Alexandre Bougault père et fils (1851-1911 et 1875-1950), photographes de marine
Alexandre Bougault, père, est né à Paris, le 19 décembre 1851. On sait peu de choses de son enfance et de son adolescence. Orphelin de père et de mère à 14 ans et demi il est placé sous la tutelle d'un ami de ses parents, Edmée Serre, également domicilié à Paris. En 1869 il s'engage dans la Garde Nationale Mobile et sert à Rouen au 3ème régiment de hussards. Il participe à la campagne contre l'Allemagne en 1870 et 1871. En 1878 il est muté dans l'armée territoriale puis envoyé en Algérie. Il séjourne notamment à Oran, Bône, Guelma et Alger. Est-ce dans l'armée qu'il s'initie à la photographie ? Est-ce au cours de ses permissions ? A-t-il rencontré un de ses illustres prédécesseurs dans cet art en sillonnant les magnifiques paysages algériens ? Quand a -t-il pris ses premiers clichés ? Avant 1893 ? Après son installation à Toulon ? On l'ignore encore. Toujours est-il que sa grande sensibilité esthétique, servie par une solide compétence technique lui permet de progresser rapidement dans l'art qui le passionne. Il s'installe en 1893, avec son épouse et ses enfants, à Toulon, l'une des principales portes d'accès à l'Algérie. Dès cette année il effectue de nombreux reportages photographiques pour L'Illustration, ainsi que son contemporain, Marius Bar bien connu des Toulonnais. Parallèlement il ouvre, en plein centre ville, dans les nouveaux quartiers haussmanniens, un atelier de photo au numéro 3 de la place de La Liberté. Il devient le portraitiste des grandes familles toulonnaises et varoises, parmi lesquelles l'académicien Jean Aicard, dont il fréquente la magnifique propriété de La Garde devenue aujourd'hui un musée. Il parcourt également la Provence et les petits ports de la côte d'azur dont il fait de nombreux clichés.
Mais, pour autant, Toulon n'est qu'à quelques milles d'Alger, Alexandre Bougault n'oublie pas les plaines de la Mitidja, les paysages fantastiques du Hoggar, les ruines prestigieuses de Timgad et bien sûr le charme de la Reine des Zibans, Bikra, dont la renommée ne fait que croître. Il retourne donc
en Algérie. Quand exactement ? On ne le sait pas. Probablement met-il le
pied à l'étrier à son fils aîné, Alexandre, qui n'est plus un débutant
dans l'art de la photographie. Ce dernier fait état dans une lettre
au maire d'Alger de sa collaboration avec le gouvernement Général de l'Algérie
depuis 1903. A défaut d'informations précises sur les dates de leurs voyages
on peut suivre leur parcours à travers diverses lettres et publications. C'est
ainsi que L'illustration Algérienne Tunisienne et Marocaine
confie à Alexandre Bougault l'illustration de son numéro spécial du 27 juillet
1907 consacré à Biskra.
A la lumière de ces propos, qu'il faut peut-être relativiser, car d'autres photographes de renom ont sillonné le Maghreb, on est fondé à penser que le talent d'Alexandre Bougault s'est exprimé bien avant 1907. Il a d'ailleurs été reconnu par le jury de la Section Coloniale Française de l'Exposition Franco Britannique de Londres qui lui attribue le 15 octobre 1908 sa médaille d'or pour ses photos sur l'Algérie. En 1909 c'est le Gouvernement Général de l'Algérie qui l'informe que le jury de l'exposition de Nancy vient de lui décerner une médaille d'argent « au titre de collaborateur, pour les photographies de votre atelier ayant servi à l'ornementation de la Section Algérienne ». A partir de cette année diverses correspondances sont adressées à Alexandre Bougault - père ou fils ? - à Toulon et à Biskra. En effet Alexandre Bougault fils, séduit par cette ville, y crée un Comité d'Hivernage, opérationnel dès 1910, ainsi qu'un guide à l'intention des touristes fortunés, principalement d'Europe et des Etats-Unis. La mode est en effet à l'Orientalisme. Depuis sa "découverte" par Fromentin dès 1846, Biskra est peu à peu devenue l'une des destinations privilégiée d'écrivains et d'artistes parmi lesquels André Gide, Oscar Wilde, le peintre Etienne Dinet, des photographes tels que Lehnert et Landrock, Emile Fréchon et Jean Geiser, etc.
En fondant ce « Comité d'Hivernage » qui devient bientôt l'Office du tourisme de Biskra, dont il prend la direction, Alexandre Bougault fils a vu juste. Mais il n'en reste pas là et crée au côté de cet établissement un atelier de photo qui lui permet de poursuivre l'œuvre artistique de son père. Malheureusement ce dernier ne verra pas l'épanouissement de ces nouvelles activités. Il se partage entre Biskra, Toulon et divers voyages à l'étranger. Il part notamment à New York à bord d'un croiseur de l'escadre française, pour prendre des clichés de la Compagnie Générale Transatlantique. C'est au cours d'un de ces nombreux déplacements qu'il meurt subitement, le 4 septembre 1911, à Coutances dans le Cotentin. Son fils prend alors le relais auprès de la Marine Nationale. Pendant les belles saisons il effectue de nombreux reportages sur les manœuvres navales comme l'attestent les très nombreux clichés de bateaux et de sous-marins postérieurs à 1911.
Hélas pour les touristes en mal d'exotisme, trois mois après, la Grande Guerre survient. Alexandre Bougault est rappelé sous les drapeaux. Il a 39 ans. Ce n'est qu'en 1919 qu'il peut reprendre la direction de l'Office du Tourisme de Biskra, et relancer l'ensemble des activités. Mais cela fait beaucoup pour un seul homme. Alexandre Bougault fait appel à son jeune frère Frédéric, libéré aussi des obligations militaires. Il a 25 ans. Ce dernier prend progressivement une part déterminante à l'organisation de ces expéditions. Il a un talent supplémentaire : c'est un as de la mécanique. Il crée à Biskra le Majestic Garage. Ainsi les Torpédos, Limousines et Cars de Grand Tourisme proposés par l'Office du Tourisme sont entre de bonnes mains.
Alexandre et son frère renouent avec le succès d'avant la guerre. De nombreuses lettres françaises et étrangères en témoignent et font état de la satisfaction des privilégiés qui participent à ces randonnées exotiques. Parmi ceux ci le duc de Vendôme, prince de la Maison de France, le comte de Hemricourt de Grunne, l'exploratrice britannique Rosa Forbes, la richissime américaine Miss Brodie et bien d'autres personnalités. Les documents publicitaires de l'époque sont en effet dithyrambiques au sujet de Biskra. L'un deux n'hésite pas a mentionner « Tel qui arrivait las, souffrant ou désenchanté, retrouve soudain le viatique des enthousiasmes, et, sous un soleil dominateur, l'air impollué qui ressuscite et qui sauve ». On comprend qu'Alexandre Bougault et son frère Frédéric y aient poursuivi, jusqu'à la veille de ce conflit qui allait embraser le monde, leurs activités dans la photographie* et le grand tourisme. Texte Georges Laurent pour Net-Marine - www.netmarine.net - Mise à jour le 2 septembre 2007 - © 2007. Copie et usage : cf. droits d'utilisation. (*) En 1935, Alexandre Bougault épouse Thérèse Landron ce qui explique sans doute que certaines de ses photos portent à cette époque, pour une courte période, la mention éditeur Landron. |