Les sous-marins d'escadre type Narval
Du projet E-48 aux sous-marins Narval Le projet de sous-marin d'escadre est issu du projet de sous-marins du nom de code « E-48 », lui même acquis des enseignements issus du sous-marin allemand type XXI. Un des anciens U-Boot allemand de ce type, le U-2518 avait été remis à la Marine en 1946, et navigua sous le nom de Rolland Morillot. Les plans détaillés de ce sous-marin furent établis, et la marine française procèda à son évaluation complète. Il serait cependant injuste cependant de prétendre que le projet E-48 fut une vulgaire copie des type XXI, car les performances voulues par ceux qui allaient définir les caractéristiques des sous-marins type Narval, allaient conduire à de nombreuses innovations. Les plans de base sont établis par l'Ingénieur Général du Génie Maritime (IGGM) Dupont de Dinechin, à partir des travaux préparatoires de l'ingénieur Isabelle. La conception de ces sous-marins, par les soins d'une petite équipe d'hommes, était encore à l'époque faite de manière artisanale.
La plupart des nouveaux équipements seront installés et testés sur les deux derniers sous-marins construits après la guerre, l'Andromède et l'Artémis. Ainsi, plus de sept années s'écoulèrent entre le lancement du projet E48 et la mise sur cale du Narval, bâtiment tête de série. De nombreuses innovations La conception de ces bâtiments a fait appel à de nombreuses innovations. Le système de détection ou le schnorchel était à concevoir entièrement. Le bâtiment était également doté d'un armement très conséquent. Le rayon d'action fut augmenté sensiblement (400 nq au lieu de 290 pour le type XXI) et l'immersion de destruction doublée (400 mètres). Le chant de l'hélice a été réduit par rapport aux générations précédentes. L'architecture de ces sous-marins d'escadre océaniques, également désigné comme « sous-marins de 1200 tonnes », préfigurait celle des sous-marins modernes qui allaient suivre. Il comportaient en particulier une double coque et une coque épaisse entièrement soudée. Mais, l'une des premières innovations réside dans le mode de construction. Le Narval est construit par assemblage de 7 sections préfabriquées de 10 mètres, entièrement soudées. Ce sont les premiers sous-marins ainsi construits en France.
L'échec de la propulsion Les moteurs diesels Schneider (2 temps à injection mécanique) sont peu fiables. La croisière d'endurance du Narval, parti le 14 mai 1957, fut ainsi abrégée en raison de plusieurs avaries de moteurs. De nombreux accidents auront eu lieu en cours d'essais (Narval en 1957, Dauphin et Requin en 1958), mais aussi après. En outre, le bruit est excessif dans le compartiment moteur, lorsque les diesels tournent à plein régime (112 décibels) ce qui en rend même l'habitabilité difficile. Ces bâtiments présentent une grande indiscrétion sonore, un comble pour des sous-marins ! Le choix de matériel français Schneider avait été dicté par une volonté de redonner à l'industrie nationale sa chance, malgré les côtés hazardeux de cette décision politique. Ces moteurs diesels furent le vice majeur de ces sous-marins jusqu'à leur refonte (1966-70) qui verra la mise en place d'une propulsion diesel-électrique. Après cette refonte, la machine des Narval ne posera plus de problème.
Des méthodes d'assemblage délicates... L'usinage des aciers à haute résistance élastique est aussi délicate. Ce n'est pas l'acier en lui même qui était en cause (c'était quasiment le même que celui qui avait été utilisé pour la construction des sous-marins type Aurore avant la guerre), mais les méthodes d'assemblage nouvelles, notamment la soudure de cet acier par l'arsenal de Cherbourg. La construction du Narval et du Marsouin a rencontré quelques difficultés. L'IGGM Dupont de Dinechin, alors que la construction était déjà bien avancée, a eu des doutes quand à la résistance à la pression des sections avant de la coque épaisse. Une maquette au 1/10e est alors testée en bassin. La calotte avant de la coque épaisse présentent d'importantes voies d'eau avant même d'atteindre son immersion maximale ! Ainsi le Narval et le Marsouin reçurent un système de barre de renfort destinée à empêcher l'écrasement de la coque.
Les quatre premiers de la série (Narval, Marsouin, Dauphin, Requin) furent construits à l'arsenal de Cherbourg. Les deux derniers seront construits par des industriels privés : l'Espadon au chantier Augustin Normand du Havre, et le Morse par le chantier de la Seine Maritime (ex chantier Worms). Ils seront refondus entre 1966 et 1970, par la DCAN Lorient à la base de Keroman. Lors de cette refonte le groupe propulsif est remplacé par une propulsion diesel-électrique constituée de trois moteurs SEMT-Pielstick 12PA4-185, construits par le département moteurs des Chantiers de l'Atlantique. Les tubes arrière sont supprimés à cette occasion, et ils recoivent un nouveau massif périscopique type Daphné à cette occasion. L'habitabilité est également améliorée. Les six sous-marins type Narval sont affecté à la 2e escadrille à Lorient. En presque 30 ans d'existence, ils accomplissent toutes sortes de missions, croisières de longue durée dans l'Atlantique, dans l'océan Indien ou l'océan Pacifique. Ils sont la série des sous-marins « vert ». En effet, pour tenter d'obtenir un meilleur camouflage, les ingénieurs ont choisi à l'origine un superbe vert épinard. Mais le coût de cette peinture étant très élevée, on reviendra très vite à la peinture noire, qui n'est guère plus voyante.
Des records en tout genre... Leur histoire est marquée par quelques exploit qui marqueront les esprits : Un record d'endurance en plongée pour le Requin qui en 1958 fit sa croisière d'endurance en passant 42 jours sous l'eau entre Lorient et les Açores. Il établi ainsi un record mondial pulvérisant l'ancien record de 30 jours détenu par les sous-marins nucléaires américains USS Skate et USS Sea Wolf. Le Dauphin fit également 32 jours de plongée ininterrompue à la même époque.
... et aussi des accidents La carrière du Narval sera marquée par deux accidents majeur. Le 3 mai 1962, alors qu'il navigue à l'immersion périscopique, il est abordé par le pétrolier British Vision. Les dégats sont importants : massif enfoncé, mâts tordus.... et nécessiteront de longues réparations. Plus dramatique, le 3 avril 1966, alors qu'il tente d'appareiller d'un mouillage des Glénans, trois hommes d'équipage et le commandant tombent successivement à la mer par des conditions météo particulièrement mauvaises. Seuls trois corps sans vie seront retrouvés. La carrière du Marsouin sera également marquée par plusieurs accidents. Le 16 novembre 1960, il est abordé, à l'immersion périscopique, par un bâtiment inconnu en Atlantique. Les dégats sont importants et nécessiteront de longues réparations. Le 3 novembre 1961, il est abordé par le caboteur Carentan au large de Lorient. L'étrave et le masque du sonar sont déformés, mais il n'y a pas de blessé. Le 11 novembre 1975, une voie d'eau se déclare en plongée par 200 mètres de fond dans le golfe de Gascogne. Le Marsouin refait surface en urgence, mais l'acide des accumulateurs électriques des batteries se déverse, suite à une forte gite. Six hommes d'équipage sont blessés. Le 5 août 1977, alors en carénage à Lorient. Deux explosions successives au niveau d'une station d'huile, feront un mort et 7 blessés, dont plusieurs gravement brûlés.
En 1979, l'Apollo, un chalutier du Guilvinec, avec à son bord 4 hommes, connait une belle frayeur en crochant accidentellement dans ses filets le Requin. Heureusement le bateau ne chavirera pas. L'Apollo joue de malchance puisque 5 ans après, le même type d'accident se produira avec le Morse. Ce dernier aura connu précédemment un autre accident, en février 1966, au cours d'un exercice franco-britannique. Naviguant à l'immersion périscopique, il heurte un objet non identifié, et abîme son sonar avant. Le Morse sera réparé à Lorient. Des destinées pas banales A partir de 1980 et jusqu’à son retrait du service actif, le Requin va servir de sous-marin d’expérimentation du système d’armes tactiques (SAT), dont le sonar multifonction des SNLE refondus M4, notamment de L'Inflexible, des expérimentations placées sous le sceau du secret de plus absolu. Le Dauphin a eu aussi une destinée particulière puisqu'il a été transformé en bâtiment d'expérimentation pour les besoins du programme Le Triomphant, dans le cadre du programme « Sisyphe » (Sous-marin Installé en Système Pour l'Hydroacoustique Expérimentale). Ainsi de 1986 à 1989 et de 1990 à 1992, le Dauphin a permis de tester l'environnement mécanique acoustique des antennes du sonar, les équipements de détection des futurs sous-marins, mais aussi les systèmes remorqués et les transmissions extérieures.
Désarmé en 1982, le Marsouin est condamné le 8 juin 1983 (n°Q633). Sa coque est vendue aux enchères à Lorient le 6 février 1986, pour la somme de 266 000 francs, puis démolie à l'intérieur de l'arsenal peu après, à l'exception de l'étrave. Cette étrave sera mise en place sur le périphérique de Lorient, près de la base sous-marine. Elle y trône encore aujourd'hui. (Texte Net-Marine © 2007. Copie et usage : cf. droits d'utilisation ; Source : Les sous-marins français de la classe Narval par M. Philippe Querel, Actes du colloques du CHEAr 19/11/1993; Cols Bleus 29/1/1965 et 1990, Marine, Sous-marins français, la décennie du renouveau, Science et Vie 1951, La Revue Maritime).
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