2ème partie : Opérations Chromite. Le débarquement d'Inchon

Corée : 15 Septembre 1950. Les Français étaient intègrés à un formidable dispositif ... ... ils y tinrent leur place avec compétence et fiabilité.

Rappel de la situation militaire : À l'aube du 25 Juin 1950, les troupes Nord-Coréennes puissamment armées déferlèrent sans préavis sur le sol du Sud, balayant tout sur leur passage et conquirent Séoul rapidement. Traitant par des ricanements la résolution des Nations Unies prise en toute hâte qui exigeait la cessation immédiate des combats, le Nord accentua au contraire son attaque des deux côtés de la chaîne de montagnes qui sert d'épine dorsale à la Corée. Les États-Unis répondirent les premiers à l'appel des Nations-Unies bientôt suivis de leurs alliés, pour aller soutenir les maigres défenses de la Corée du Sud. Les premières troupes débarquées "Task Force Smith" se firent violemment prendre à parti par les Nord-Coréens et subirent d'horribles pertes, mais leur résistance acharnée permit au reste de la 24ème Division US venue du Japon et aux premiers contingents de la 8ème Armée d'arriver. Dès les premiers jours d'août, les côtes coréennes faisaient l'objet d'un blocus naval total et les Forces aériennes combinées d'Extrême-Orient avaient déjà effectuées plus de 10.000 missions de bombardement en soutien de l'action des troupes américano-coréennes et de leurs alliés des Notions Unies. Les Nord-Coréens furent enfin contenus sur la rivière Nakton, au Nord et à l'Ouest de Pusan. Les troupes de l'ONU ne seraient pas rejetées à la mer.
Ne voulant pas se résigner à rester très longtemps le souffre-douleur d'une jubilante bande de Nord-Coréens, le Général Douglas Mc Arthur réfléchissait à une opération (très risquée...) destinée à frapper les Communistes en plein milieu de leur dispositif...l'opération Chromite.

Le FMS La Grandière (F 731), dont le commandant était le CF Urbain E. Cabanié FN, était arrivé dans les eaux coréennes depuis le 29 juillet 1950 et avait été immédiatement affecté à des missions d'escorte de convois entre Sasebo (Japon) et le port de Pusan à la pointe Sud de la Corée. Jusqu'au 3 septembre, nous avions assuré la protection de douze des convois transportant inlassablement troupes et matériels, sans aucun incident autre que quelques menaces sous-marines et quelques dommages au navire causés par le très mauvais temps, dommages réparés rapidement et efficacement dans les chantiers navals de Sasebo. C'est lors d'une de ces harassantes missions que le circuit d'alarme du La Grandière se mit tout à coup à retentir, envoyant le personnel à ses postes de combat : l'Asdic avait un écho et il y avait dans les environs un possible sous-marin susceptible de menacer notre convoi. Trés rapidement, les servants des armes anti-soumarines étaient à leurs postes et le La Grandièrese mit en position pour la chasse. En quelques instants, par l'utilisation des rails et des lanceurs, tout un paquet de grenades anti-soumarines fut largué à l'eau, provoquant en explosant d'énormes bouillonnements dans notre sillage. Mais le contact fut perdu et aucun débris ou trace indiquant un possible coup au but ne fut trouvé. Le commandant Cabanié donna l'ordre de cesser l'attaque.

C'est pendant cette période que le destroyer néerlandais HRMS Evertsen s'échoua sur des rochers d'un archipel au Sud de la Corée et dut être renfloué puis remorqué au port. Or, dès le 4 juillet, le Général Douglas Mac Arthur, commandant en chef l'ensemble des Forces des Nations Unies en Corée, avait commencé à tenir toute une sèrie de réunions pour exposer ses projets d'attaque combinée par une force amphibie derrière la ligne de front et destinée à couper les lignes de communication et de ravitaillement de l'adversaire, afin de :

  1. soulager la pression de l'ennemi sur le réduit de Pusan (Pusan Perimeter)
  2. passer à la contre-offensive.

C'est ainsi qu'était né le fameux "Plan 100" qui devait prendre par la suite le nom de code de "Chromite", et malgré les nombreuses objections soulevées, le plan de Mac Arthur finit par être adopté: Chromite était sur les rails.

L'amiral Arthur Strubble, Commandant en Chef de la 7ème Flotte US reçut le haut commandement de l'opération amphibie. Les forces navales étaient constituées de 230 navires de guerre dans lesquels figuraient des unités de la Royal Navy, des Marines Australienne, Canadienne, Néo-Zélandaise et Marine Nationale.

Le plus gros bâtiment engagé était le USS Missouri (BB 63) (The Mighty Mo), un bâtiment de ligne de la classe Iowa de quelque 45.000 tonnes, armé de neuf canons de 406mm (19 pouces) en trois tourelles, capables de tirer des obus de 1,2 tonne à plus de 20 nautiques. Son arrivée dans l'escadre fut saluée par les acclamations des marins américains qui avaient été fort bouleversés lors du dramatique échouage de ce navire en baie de Chesapeake quelques semaines auparavant. Ces forces étaient organisées en plusieurs groupes, dont le groupe des escorteurs auquel appartenait le La Grandière composé de frégates et de corvettes de différents pays, placé sous le commandement du CV Unwin RN, commandant du HMS Mounts Bay (F637). Le Mounts Bay était arrivé dans les eaux coréennes le 10 août et avait passé tout le mois tant en missions d'escorte avec le La Grandière et les autres frégates, qu'en missions d'appui-feu sur le littoral en compagnie des HMCS Athabascan, Cyuga et HMAS Bataan.

Les forces de débarquement avaient été placées sous le commandement du Général de division Edward Almond US Army. Baptisées "X Corp", elles comprenaient les 1er et 5ème Marines Corps et la 7ème Division US, soit 70.000 hommes.

Le 5 septembre, le gros des forces d'invasion appareilla de Yokohama et fit route pour rejoindre son escorte et d'autres unités au large de Pusan. Le typhon "Kexia" déferla sur les premiers éléments de l'escadre avec des vents soufflant à 200 km à l'heure, engendrant des vagues hautes comme des montagnes et créant de grosses difficultés de navigation. Bateaux et équipements subirent des dommages importants. Le mal de mer sévissait chez les hommes et les équipages.

Le 8 septembre 1950 le La Grandière (F731) qui était CTU.90.04.3 rejoignit la Force d'Attaque 90.42 avec trois dragueurs de mines : USS Partridge (AMS31), USS Osprey (AMS28) et USS Mocking Bird (AMS27). Dans le convoi placé sous notre protection se trouvaient aussi des bateaux du "Pontoon Movement Unit": les remorqueurs YTB406 et YN101, plus trois remorqueurs océaniques USS Arikara (AMS28), Lipan et USS Cree (ATF84) avec leurs éléments de quais flottants. Notre groupe fut le premier à quitter Sasebo à petite vitesse en vue d'arriver au large d'Inchon dans la nuit du 14 au 15 septembre. En route, nous fûmes dépassés par d'autres groupes qui avaient à se positionner avant le débarquement. Les raids aériens préliminaires sur Inchon sa zone de débarquement et leurs environs commencèrent sérieusement le 10, tandis que le reste des convois appareillait de Kobé le 11 avec le bateau de commandement USS Mount Mc Kinley ayant le Général Mac Arthur à son bord.

Le HMS Mounts Bay (F631) appareilla de Pusan le 11 pour rejoindre le gros des forces d'invasion au large de Kyushu et prendre sa mission d'escorte en compagnie des HMS Whitesand Bay (F633), Morecambe Bay (F624), HMNZS Pukaki (F517) et Tutira (F424), plus les USS Bayonne, Newport et Evansville. Le groupe rejoignit le La Grandière et son convoi de Pontoon Movement Unit. La mer et le vent s'étaient quelque peu calmés, permettant une traversée plus confortable. Le 13 septembre à 17h 03, l'équipe des détecteurs de l'Asdic du Mounts Bay indiquèrent un écho de possible sous-marin et une attaque à la grenade soumarine fut entreprise. Un paquet de grenade fut là aussi largué par les britanniques sans résultat discernable. La recherche ne permis pas de reprendre le contact et ils abandonnèrent l'attaque.

13 Septembre 1950 : D Day -2.

Les bombardements navals et aériens augmentent en intensité. Le TG 90.6 met le cap sur Inchon tôt le matin. l' USS Rochester (CA124) rejoint la formation. Les destroyers américains se mettent en ligne de file conduits par l'USS Mansfield (DD728) et remontent le chenal du "Poisson Volant" vers Inchon. Le chenal est miné. l'USS Mansfield aperçoit 12 mines par son travers babord à 1.000 mètres et ouvre le feu avec ses armes de petit calibre. Le Mansfield remonte la rivière Salee en compagnie des USS De Haven et Swenson et ils rentrent dans le port Ayant jeté l'ancre, ils se mettent en position de tir et ouvrent le feu sur des objectifs pré-reconnus, essentiellement des emplacements de batteries. Tout au long de la rivière Salee vers le Sud les croiseurs USS Southerland, Gurke, Henderson, Toledo et HMS Jamaïca, Kenya sont à leurs postes d'appui-feu en ligne en train de canonner leurs objectifs dans les environs d'Inchon. L'après midi, les destroyers américains rebroussent chemin et sortent du port à toute vitesse sous le feu des batteries défensives de l'île de Wolmi Do et ripostent sans subir de dommages exceptés l'USS Swenson qui aura un tué et l'USS Collett qui subit des avaries de coque. L'USS Mansfield comptera 25 gerbes d'obus à proximité dont cinq très près du bord. Les destroyers rejoignent ensuite le TG 90.6 et se mettent en formation d'écran A/S en vue de protèger le gros de la force d'invasion qui arrive dans les approches d'Inchon.

14 Septembre 1950 : D Day -1

Le matin, des éléments du TG 90.6 se forment en colonne et remontent à nouveau le chenal du Poisson Volant vers Inchon. L'USS Mansfield DD728 est en tête de la ligne des destroyers. Vers midi, les croiseurs canonnent la zone d'Inchon. L'aviation attaque Wolmi Do. L' USS Mansfield et les destroyers sont à leurs positions assignées pour bombardement d'objectifs pré-identifiés dans la banlieue proche au Nord-Est d'Inchon. Puis, comme la veille, les destroyers s'en retournent rejoindre le TG 90.6 et reprennent leur place dans l'écran A/S.

D DAY - 15 Septembre 1950

À minuit le 14, par une nuit noire de pleine lune, le FMS La Grandière F731 et son unité de pontons arrive au large des îles Clifford. Nous progressons en remontant tout le chenal du Poisson Volant qui mène à Inchon. Tous feux éteints. Le chenal est étroit et soumis à des courants violents, les dragueurs sont passés devant et se frayent un chemin entre les groupes d'îlots. Une quantité de navires de guerre participent à l'opération dans ces conditions précaires. Il n'y aura aucun accident. Progressant dans la rivière Salee, nous sommes dépassés par le groupe TE 90.67 comprenant l'USS Mansfield, les De Haven, Swenson, Henderson et Gurke. L'USS Southerland (DDR743) se joint à la colonne pour remplacer l'USS Collett.

À 5h 20, tout le monde étant aux postes de combat, la Force d'Assaut amphibie pénètre dans les passes d'Inchon et le bombardement final préludant au débarquement commence. Chenalant dans la rivière Salee avant l'aube, le convoi de pontons du La Grandière arrive en vue de Wolmi Do où les Marines se préparent à débarquer. La couverture d'artillerie est donnée par l'ensemble des bateaux, d'abord par les destroyers puis par les croiseurs et enfin par les navires de ligne tels le Missouri BB 63 tirant depuis le large des salves d'obus de 406mm ... Les avions d'assaut en majorité Corsairs AU1 et FV4, décollent des porte avions. Avec notre convoi nous passons devant les LSM's(R) qui tirent par dessus nous des volées de rockets sur les plages d'Inchon... Quel feu d'artifice... L'enfer...

À 6h30 les Américains du 3ème Bataillon du 5ème Marines Corp débarquent les premiers sur l'île escarpée de Wolmi Do (nom de code Green Beach). Ils sont munis d'échelles en aluminium spécialement conçues... En une heure et trente minutes ils viennent à bout des défenseurs. L'île de So-Wolmi Do est reliée par une jetée à l'extrèmité sud de Wolmi Do. L'USS Southerland assure la couverture de feu au Sud de So-Wolmi Do. Nous sommes à nouveau dépassés par les destroyers US qui tirent des salves sans arrêt pour couvrir les opérations en cours à Green Beach et à Red Beach au Nord : l'USS Mansfield qui prend position près de l'ilôt de Chogyak-To, le De Haven et le Swenson. Nos vaillants remorqueurs et leurs éléments de quais flottants peuvent prendre leur place dans le dispositif...

À 06h35 la première vague d'assaut débarque à Wolmi Do. 0647 la deuxième vague arrive sur la plage de débarquement, et à 0651 la troisième. À 07h09 Wolmi Do et So-Wolmi Do sont réputées sous contrôle. Avec ces deux îles conquises devant le port, la force principale d'assaut se préparait à débarquer à Inchon même, mais compte tenu d'une hauteur de marée de 3,50m, les conditions n'étaient pas encore favorables. À 17h30 à marée haute l'assaut principal fut mené sur Red Beach au Nord et Blue Beach au Sud d'Inchon. En moins de 24 heures, la zone de débarquement était sous contrôle et la poussée vers Séoul à l'interieur des terres avait commencé.

Pendant ce temps, sa mission d'escorte du Pontoon Movement Unit ayant été parfaitement accomplie, le La Grandière avait redescendu le chenal du Poisson Volant et croisé en sens inverse tout le dispositif pour rejoindre la zone de patrouille qui lui avait été assignée au Nord de l'île de Cheoul. Nous rejoignîmes donc les autres frégates du groupe auquel nous appartenions et avec lesquelles nous devions partager ladite zone de patrouille en remplacement du TG 90.6. Nous retrouvions bien entendu notre compagnon britannique HMS Mounts Bay dont le commandant était le CV J.H. Unwin RN, par ailleurs commandant du groupe, le Fourth Frigate Squadron Commonwealth (F4). Le CV J.H. Unwin avait reçu la mission de constituer le TG 90.4 et de former un écran de protection externe d'environ 50 nautiques de long sur 40 nautiques au sud des passes d'Inchon. La tâche de l'écran (outer screening group) était de s'opposer à toute interférence de l'extérieur avec la zone de débarquement de la part de:

  • navires ennemis,
  • bateaux suicide,
  • nageurs de combat,
  • mines flottantes, d'empêcher tout mouvement ennemi entre les îles et le continent et entre les îles elles-même, ainsi que de secourir les équipages des avions abattus.

Sous le commandement du CV Unwin on retrouva le Whitesand Bay et le Morecambe Bay, avec le RNZS Tutira, le RNZS Pukaki. La participation US dans cet ensemble était assurée par les USS Bayonne, Newport et Evansville, corvettes de la classe "Ashville". Le dernier maillon était donc notre FMS La Grandière. Notre groupe devait avoir fort à faire avec le problème des mines de fabrication soviétique, mouillées en grand nombre dans les courants par les Forces Nord-Coréennes: lire à ce sujet sur ce site l'article "Minewarfare Korea" (Guerre des mines en Corée). Mais ce n'était pas le seul problème...

Le Vendredi 19 septembre à 16h30, l'Asdic du Mounts Bay eut un contact d'un possible sous-marin position 36°56'6" Nord, 126°06' Ouest. Rappelant aux postes de combat et son équipe de lutte AS à son poste, le Mounts Bay commença son attaque à 17h05 largant tout un paquet de grenades, chacune contenant 180 kg d'explosif "amatol". Dans les environs se trouvait le bâtiment de ligne USS Missouri BB63 qui demanda par signaux lumineux (le silence radio total était prescrit depuis le 10 septembre) pourquoi un grand guidon noir flottait à la grand vergue. Le cuirassé fut donc averti d'une possible menace sous-marine: immédiatement il carillonna à ses salles des machines un en "avant toute", et à grande vitesse la poupe du Missouri disparut rapidement derrière l'horizon... Après cette première attaque aucun résultat apparent ne fut relevé mais le contact Asdic n'avait pas été perdu et une deuxième attaque fut décidée. À 17h 15 une volée de 24 bombes AS fut tirée du "hérisson" (hedgehog) avant, mais encore une fois on ne releva aucun résultat vraiment concluant. Le "hérisson" est une arme de lancement vers l'avant du bateau comprenant 24 projectiles contenant chacun 15 kg d'explosif "torpex", disposés sur une sorte de mortier principal et se tirant en succession rapide. Les embases des 24 projectiles sont disposées en 6 rangées de 4 divergentes de façon à ce que les bombes rentrent dans l'eau en avant du bateau dans un cercle d'environ 45 mètres de diamètre. Les bombes sont armées par un dispositif à hélice placé dans le nez et actionné par la vitesse de pénétration dans l'eau, lequel active une fusée à percussion permettant à la bombe d'exploser par contact. Est-ce qu'une de ces bombes a pu trouver son objectif ce jour là, personne n'en fut jamais certain. Bien que quelques traces aient été observées dans la mer après cette deuxième attaque, aucune épave indiquant un coup au but fatal ne fut recueillie. Des recherches menées par les équipes Asdic dans toute la zone avec l'aide du RNZS Tutira de l'USS Rowan et aussi du La Grandière ne permirent pas de rétablir le contact et l'attaque fut arrêtée. À 16h 33 le Missouri avait déjà rejoint le gros du TG 90.6 et l'USS Mansfield DD728 escorta le "Mighty Mo" jusqu'au mouillage qui lui avait été assigné dans le chenal du Poisson Volant où il jetèrent l'ancre, le Mansfield assurant la veille sonar.

"Bien plus tard, écrivait mon excellent ami Don Giles en 1996, des recherches effectuées auprès des marines Nord-Coréenne et de son alliée Chinoise montrèrent qu'aucune n'avait développé de capacités sous-marines à cette époque, mais que des pays communistes sympathisants en possédaient celà ne fait pas de doute. Maintenant que la Guerre Froide est terminée et que le Rideau de Fer est détruit, peut-être nous sera-t-il révèlé un jour s'il y a eu vraiment une activité soumarine dans et aux alentours de la Mer Jaune à cette époque. Les routes de nos bateaux et celle d'un sous-marin "inamical" se sont-elles croisées et si oui, a-t-il pu s'en retourner sans dommage? Repensant à ces évènements après tant d'années, nous espèrons qu'il en fut bien ainsi et que, avec le temps, ils aient pu trouver un mouillage sûr pour y vivre leur vie dans la plénitude de la paix..."

Mais des signes d'activité ennemie sur la côte avaient été remarquées par les bateaux de l'écran et des observations plus poussées montrèrent que des éléments de la "In Min Gun" (Armée Populaire Nord-Coréenne) étaient en train de construire des emplacements de batteries côtières. Il fut un moment envisagé d'aller supprimer la menace par une opération de compagnie de débarquement mais le bon sens l'emporta et c'est la solution du canonnage naval qui prévalut. C'est encore le Mounts Bay qui voulut se distinguer, laissant les autres de corvée et négligeant le Français qui avait pourtant l'artillerie la plus puissante du groupe. Enfin...

Le dimanche 23 septembre à 08h55 après rappel aux postes de combats le Mounts Bay fit route vers la côte et ouvrit le feu à 1.000 mètres, accablant de son tir rapide les ouvrages en construction et les éléments de l'Armée Populaire présents dans la zone. La première passe de tir dura environ 10 minutes, le navire devant abattre sur babord pour rester en eau profonde. La deuxième passe de tir fut engagée au plus près afin de maximiser les effets du canonnage. Tout à coup, le Mounts Bay s'échoua sur un banc de boue, non porté sur les cartes, tentèrent-ils de nous expliquer par la suite... Ce qui provoqua un arrêt brutal du bateau avec un engagement de la proue sur une vingtaine de mètres de quille dans une épaisse couche gluante! Un "en arrière toute" d'urgence fut carillonné à la salle des machines et, vibrant de toutes ses membrures, dans le tressautement infernal des apparaux serrés sur la plage arrière, le bateau s'arracha lentement et regagna l'eau profonde. Pas très très loin de ce merveilleux événement, sur le La Grandière, on se bidonnait comme des baleines tout en veillant sur notre compagnon, armes parées, et on préparait des lance-amarres au cas où nos "roastbeef" (surnom donné aux Anglais qui nous appelaient d'ailleurs "froggies" à cause de certaine de nos habitudes alimentaires comme chacun sait) aurait besoin d'un coup de main; ce qui ne fut pas nécessaire. Le bombardement naval, qui avait été un succès, fut abandonné et le Mounts Bay reprit sa place dans l'écran. Les dommages sous la flottaison étaient minimes, quelques évents d'eau de mer étaient bouchés, mais le dôme Asdic était hors d'usage, ce qui n'entamait pas sérieusement les capacités offensives du bateau.

Le 25 septembre, les forces des Nations Unies étaient sur le point d'investir Séoul et la jonction des Forces avec celles de la 8ème Armée venant du Sud était imminente. Les priorités navales devaient être redéfinies après le succès du débarquement. L'écran de protection fut donc disloqué, le Mounrs Bay rentrant à Inchon s'amarrer à couple de l'USS Winston pour ravitaillement et le La Grandière... restant à la mer avec ses dragueurs!

Le silence radio fut levé le 26 Septembre 1950.

Remerciements: Karl Kristiansen, Jean-Michel Roche.
REPRODUCTION AUTORISÉE AVEC MENTION DES ORIGINES. Other rights reserved (Janvier MCMXCIX)
(Pour sa campagne en Corée, l'Aviso La Grandière a reçu une citation à l'Ordre de l'Armée de Mer et une Citaton Présidentielle Coréenne.)

LA PAIX A UN PRIX
Freedom is not free

NOS NATIONS RENDENT HOMMAGE À LEURS FILS ET FILLES EN UNIFORME QUI RÉPONDIRENT À L'APPEL DE LEURS PATRIES POUR ALLER DÉFENDRE UN PAYS QU'ILS NE CONNAISSAIENT PAS ET UN PEUPLE QU'ILS N'AVAIENT JAMAIS RENCONTRÉ

(Président Clinton et Président Kim Young-sam, inauguration du Memorial aux Combattants de Corée, Washington D.C., 25 juillet 1995)


[Sommaire Net-Marine]