Il était matelot radio à bord de l'Escorteur La Grandière (F731), contribution française dans les eaux coréennes de juillet à décembre 1950 qui participa aux débarquements d'Inchon et de Wonsan. La Grandière fut intègré au 4th Frigate Squadron (F4) placé sous commandement britannique pour la durée des opérations. Rochotte a quitté la Marine en 1956 comme Second Maître de la 15F (Corsairs F4U7). Il est maintenant Ingénieur Méthodes retraité et membre du Conseil National de l'Association Nationale des Anciens des Forces Françaises de l'O.N.U. et du Régiment de Corée (A.N.A.F.F. ONU-R.C.). Il est également membre de la British Korean Veterans Association (B.K.V.A.), South London Branch. Il réside à Saint Michel sur Meurthe, Vosges. Les récits concernant le HMS Mounts Bay (F627) sont extraits d'un article de Don Giles "Le HMS Mounts Bay dans les eaux coréennes" publié en Français par Léon Rochotte dans le Bulletin national de l'ANAFF ONU "Le Piton" de janvier 1998. Don Giles a servi dans la Royal Navy à bord du Mounts Bay de 1949 à 1951 comme matelot breveté. Il est retraité de Royal Fleet Reserve avec le grade de capitaine de corvette et a fini sa carrière active dans le civil. Le Mounts Bay était le navire de commandement du F4 pendant les opérations de débarquement d'Inchon en Septembre 1950. Cette force était la composante du "groupe écran" TG 90.4, puis du "groupe de dragage de mines" TG 95.6. Plus tard, Giles a servi à bord du HMS Cheerful, un dragueur de mines, puis du HMS Contest un mouilleur de mines. Il est membre de l'Association Britannique des Vétérans de Corée (B.K.V.A.) et habite Lincoln, Royaume Uni. L'auteur a demandé pour cet article la collaboration du C.A. (cr) Louis Tailhades (alors Lieutenant de Vaisseau Trans et Conduite du Navire), et d'anciens Marins du bord: Lucien Charron, Gaston Brockly, et Marcel Favry, tous embarqués sur le La Grandière pendant cette période. (L'auteur assume la responsabilité des opinions, citations, résumés et interprétations exprimés dans cet article).

À bord du FMS La Grandière (F 731)

Le 8 septembre 1950, chaque commandant des bâtiments du F4 fut informé qu'il allait participer incessamment à une opération tenue secrète. Les contacts avec l'extérieur et avec les autres commandants furent interdits et un strict silence radio fut prescrit. Les jours suivants, le commandant du La Grandière, le CF Urbain E. Cabanié, reçut ses ordres dans une enveloppe scellée avec instruction de ne la décacheter qu'après l'appareillage prévu pour midi le 10. Après le départ, le commandant pris donc connaissance de ses ordres qui étaient de rallier la Task Force 90, sous commandement du CA Lyman A. Thackrey USN. La TF 90 devait assurer le soutien d'une opération amphibie à Inchon, à quelque 300 kilomètres au Nord Est du port de Pusan dont l'ennemi était alors à moins de 50 kilomètres.

Nous faisions partie, avec d'autres groupes d'attaque, de l'escorte des convois et de la force d'assaut des Marines US, qui devaient se mettre en place pour les opérations amphibies de débarquement. Du fait que la zone était fortement minée, il y avait avec nous plusieurs dragueurs de mines. Les différents groupes devaient se mettre en place selon un ordre et un minutage rigoureux: d'abord les dragueurs et la force d'assaut, puis les bâtiments qui devaient assurer l'appui-feu et avaient à se disposer en arcs concentriques tenant compte de la portée de leur artillerie, et enfin, en mer, les porte-avions.

Le La Grandière était CTU 90.04.3 et devait rejoindre la force d'assaut 90.42 avec trois dragueurs l'USS Partridge (AMS 31), USS Osprey (AMS 28) et l'USS Mocking Bird (AMS 27). Dans le convoi qui nous était confié se trouvait aussi les remorqueurs YTB 406 et YTB 101, ainsi que trois autres remorqueurs océaniques USS Arikara (ATF 98), USS Lipan et USS Cree (ATF 84) avec leurs éléments de quais flottants. Notre groupe fut le premier à quitter Sasebo (Japon). Pendant ce temps d'autres groupes appareillaient de la côte Est du Japon. Nous fûmes bientôt dépassés par ces groupes qui avaient à se positionner avant le débarquement.

Le 11 septembre, nous reçûmes un message nous prévenant de la formation d'un typhon dont le trajet devait suivre la côte Ouest de la Corée, menaçant l'opération en cours. Heureusement, la tempête se détourna et l'opération put se poursuivre. C'est dans la nuit du 14 que notre convoi arriva au large d'Inchon. À minuit dans une nuit noire de nouvelle lune, nous progressions dans le chenal menant à Inchon, tous feux éteints. Le chenal était étroit et soumis à de forts courants. Compte tenu de la présence de mines, les dragueurs étaient passés devant, frayant leur chemin dans le dédale des îles et ouvrant la voie aux nombreux bâtiments de guerre (230...). Compte tenu du nombre de navires qui prenaient part à l'opération dans ces conditions précaires et dans une aussi petite zone de combat, ce fut une chance qu'il n'y ait aucun accident.

À bord du HMS Mounts Bay (F 627)

C'est le 11 septembre, que la frégate de la Royal Navy Mounts Bay appareilla de Pusan pour rejoindre en mer le gros des forces de débarquement au large de la côte Ouest de Kyushu. Notre rôle était d'assumer une mission d'escorte et de protection en compagnie d'autres frégates: HMS Whitesand Bay (F 633), Morecambe Bay (F 624) ainsi que des Néo-Zélandais HMNZS Tutira (F517) et Pukaki ( F424). Nous rejoignîmes plus tard le Français FMS La Grandière puis les frégates américaines USS Bayonne, USS Newport et USS Evansville. Heureusement la mer et le vent s'étaient calmés, permettant une navigation plus confortable dans la traversée de la Mer Jaune vers notre ultime destination, le Chenal du "Poisson Volant" conduisant à Inchon.

Dès le 13, la cadence et l'intensité des bombardments navals et aériens s'accrut fortement. Vînt s'y ajouter les croiseurs légers HMS Jamaïca et Kenya qui eurent la tâche de détruire cinq batteries côtières de 76 mm sur l'île de Wolmi Do, dominant l'entrée du port d'Inchon.

Le CV J.H. Unwin RN, DSC, commandant du Mounts Bay, reçut la responsabilité de constituer un écran extérieur de protection d'environ 50 nautiques de long sur 40 de large vers le Sud des passes d'Inchon. La mission était d'empêcher toute pénétration ennemie vers la zone de débarquement tant par bateaux, que par embarcations suicides, nageurs de combat, mines flottantes, et de prévenir tout mouvement de l'ennemi entre les îles et le continent, ainsi que d'assurer le sauvetage des équipages d'avions abattus. Sous le commandement du CV Unwin, on retrouva le Whitesand Bay et le Morecambe Bay, avec le RNZS Tutira (ex Loch Morlich), le RNZS Pukaki (ex Loch Achanal) tous deux frégates de la classe "Loch" armées d'un seul canon de 4 pouces, de 20mm et 40mm AA et de deux systèmes squid AS.

La participation US dans cet ensemble était assurée par les USS Bayonne, Newport et Evansville qui étaient des corvettes de la classe "Ashville" (classe Lend Lease River), disposant chacune d'un armement léger de trois canons de 3 pouces et de dix 20mm AA ainsi que de grenades sous-marines. Le dernier maillon (last but not least) de cet écran était le (French Motor Ship) FMS La Grandière, un aviso colonial de quelque 2.600 tonnes (pc) armé de trois canons de 5,5 pouces (138mm) en tourelle simple ainsi que de onze 20mm oerlikon et quatre 40mm bofors AA, de grenades sousmarines (66). (DonGiles avait écrit: le Mounts Bay et le La Grandière avaient déjà assurés côte à côte de nombreuses missions d'escorte et de protection de convois et, au repos au port, les équipages n'avaient pas manqué de cimenter ces bonnes relations de travail par des échanges de rhum, de vin, de cigarettes gauloises et de bonne hospitalité mutuelle. Le mélange de vin rouge avec le rhum produisait un concentré explosif d'au moins 200% d'indice d'octane ressemblant plutot à du carburant d'aviation qu'à une boisson à boire entre amis, mais cependant tellement appréciée de chacun. Texte non édité ...)

Pendant le débarquement du 15 septembre, les équipages des bâtiments du screening group étaient à leurs postes de combats, attentifs à toute réaction des troupes Nord-Coréennes. Le lendemain à 20h 30, notre radar de veille repèra un bateau qui ne répondit pas à nos signaux lumineux. Notre tourelle "B" ouvrit le feu avec six rockets éclairantes de 2 pouces. Nous pûmes ainsi identifier un dragueur ROK (Republic Of Korea) en train de rejoindre la flottille dont nous avions la protection et opérant dans les passes d'Inchon...

Le 18, le Mounts Bay et le La Grandière se mirent à tirer au 40mm bofors sur des mines flottantes, en détruisant quelques unes. Les Coréens du Nord larguaient dans les courants des mines de contact fabriquées par les soviétiques en utilisant pour celà des jonques et des sampans.

Le 25 septembre, comme les forces des Nations Unies étaient sur le point d'investir Séoul et que la jonction avec les éléments de la 8ème Armée venant du Sud était imminente, les priorités navales furent ré-étudiées et le dispositif de l'écran de protection réaffecté. Le Mounts Bay vînt s'amarrer à couple de l'USS Winston (AKA94) dans le port d'Inchon pour avitaillement. La réorganisation tenait compte du fait qu'il était devenu hautement nécessaire de faire face au danger créé en mer, tant par les mines mouillées que par les mines flottantes. Cinquante quatre mines avaient été vues rien que par notre groupe. Deux destroyers US, l'USS Mansfield (DD 728) et l'USS Brush (DD 745) ainsi que deux dragueurs ROK de la classe Albatross devaient sauter sur des mines et être plus ou moins gravement endommagés. L'USS Magpie (AMS25) fut coulé par mine, au large de Pohang. En dehors des dommages causés aux navires, il y eut des victimes dans les équipages et celà était une menace permanente pour tous les Marins.

À bord du La Grandière

Nous pûmes voir un bâtiment US qui avait sauté sur une mine et constater de visu ce qu'une mine peut causer comme dommages à un bateau. C'était probablement l'USS Brush (DD745). La proue était détruite. Un de nos marins se rappelle parfaitement de ce qu'il a vu: "...tout l'avant y compris la première tourelle avait disparu, comme coupé à la scie. Cependant le bateau avançait à petite vitesse par ses propres moyens. La poupe se dressait en l'air et les hélices étaient quasiment hors de l'eau..." Un autre ajoute: "Il y avait de nombreuses victimes, peut-être une cinquantaine... et je crois qu'il y avait au moins cinq marins tués... C'était tout à fait possible, car comme dans notre Marine, les postes d'équipage sont placés à l'avant des bateaux, non loin des soutes... Dieu ait leur âme!"

À bord du Mounts Bay

Les mêmes bâtiments qui avaient été affectés à des missions de protection dans l'écran au large d'Inchon se retrouvèrent presque tous dans le Groupe de dragage de mines TG 95.6 sous le commandement du CV Richard T. Spofford USN. On revoit donc le Mounts Bay, son inséparable compagnon français La Grandière, le Whitesand Bay, le Pukaki, le Tutira et deux nouveaux dragueurs ROK. Après avoir refait les pleins, nous voilà partis en patrouille avec le ROK 502 dans les innombrables ilôts et dans les baies à la recherche des jonques et sampans mouilleurs de mines. À 2h 30 le 2 octobre, le radar du Mounts Bay décèle un "putois" (objectif non identifié) qui ne répond pas à nos signaux. Nous rapprochant de l'objectif, une jonque, nous lui ajustons un tir dans la proue, la forçant à stopper. L'interrogatoire de l'équipage ne se révèla pas fructueux compte tenu de l'obstacle du langage. Nous prîmes donc la jonque en remorque et, le lendemain, elle fut remise aux mains du ROK 502 pour plus amples investigations. En fait, nous n'eûmes pratiquement jamais affaire à des unités navales Nord-Coréennes, par contre les batteries côtières étaient un gros problème et la menace des mines soviétiques, mouillées ou flottantes, allait sans cesse en grandissant. Le 10, nous rentrâmes de patroulle pour aller nous amarrer à couple de l'USS Piedmont, bateau atelier ancré au large d'Inchon, pour refaire nos pleins.

À bord du La Grandière

La routine de notre patrouille fut interrompue le 2 octobre. Nous allâmes mouiller au large de Wolmi Do et reçûmes la visite du CA L.A. Thackrey USN, commandant des forces amphibies d'Extrême-Orient, TF 90. Sa visite était une de ces nombreuses visites d'officiers de haut rang que nous eûmes durant l'opération.
(Addition de l'auteur: Le bateau Français recevait fréquemment en effet de nombreuses visites d'OfficiersGénéraux ou Supérieurs, souvent flanqués d' impressionnants États-Majors. Le La Grandière était rapidement devenu célèbre dans toute la Mer Jaune de par l'excellence de la cave de son commandant le CF Urbain Cabanié FN. Avec tout le respect dû à tous ces hauts gradés RN, USN ou USMC ainsi qu'à leurs suites, je me dois de signaler quand même que nous avions à bord du La Grandière une équipe parfaitement entraînée pour accompagner en toute sécurité nos visiteurs dans leur descente périlleuse de notre échelle de coupée vers leurs vedettes, les conditions atmosphériques devenant souvent soudainement mauvaises dans ces mers lointaines... Non publié... )

Le La Grandière reprit la mer le 6 octobre. Après trois jours de patrouille, nous fûmes rejoint par le Mounts Bay ayant un interprète coréen à bord. Les gens du Mounts Bay avaient en effet fini par résoudre leurs problèmes d'interrogatoire des équipages de bateaux suspects en embarquant des interprètes. Ils désiraient nous faire profiter de leur idée et, par cable, avec la poste, ils nous transférèrent un Coréen, par dessus les eaux tumultueuses brassées par les deux bateaux marchant plein pot bord à bord...(opération jack stay). Après ce voyage effrayant, le brave homme dut prendre le temps d'arrêter ses tremblements avant de se présenter comme étant Ingénieur Météo dans le civil. Par la suite il nous raconta la terrible vie en Corée du temps de la colonisation japonaise et après l'arrivée des forces communistes. C'était un gars vraiment amical et intelligent qui fut rapidement adopté.

Pendant cette période, nous ne cessions d'avoir des alertes aériennes quasiment tous les jours, mais jamais une menace d'attaque par un quelconque avion ne se matérialisait. En fait, ces alertes provenaient d'appareils amis qui décollaient de l'aéroport de Kimpo récemment reconquis, et qui survolaient notre zone en omettant de déclencher leur répondeur I.F.F. (Interrogation Friend or Foe). Ces oublis faisaient que les bâtiments se tenaient constamment en alerte et maintenaient pour rien leurs équipages aux postes de combats. Àprès avoir ainsi répondu inutilement à quantité de fausses alertes, les équipages devinrent quelque peu démotivés. Mais un jour, nos canonniers furent vraiment très surpris quand le La Grandière fut tout à coup sauté par un MiG. Un de nos Marins se rappelle bien la situation: "Ce fut si soudain, et dans le labyrhinte des îles le radar était peu fiable. Le MiG a sauté littéralement le bateau, frolant le mât. Complètement surpris, nous avons rapidement tourné toutes nos pièces en entendant à nouveau un grondement de réacteurs allant en s'amplifiant. Les 40mm et les 20mm commencèrent à aboyer quand l'objectif surgit au ras de l'eau, azimuth zéro. Mais la vitesse angulaire était telle que les avions ne furent pas touchés. Heureusement car c'était deux chasseurs US, peut-être bien de tous nouveaux F-86 Sabre il m'a semblé." (Non publié : " Une seconde plus tard, les Yankies se mirent à débiter des obscènités à notre endroit à la radio, je ne vous dis pas! À tel point que nous avons regretté de leur avoir envoyé La Fayette! Mais on a fait comme si on avait rien entendu. Mieux vaut être sourd dans ces cas là." Peu de temps après, les Yankies semblaient avoir repèré leur MiG à nouveau. Et c'était intéressant de les écouter s'interpeller à la radio en essayant de coincer leur proie.

Le 14 octobre, le La Grandière alla mouiller devant Inchon. Les objectifs et la statégie navals devaient être à nouveau examinés, entraînant la réaffectation du groupe de guerre des mines TG 95.6. Les opérations de dragage dans cette zone n'avaient plus lieu d'être grâce, notamment, à l'efficacité des dragueurs de mines ROK (Sud-Coréens) et US qui y avaient opèré. Le Mounts Bay fut renvoyé à des tâches générales et d'escorte et notre La Grandière reçut la mission de participer à la protection d'un second débarquement à Wonsan sur la côte Est. Le 16, les plans de ce débarquement furent donc présentés par le nouveau Commandant en Chef de la Task Force 90, le CA J.H. Doyle USN, à bord du navire amiral USS Mount Mc Kinley (AGC 7). Le La Grandière appareilla le 17 octobre avec quatre autres frégates (Whitesand Bay, Morecambe Bay, Pukaki et Tutira), escortant cinq gros transports avec une Brigade de Marines à bord. Notre route nous mena à travers le Détroit de Corée dans la Mer du Japon et nous étions à l'entrée du chenal menant à Wonsan pour le 21. Malchance, le chenal était là aussi sévèrement miné, et deux dragueurs US y avaient sauté et coulé le 12, l'USS Pirate (AM275) et l'USS Pledge (AM277) ! Notre convoi reçut l'ordre de rester en pleine mer. Le débarquement était différé. La baie de Wonsan était impraticable et couverte de mines soviétiques... Nous maintîmes notre position jusqu'au 25 quand enfin notre convoi reçut l'autorisation de poursuivre sa route dans le chenal, le La Grandière ouvrant la marche (ben donc... Non édité...). Nous naviguions à petite allure, ralentissant encore plus et même stoppant quand il apparaissait qu'une mine puisse nous menacer.

"Sur la passerelle, nous étions tous inquiets, et même angoissés, se rappelle un de nos 'tim'. J'étais de quart, à bien surveiller s'il n'y avait pas de mine dérivante quand tout à coup j'en vis une en surface à travers mes binoculaires, dansant gentiment dans la houle par tribord. Le convoi était bien en ligne derrière nous. J'interpelle l'Officier de Quart : Est que vous voyez ce que je vois Lieutenant? Il me répond que c'était la deuxième qu'il apercevait sur les deux ou trois nautiques parcourus, et, à ma grande surprise, me dit de me tenir tranquille et de ne pas donner l'alarme. 'Comprenez-vous mon gars, si les transports de troupes apprennent qu'il y a des mines devant, ils peuvent prendre peur et attendre là que le chenal soit à nouveau déminé. De toute façon cette mine là est trop loin pour qu'on puisse la tirer. Alors on la boucle... OK?' Je suis retourné à mon poste de veille, faisant une prière à Dieu que s'il y avait encore une de ces putains (Non édité!!) de mines devant, quelqu'un puisse la voir à temps...!"

Grâce aux dragueurs US et ROK la zone fut finalement suffisamment sécurisée pour que les Marines puissent débarquer sans opposition de l'ennemi car, le port était déjà investi par les forces amies. Ce grand port au Nord du 38ème parallèle était tombé aux mains des Forces Sud-Coréennes qui y attendaient le reste du "X Corps". Le débarquement de Wonsan tournait court, à notre grand embarras à tous. Le même jour le La Grandière et les autres frégates s'en retournèrent vers Sasebo. Nous fûmes rejoints à la mer par le Mounts Bay et nous arrivâmes le 27 octobre. Le La Grandière avait passé quarante sept jour en mer sans discontinuer et sans toucher terre. Il faisait froid et il neigeait....

Le La Grandière resta à Sasebo jusqu'au 15 novembre. Les opérations navales étaient au point mort et les Forces de l'ONU avaient progressées bien au delà du 38 ème parallèle: l'ennemi semblait complètement battu. Une dernière mission nous fut assignée: le 17 novembre, nous appareillâmes pour Chinampo au Nord du 38ème parallèle sur la côte Ouest, avec une quarantaine de Marins américains. Chinampo est le port de Pyongyang, capitale de la Corée du Nord, sur l'estuaire de la rivière Taedong... Le 19, le La Grandière mouillait devant le port pour y débarquer ses passagers. C'est pendant la nuit du 21 novembre que nous reçûmes un message de l'Amiral F.M.E.O. le La Grandière devait revenir en Indochine suite au désatre de Cao-Bang.

C'est ainsi que se termina la représentation navale Française dans les eaux Coréennes et notre participation dans ce qui allait devenir: "the Forgotten War" (la Guerre Oubliée).


Addition de l'auteur : Revenus à Sasebo, nous fîmes nos adieux aux bâtiments présents par une réception donnée par les Britanniques sur le HMS Lady Bird le 24 novembre et sur le La Grandière le 25. Les gars du Mounts Bay nous annoncèrent qu'ils s'en retournaient à Hong Kong. Le même jour, nous appareillâmes pour Yokohama pour y mouiller le 28. Le lendemain, nous avons participé à une réception donnée en l'honneur du La Grandière à l'Ambassade de France à Tokyo, en présence du VA Joyce USN, Commandant en Chef des Forces Navales des Nations Unies, et des délégations de tous les pays qui combattaient au côté des États-Unis dans cette guerre. C'est là que nous apprîmes que, deux jours auparavant, 500.000 soldats chinois avaient traversé la frontière Nord Coréenne et bousculaient le dispositif de l'ONU. La guerre sur terre recommençait... Nous avons pris la mer le 1er décembre 1950 pour atteindre Saïgon le 10. C'est peu après que nous devions appareiller pour le Tonkin et le Nord de la baie d'Along assurer l'appui feu au 'chapeau chinois'...


Le Bataillon Français avait débarqué à Pusan le 29 Novembre 1950 pour être intègré au 23ème Régiment de la Seconde Division d'Infanterie US et y combattre jusqu'à la fin des hostilités en Juillet 1953.
Effectifs engagés en Corée : 3.421 - Tués au combat : 287 - Blessés : 1.350 - Disparus : 7 - Prisonniers : 12

Pour en savoir plus : http://www.2id.org et http://www.koreanwar.org

La Grandière : 143 Marins du 8 Juillet au 30 Novembre 1950 - Tués: 2 par le Viêt Minh, Rivière de Saïgon, avant le départ pour la Corée.

2ème partie : Opération Chromite. Le Débarquement d'Inchon.


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