Les chevrons de présence et de blessure 1916-1941

Le 1er juin 1916, à l'imitation des dispositions prises par le ministère de la Guerre, le ministre de la Marine décide de créer pour les officiers et marins des insignes constitués par des « chevrons en forme de V renversé ». Ces insignes sont attribués aux personnels ayant accompli, depuis le premier jour de la mobilisation générale - 2 août 1914 - un temps déterminé d'embarquement, ou ayant reçu depuis la même date des blessures de guerre. Dans le premier cas les chevrons seront dits chevrons de présence, dans le second chevrons de blessure.

Les chevrons de présence sont portés sur le bras gauche. Ils sont attribués à raison de

  • un chevron pour une année effective d'embarquement sur les bâtiments armés ou une année effective de présence dans la zone des armées,
  • un chevron supplémentaire pour chaque nouvelle période de six mois effectuée dans les mêmes conditions.

Le temps passé à bord d'un bâtiment armé peut s'ajouter à celui passé dans la zone des armées pour la détermination du droit aux chevrons de présence.Cependant pour ouvrir droit au port d'un chevron le temps d'embarquement ne doit pas avoir été effectué sur des unités rattachées aux directions du port ou unités de défense fixe (à l'exception des dragueurs et arraisonneurs), ni à bord de bâtiments ne naviguant pas.

Très rapidement ces chevrons vont être qualifiés de « chevrons de présence au front », même si la notion de « front » est apprécié différemment dans la marine et dans les autres armes.

Le chevron de blessure est attribué pour des blessures consécutives à des faits de guerre, à l'exclusion de celles résultant d'accidents survenus dans le service courant. Cette blessure doit avoir fait l'objet d'un certificat dit d'origine. Le chevron de blessure est porté sur le bras droit, un seul chevron représentant les blessures multiples.

Le descriptif des chevrons est donné par une circulaire du 4 juin 1916. Dans les deux cas - présence et blessure - les chevrons consistent

  • pour les officiers et premiers maîtres en un galon trait de 6 millimètres en or,
  • pour les maîtres et seconds maîtres, en un galon en or à lézarde de 12 millimètres,
  • pour les quartiers-maîtres et marins, en un galon en laine rouge à cul-de-dé de 12 millimètres.

Matelot du cuirassé CONDORCET. Il porte sur le bras gauche cinq chevrons de présence correspondant à trois ans de service
« au front ».

Second maître fourrier Y. POIRIER 22 octobre 1917

Le 1er octobre 1916 une nouvelle circulaire vient préciser les dispositions arrêtées en juin précédent. Par extension de ces dispositions le temps passé dans les hôpitaux pour blessures de guerre recues sur le front ainsi celui passé « en captivité pour les officiers et marins évadés » est pris en compte pour l'attribution du chevron de présence.
S'agissant du chevron de blessure, les accidents graves dus aux gaz asphyxiants sont considérés comme blessures de guerre.

Enfin le 21 mai 1917, le ministre de la Marine, décide que les périodes de navigation accomplies depuis le début des hostilités en dehors des eaux territoriales françaises ouvriront droit au port des chevrons de présence pour les marins du commerce.
Ces chevrons seront portés soit sur le brassard distinctif de ces marins (brassard de drap bleu marine portant une ancre verticale en laine rouge), soit sur leurs vêtements civils.

Le chevron est placé sur le milieu du haut de la manche de l'effet et forme un angle droit dont chaque branche a une longueur de 50 millimètres.
Chaque chevron supplémentaire est placé au dessus du précédent à un intervalle de 3 millimètres pour les chevrons des officiers et premiers maîtres et de quatre millimètres pour ceux des autres personnels.

Les textes créant les chevrons de présence ou de blessure n'avaient pas précisé quelles étaient les tenues qui comportaient le port de ces chevrons. En réponse aux questions posées par les unités le ministre de la marine fait alors connaître (circulaire du 19 juillet 1916) « que ces insignes doivent être portées en principe :

- par les officiers avec les tenues n° 1, 2 et 3 (c'est à dire toutes les tenues comportant la redingote, les vestons de drap, de flanelle ou de toile blanche),

- par les marins de tous grades avec les diverses tenues, à l'exception de la tenue de travail » (vêtements de drap et vêtements de toile blanche).

La pose de chevrons sur les vêtements de drap ne pose pas de problèmes particuliers. S'agissant des effets en toile blanche il est décidé que les chevrons seraient mobiles, piqués sur un morceau de drap lui-même fixé sur la manche au moyen de trois agrafes en fer nickelé.
Et comme le pays est en guerre et qu'il convient d'être économe du tissu, « le morceau de drap support des chevrons mobiles sera trouvé dans des débris de coupe ou, à défaut, dans du vieux drap ».


Redingote de lieutenant de vaisseau montrant le port d'un chevron de blessure sur la manche droite.
(Conservatoire du commissariat de la marine).

La circulaire du 18 décembre 1919 fixe au 11 novembre 1918 la date d'expiration de la période ouvrant droit au chevron de présence. Au fil des ans le port des chevrons va progressivement tomber en désuétude. Curieusement aucun texte n'est publié au bulletin officiel pour en interdire le port à l'ensemble du personnel. Seul l'arrêté ministériel du 22 janvier 1931 réglant l'uniforme et les tenues des officiers mentionne dans son article 24 : « Le port des chevrons est supprimé ». Et dès 1932 les chevrons ne figurent plus dans la circulaire portant notification des prix des effets d'habillement délivrés aux personnels.

 

Dix ans plus tard la France est de nouveau en guerre. Au mois de septembre 1941 une décision prise par l'état-major des forces françaises libres remet les chevrons de présence à l'honneur dans les mêmes conditions que celles de la première guerre mondiale. Brodés en or sur drap bleu marine, ces chevrons sont d'une taille légèrement inférieure à ceux de 1916 et ils sont portés au dessus d'une croix de Lorraine.

Le port des chevrons sera beaucoup moins généralisé qu'au cours de la première guerre. Dans la marine, où aucun texte particulier ne sera pris pour en réglementer le port, ils seront principalement portés par les personnels appartenant à des unités proches de l'armée de terre tel le 1er bataillon de fusiliers marins au sein de la 1ère division française libre.
A la fin de la guerre il n'est plus question de ces chevrons qui n'apparaitront d'ailleurs jamais sur les catalogues des articles du service de l'habillement.


Modèle des chevrons avec croix de Lorraine adoptés par les forces françaises libres.

 


Officier FNFL portant ses chevrons de présence (source R. MISPELAERE).
CRC1 (R) S. LE COUSTOUR pour Netmarine - Mars 2007. Copie et usage : cf. droits d'utilisation.

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