Alexandre Bougault père et fils (1851-1911 et 1875-1950), photographes de marine


Alexandre Bougault père (1851-1911).
Il n'est pas aisé de faire une biographie précise de ces deux photographes de talent que sont Alexandre Bougault père et Alexandre Bougault fils. Leurs descendants n'ont pu conserver que partiellement l'histoire de leurs carrières respectives. Cette récente biographie est donc une reconstitution fondée sur la mémoire familiale, des témoignages divers, des correspondances d'époque, des articles de magazines et des archives administratives. Elle peut comporter des inexactitudes qui seront corrigées au fur et à mesure des recherches. Nous remercions par avance tous ceux qui voudront bien contribuer à l'enrichir.

Le transport Meurthe (1885-1906).

Alexandre Bougault, père, est né à Paris, le 19 décembre 1851. On sait peu de choses de son enfance et de son adolescence. Orphelin de père et de mère à 14 ans et demi il est placé sous la tutelle d'un ami de ses parents, Edmée Serre, également domicilié à Paris. En 1869 il s'engage dans la Garde Nationale Mobile et sert à Rouen au 3ème régiment de hussards. Il participe à la campagne contre l'Allemagne en 1870 et 1871. En 1878 il est muté dans l'armée territoriale puis envoyé en Algérie. Il séjourne notamment à Oran, Bône, Guelma et Alger.

Est-ce dans l'armée qu'il s'initie à la photographie ? Est-ce au cours de ses permissions ? A-t-il rencontré un de ses illustres prédécesseurs dans cet art en sillonnant les magnifiques paysages algériens ? Quand a -t-il pris ses premiers clichés ? Avant 1893 ? Après son installation à Toulon ? On l'ignore encore. Toujours est-il que sa grande sensibilité esthétique, servie par une solide compétence technique lui permet de progresser rapidement dans l'art qui le passionne. Il s'installe en 1893, avec son épouse et ses enfants, à Toulon, l'une des principales portes d'accès à l'Algérie.

Dès cette année il effectue de nombreux reportages photographiques pour  L'Illustration, ainsi que son contemporain, Marius Bar bien connu des Toulonnais. Parallèlement il ouvre, en plein centre ville, dans les nouveaux quartiers haussmanniens, un atelier de photo au numéro 3 de la place de La Liberté. Il devient le portraitiste des grandes familles toulonnaises et varoises, parmi lesquelles l'académicien Jean Aicard, dont il fréquente la magnifique propriété de La Garde devenue aujourd'hui un musée. Il parcourt également la Provence et les petits ports de la côte d'azur dont il fait de nombreux clichés.


Le sous-marin Anguille (1907-1914).
La marine nationale lui confie aussi de nombreux reportages, notamment sur la vie à bord de ses vaisseaux, qui illustrent diverses publications dont la revue Armée et Marine. On les retrouve aujourd'hui dans plusieurs ouvrages historiques consacrés à notre flotte. Ses photos font aussi l'objet de nombreuses cartes postales dont plusieurs séries « Côte des Maures » commanditées par « Les Chemins de Fer du Sud de la France ». Qui n'a pas découvert, au hasard de flâneries chez des bouquinistes, des cartes dont la signature s'agrémente d'une ancre de marine couchée ?

Mais, pour autant, Toulon n'est qu'à quelques milles d'Alger, Alexandre Bougault n'oublie pas les plaines de la Mitidja, les paysages fantastiques du Hoggar, les ruines prestigieuses de Timgad et bien sûr le charme de la Reine des Zibans, Bikra, dont la renommée ne fait que croître.

Il retourne donc en Algérie. Quand exactement ? On ne le sait pas. Probablement met-il le pied à l'étrier à son fils aîné, Alexandre, qui n'est plus un débutant dans l'art de la photographie. Ce dernier fait état dans une lettre au maire d'Alger de sa collaboration avec le gouvernement Général de l'Algérie depuis 1903. A défaut d'informations précises sur les dates de leurs voyages on peut suivre leur parcours à travers diverses lettres et publications. C'est ainsi que L'illustration Algérienne Tunisienne et Marocaine confie à Alexandre Bougault l'illustration de son numéro spécial du 27 juillet 1907 consacré à Biskra.
Cette publication précise à l'intention de ses lecteurs : « Nous ne pouvions faire un meilleur choix que celui de M. Alexandre Bougault, qui est un des maîtres de la photographie. Il est en effet, le seul professionnel qui se soit avancé si avant dans le Sahara pour obtenir les précieuses collections qui doivent entrer dans le domaine public. Les amis de L'Illustration Algérienne constateront en admirant les pages illustrées par M. Bougault que l'éloge que nous faisons de cet artiste photographe est un juste hommage rendu à son beau talent ».


Le Bretagne (1916-1940)
Plus tard c'est la revue du Touring Club de France qui lui consacre sa couverture avec ses mots élogieux : « Avant la guerre (1914-1918) Monsieur Bougault fut le premier à réunir sur le sud Algérien, une collection de documents dont la qualité n'a pas été dépassée et qui contribuèrent beaucoup à établir la renommée de cette admirable région ».

A la lumière de ces propos, qu'il faut peut-être relativiser, car d'autres photographes de renom ont sillonné le Maghreb, on est fondé à penser que le talent d'Alexandre Bougault s'est exprimé bien avant 1907. Il a d'ailleurs été reconnu par le jury de la Section Coloniale Française de l'Exposition Franco Britannique de Londres qui lui attribue le 15 octobre 1908 sa médaille d'or pour ses photos sur l'Algérie. En 1909 c'est le Gouvernement Général de l'Algérie qui l'informe que le jury de l'exposition de Nancy vient de lui décerner une médaille d'argent « au titre de collaborateur, pour les photographies de votre atelier ayant servi à l'ornementation de la Section Algérienne ».

A partir de cette année diverses correspondances sont adressées à Alexandre Bougault - père ou fils ? - à Toulon et à Biskra. En effet Alexandre Bougault fils, séduit par cette ville, y crée un Comité d'Hivernage, opérationnel dès 1910, ainsi qu'un guide à l'intention des touristes fortunés, principalement d'Europe et des Etats-Unis. La mode est en effet à l'Orientalisme. Depuis sa "découverte" par Fromentin dès 1846, Biskra est peu à peu devenue l'une des destinations privilégiée d'écrivains et d'artistes parmi lesquels André Gide, Oscar Wilde, le peintre Etienne Dinet, des photographes tels que Lehnert et Landrock, Emile Fréchon et Jean Geiser, etc.


Alexandre Bougault fils (1875-1950).
Il faut dire, rappelle Michel Mégnin, historien de la photographie, bien connu pour la qualité de ses recherches sur Lehnert et Landrock, en particulier, que « Biskra présente au visiteur tout à la fois le confort de la ville moderne, l'attrait de son établissement thermal, l'agrément de ses jardins et promenades, l'exotisme des vieux villages arabes, le dépaysement d'une oasis du grand sud et la proximité du désert » (extrait d'un article de la revue CPC). Le guide Conty de l'époque, rapporte Michel Mégnin, donne des indications précieuses sur les distractions proposées aux touristes : « En dehors des concerts, des représentations théâtrales, des jeux du casino, des danses des Ouled naïl, les hiverneurs trouvent à Biskra d'attrayantes distractions: courses de chevaux, fantasias, courses de méhara, chasses à la gazelle, au mouflon, à l'outarde. Enfin le fastueux prince des Zibans, l'agha Mohamed-ben-Gana, offre, de temps en temps, aux hôtes de sa bonne ville, une chasse aux faucons ».

En fondant ce « Comité d'Hivernage » qui devient bientôt l'Office du tourisme de Biskra, dont il prend la direction, Alexandre Bougault fils a vu juste. Mais il n'en reste pas là et crée au côté de cet établissement un atelier de photo qui lui permet de poursuivre l'œuvre artistique de son père.

Malheureusement ce dernier ne verra pas l'épanouissement de ces nouvelles activités. Il se partage entre Biskra, Toulon et divers voyages à l'étranger. Il part notamment à New York à bord d'un croiseur de l'escadre française, pour prendre des clichés de la Compagnie Générale Transatlantique. C'est au cours d'un de ces nombreux déplacements qu'il meurt subitement, le 4 septembre 1911, à Coutances dans le Cotentin.

Son fils prend alors le relais auprès de la Marine Nationale. Pendant les belles saisons il effectue de nombreux reportages sur les manœuvres navales comme l'attestent les très nombreux clichés de bateaux et de sous-marins postérieurs à 1911.


Le Volta (1936-1942)
Pendant les mois d'hiver il retourne à Biskra dont il assure la direction de l'Office du Tourisme. Il développe l'organisation d'expéditions dans le désert, qu'on n'appelait pas encore des safaris photos, ainsi que des grandes chasses, avec voitures et dromadaires pour transporter, outre des touristes fortunés, un personnel nombreux et des bagages volumineux. Celles-ci rencontrent semble-t-il le succès. A la veille de la première guerre mondiale, en juin 1914, le Touring Club de France écrit dans sa revue mensuelle: « L'office de tourisme, à Biskra, dirigé par notre camarade M.Alexandre Bougault, organise des excursions-chasses avec campement au désert; il donne gracieusement tous les renseignements concernant le tourisme et l'hivernage ».

Hélas pour les touristes en mal d'exotisme, trois mois après, la Grande Guerre survient. Alexandre Bougault est rappelé sous les drapeaux. Il a 39 ans.

Ce n'est qu'en 1919 qu'il peut reprendre la direction de l'Office du Tourisme de Biskra, et relancer l'ensemble des activités. Mais cela fait beaucoup pour un seul homme. Alexandre Bougault fait appel à son jeune frère Frédéric, libéré aussi des obligations militaires. Il a 25 ans. Ce dernier prend progressivement une part déterminante à l'organisation de ces expéditions. Il a un talent supplémentaire : c'est un as de la mécanique. Il crée à Biskra le Majestic Garage. Ainsi les Torpédos, Limousines et Cars de Grand Tourisme proposés par l'Office du Tourisme sont entre de bonnes mains.


Un hydravion Loire.

Alexandre et son frère renouent avec le succès d'avant la guerre. De nombreuses lettres françaises et étrangères en témoignent et font état de la satisfaction des privilégiés qui participent à ces randonnées exotiques. Parmi ceux ci le duc de Vendôme, prince de la Maison de France, le comte de Hemricourt de Grunne, l'exploratrice britannique Rosa Forbes, la richissime américaine Miss Brodie et bien d'autres personnalités. Les documents publicitaires de l'époque sont en effet dithyrambiques au sujet de Biskra. L'un deux n'hésite pas a mentionner « Tel qui arrivait las, souffrant ou désenchanté, retrouve soudain le viatique des enthousiasmes, et, sous un soleil dominateur, l'air impollué qui ressuscite et qui sauve ».

On comprend qu'Alexandre Bougault et son frère Frédéric y aient poursuivi, jusqu'à la veille de ce conflit qui allait embraser le monde, leurs activités dans la photographie* et le grand tourisme.

Texte Georges Laurent pour Net-Marine - www.netmarine.net - Mise à jour le 2 septembre 2007 - © 2007. Copie et usage : cf. droits d'utilisation.

(*) En 1935, Alexandre Bougault épouse Thérèse Landron ce qui explique sans doute que certaines de ses photos portent à cette époque, pour une courte période, la mention éditeur Landron.