Historique du sous-marin Dauphin

1953-57 : Construction et essais

Mis sur cale en 1953, le sous-marin Dauphin est mis à flot le 17 septembre 1955. A cette occasion, M. Jean Crouzier, secrétaire d'état à la défense et aux forces armées, se rend à Cherbourg pour assister au lancement, qui intervient 9 mois après celui du prototype de la série, le Narval.

Du 29 mai au 31 juillet 1958, sa croisière d'endurance, peu satisfaisante, est entachée par de nombreuses avaries de diesel. Le fond du 1er piston du moteur tribord se fèle, le bloc-cylindre 4 bâbord est perforé... D'autres essais au large on lieu les 3 et 4 juin.

Malgré ces résultats peu probant, du moins pour la partie propulsion, le Dauphin est admis au service actif le 1er août 1958.


A la mer au large de Lorient (août 1961).
1958 : Record de plongée

Mais l'année 1958 ne sera pas seulement marquée par ces avaries de diesel. Avec un de ses sisterships, le Requin, il va battre un record de durée en plongée.

Le 29 mai 1958, le Requin quitte Lorient, puis plonge aussitôt et ne refait surface que le 9 juillet au large des Açores, après 42 jours passé sous l'eau. Quant au Dauphin, parti de Cherbourg le 7 juin, il remonte ce même 9 juillet à la surface non loin de la zone où se trouvait le Requin, après 32 jours de plongée ininterrompue. A bord du Requin et du Dauphin se trouve un équipage de 60 hommes dont 7 officiers et un médecin, exceptionnellement embarqué pour suivre le comportement de l'équipage et fournir les soins éventuel. Les précédents records avaient été établis par deux sous-marins américains à propulsion nucléaire, les USS Skate et Sea Wolf après 30 jours de plongée.

Fin 1959, le Dauphin est placé sous le contrôle opérationnel de l'amiral commandant l'escadre légère.

Le 16 juillet 1960, on le voit à Brest avec le Guichen et un autre sous-marin type Narval. De janvier à août 1961, il est en grand carénage à Kéroman. A l'issue duquel, il part le 29 août pour une croisière d'endurance qui le mène à Mers el-Kébir, puis à Toulon, où il séjourne plusieurs semaines pour faire peau neuve en accumulateurs. Il est de retour à Kéroman le 6 octobre. Un autre carénage a lieu à Kéroman en 1964.

1965 : Croisière polaire et navigation sous la banquise

Après avoir quitté Lorient, en compagnie du Narval le 18 mai 1965, il en revient le 19 avril de la même année après une escale au retour dans le port d'Hambourg. Lors de cette opération, baptisé « Sauna », assistés par le BSL Rhône et par 3 bimoteurs de patrouille maritime P2V-7 Neptune de l'aéronautique navale, les deux sous-marins restent une dizaine de jours à la latitude 72° Nord, à proximité puis sous la banquise, navigant de polynia en polynia (les polynias sont des trous d'eau, ou des zones de glace de faible épaisseur, ouverts au milieu de la banquise).

Le 25 mai, les sous-marins passent le cercle polaire. Le 26 les premiers blocs de glace sont en vue. A bord du Dauphin, un ancien marin raconte que pour faire surface, il a fallut casser jusqu'à 1,20 mètres de glace. Les bateaux souffrent de ces remontées inhabituelles, et les tôles des supertructures sont en piteux état. Le Dauphin déchira même 5 soutes à gasoil. La température descendra jusqu'à -17°C. Le Narval et le Dauphin seront les premiers sous-marins français à naviguer sous la banquise.

De retour en métropole, le Dauphin effectue son troisième grand carénage à Lorient en 1967.


Le Dauphin se met à couple du Tartu aux Glénans (1967 - MN).
1967 : Le Dauphin heurte le fond

Le 15 octobre 1967, il appareille de Kéroman pour un exercice en mer d'Iroise. Deux jours plus tard, il heurte le fond à 50 mètres d'immersion. Le choc est brutal, mais le sous-marin réussi à faire surface en chassant tous ses ballast. La faible vitesse (à peine plus de 4 nds) fait que les dégats seront particulièrement limité. Seul le groupement microphonique le long de la coque sera abimé. La coque, quant à elle, est intacte, et le Dauphin peut poursuivre ses exercices jusqu'au 21 février où il arrive à Brest sans dommage.

De janvier 1969 au 1er mars 1970, le Dauphin est en refonte à Kéroman. Les diesels Schneider sont débarqués et remplacés par trois diesel SEMT Pielstick 12PA4-185 pour la propulsion diesel-électrique en surface. Les tubes lance-torpilles arrière sont supprimés, et un sas est créé. Un nouveau kiosque caréné est mis en place, ainsi que de nouveaux sonars. Les ailerons et barres sont modifiés. L'équipement électronique de détection est rénové.

Jusqu'en 1983, j'ai eu un peu de mal à retracer sa carrière. On le voit en 1973 à Cherbourg, en 1974, dans le canal de Caen près de Dublin (Irlande), en 1976 à Bordeaux. Le 25 mars 1981 il est aux Canaries avec le Rhône et l'Agosta. D'avril 1981 à 7 juillet 1981, il participe à la mission Okoumé.

En mars 1982, après avoir participé a des exercices avec la Jeanne d’Arc et sa conserve, l’aviso-escorteur Doudart de Lagrée, une escale commune est organisée à Casablanca (Maroc).

Le 4 avril 1983, le Dauphin est à Lorient avec le BSL Rhône, puis à Brest. En octobre 1983, il fait escale à Reykavik (Irlande) avec le BSL Rhône.


Sous le pont de Saint Nazaire (février 1984).

1984-92 : Opération Sysiphe

De 1984 à décembre 1985, alors que presque tous ses frères sont désarmés, le Dauphin est transformé en bâtiment d'expérimentation à Lorient. Il sert de banc d'essai au profit des futurs SNLE type Le Triomphant. Il perd ses armes, mais gagne quelques mètres de longueur et un nez... qui va transformer la face des forces sous-marines. Le poste des torpilles devient lieu de travail et de vie des expérimentateurs. La base sonar sphérique est placée sur l'avant, les antennes acoustiques de flanc fleurissent ça et là sur la carène extérieure, et les baies électroniques envahissent l'intérieur. Le sas nageur est tronconné et remplacé par une installation hydraulique permettant d'expérimenter les bouées de réception VLF des SNLE.

Lors de ses premiers essais au large de Lorient, le 10 décembre 1985, une voie d'eau survient alors que le bâtiment est en plongée, avec à son bord la totalité de l'équipage et des ouvriers de l'arsenal. Le CC Grosjean préfère immédiatement larguer les plombs de sécurité (6 tonnes de lest), et le bâtiment refait surface assez brutalement. Cette manoeuvre, si elle a un effet salutaire, fait toutefois déborder le liquide des accumulateurs électriques. Le Dauphin, qui naviguait de conserve avec l'EV Jacoubet rentre au petit matin à la base de Kéroman.


En refonte à Kéroman (1990 - MN).
En juin 1986, le Dauphin quitte ensuite Lorient pour rejoindre Toulon, où il effectue sa première campagne d'expérimentations. Ce formidable banc d'essai sera connu sous le nom de « Sisyphe » (Sous-marin Installé en Système Pour l'Hydroacoustique Expérimentale). Les enseignements tirés seront directement appliquable sur le nouveau SNLE-NG Le Triomphant.
Les semaines de mer alternent avec les passages au bassin. Plus de 200 essais différents seront réalisés. En fin de campagne, l'installation d'une station prototype du système de transmissions par satellite Syracuse, permet de réaliser en SHF une liaison entre le sous-marin et la terre via le satellite Telecom 1A. C'est une première mondiale dans cette gamme de fréquence.

Fin février 1989, il quitte Toulon pour Lorient. Le 22 mars 1989, il y entre au bassin pour sa 3e refonte. Sa carène extérieure est découpée et reconstruite à 80%, pour ressembler au Triomphant. Le 24 janvier 1990, il sort du bassin B de Kéroman. Sa silhouette n'a alors plus rien à voir avec celle de 1955. Plus moderne et agressif, le Dauphin a aussi pour mission de valider l'architecture informatique de détection sous-marine du SNLE de nouvelle génération, d'essayer la maquette fonctionnelle d'un nouveau système de surveillance acoustique, de mettre au point des bouées de réception VLF et de poursuivre les expérimentations de transmissions SHF par satellite.

Le 29 mars 1990 commence les premiers essais à la mer, et le 1er juillet de la même année, il quitte Lorient pour retrouver à nouveau Toulon, où cette nouvelle phase d'expérimentation durera environ 2 ans. Du 13 au 15 juillet 1991, il fait escale à Nice à l'occasion de la fête nationale.

Le 9 février 1992, le Dauphin quitte Toulon pour un transit de 15 jours qui l'amène à Dakar. Cette croisière est une partie de la mission « Mésange » que le sous-marin effectue alors avec le bâtiment d'essais Langevin. Après 11 jours d'essais, et une courte escale à Santa Cruz de Tenérife (îles Canaries), le groupe Dauphin-Langevin reprend la mer le 17 mars et termine sa croisière en remontant jusqu'à Cadix qu'il rallie le 27 mars. Le sous-marin est de retour à Toulon le 4 avril 1992.


Les sous-marins Dauphin et Psyché désarmés à Toulon (février 2000).

1992-2003 : La fin du Dauphin

Le 20 novembre 1992, une sortie a lieu avec les anciens commandants, dont l'amiral Louzeau, ancien chef d'état-major de la marine. La dernière escale sera à nouveau Nice (ville marraine ?) du 28 au 29 novembre 1992.

Le Dauphin effectue sa dernière sortie le 4 décembre 1992. Il aura effectué 43 000 heures en plongée au cours de sa carrière. Désarmé le 31 décembre 1992 (dernières couleurs), il est alors prévu de devenir brise-lames à l'île du Levant (l'a t-il jamais été ?).

Il est condamné à Toulon en octobre 1993, et prend le numéro de condamnation Q694. Sa coque est mise en attente à Brégaillon. Elle est utilisée le 17 décembre 2003 comme but de tir au large de Toulon par la frégate Aconit puis pétardée et coulée le même jour par des plongeurs démineurs du GPD Méditerranée.

Vous souhaitez compléter cet historique (activité, escales, anecdotes, etc...) ? Ecrivez nous.


[Sommaire sous-marin Dauphin]. [Sommaire Net-Marine]