LCM : Landing Craft Mechanized

Si ce type d'engins a reçu l'appellation de "mechanized", ce n'est pas qu'il soit plus mécanisé lui-même que les autres, mais qu'il est destiné, de par sa conception, à débarquer des troupes mécanisées : il peut en effet transporter aussi bien un char (jusqu'à 30 tonnes, pour certaines versions) qu'un camion ou des troupes.

En Indochine, le LCM, bâtiment à "cuve" de taille intermédiaire entre le LCT et le LCA ou LCVP, est rapidement devenu l'engin à tout faire des Flottilles.

Il faut cependant distinguer parmi les LCM deux types, et trois variantes, dont l'une est largement prépondérante le LCM.Mk.6 :

  • Le LCM anglais, ou LCM.Mk1 : c'est, lui aussi, un des grands anciens parmi les Landing Craft, puisque quelques unités de ce type d'engin firent les opérations de Norvège en 1940 ! Un peu plus petit que le LCM.Mk3 ci-dessous, il a pour caractéristique principale sa propulsion par deux moteurs à essence Chrysler de 100 CV : ces moteurs sont réputés excellents à l'état neuf, mais l'absence totale de puces de rechange au Tonkin dès l'été 1946 condamne les engins à disparaître à brève échéance ; de plus un système défectueux de ventilation du compartiment moteur entraîne des accidents graves par incendie.
    Huit LCM anglais ont été achetés à Singapour en février 1946 ; ils ont rendu de bons services au Tonkin en 1946 et 1947 mais ont disparu rapidement.
  • Les LCM américains, ou LCM.Mk3 et Mk6 : à l'origine, les LCM.Mk3 et Mk6 diffèrent seulement l'un de l'autre par leur longueur,, le Mk6 comportant en son milieu un élément supplémentaire de 1,80 mètre de long.
    Les caractéristiques du LCM.Mk3 sont les suivantes : longueur 15,25 mètres, tirant d'eau arrière en charge 1,25 mètre, deux moteurs Diesel Gray-Marine, deux hélices, vitesse 8 à 10 noeuds, déplacement entre 26 tonnes à lège et 52 tonnes en charge, armement d'origine 2 mitrailleuses lourdes.

Comme les LCVP, les LCM ont été profondément transformés pour servir dans les Flottilles : construction d'un réduit "blindé", à l'arrière, entourant le poste de l'homme de barre et les armes - établissement d'une toiture en deux parties, l'une au-dessus du réduit arrière, l'autre au-dessus de la cuve - aménagement de couchettes rabattables le long des parois de la cuve, sous le toit.

Dans la version la plus complète, on obtient ce qu'on appelle un "LCM lourd" (généralement dérivé d'un LCM.Mk.6) l'armement comprend alors, chaque pièce étant protégée par ses propres masques, à l'intérieur du réduit :

  • trois canons de 20 mm, qui ne sont pas des Oerlikon, mais des "MG" (Machinen Gewehr) allemands, encore plus redoutables,
  • deux mitrailleuses de 12,7 mm.

Le fait que toutes ces armes soient groupées dans l'espace restreint du réduit du LCM explique peut-être le choix de l'expression de "boule de feu", pour désigner une certaine tactique de forcement d'embuscade.

Dans une autre version, il n'y a qu'un canon de 20mm avec les deux 12,7. Puis, vers la fin de la période, quelques LCM sont à nouveau utilisés sans armement. La diversité est donc grande, mais l'engin de base reste le "LCM lourd".

Les 20 premiers LCM sont arrivés de Manille au deuxième semestre de 1946, c'est-à-dire assez tardivement. Malgré toutes les pesanteurs administratives et financières, le nombre de ces engins passe à 51 à la fin de 1950, ce qui montre bien la valeur qu'on lui reconnait ; il augmente encore à partir de 1951.

2 . Les diverses versions du LCM

Dans la première partie de la guerre, c'est pratiquement dans une seule version, le LCM lourd ou LCM blindé, que l'engin à tout faire des Flottilles accomplit des missions de natures très différentes

  • transport banal,
  • participation à des opérations, avec des troupes à débarquer ou rembarquer de vive force, appuis de feu, patrouilles offensives ou défensives,
  • PC provisoire du commandant de Dinassaut, lorsque les opérations s'avancent sur des rachs trop étroits pour que le LCI puisse suivre, etc...

Lorsque la guerre se radicalise, on constate que le LCM n'est polyvalent qu'au prix d'une certaine médiocrité (le LCM "bon à tout" n'est "propre à rien") ; et comme les livraisons du M.D.A.P multiplient le nombre des engins disponibles, on développe diverses versions, dont chacune est spécialisée en vue d'un des types de mission.

a) Tout d'abord, figurent en quantités désormais significatives les LCM dits "de charge", sans aucune modification : la puissance de feu. est certes limitée aux deux mitrailleuses de 12,7mm d'origine, abritée seulement par un masque léger, mais les lignes d'eau sont normales, la vitesse, les qualités de manoeuvre et la capacité de transport sont intégralement conservées. Servis par l'arme du Train, ces engins assure une part croissante des transports non opérationnels, soulageant ainsi la Marine d'une charge qui ne lui incombe pas normalement ; pour des raisons de sécurité et d'efficacité, les LCM du Train sont, la plupart du temps, intégrés aux convois Marine.

b) Ensuite vient le LCM monitor : à l'inverse du cas précédent, le LCM est là tellement transformé qu'on le reconnait à peine : la porte avant est supprimée et une sorte d'étrave arrondie est ajoutée ; l'essentiel de la modification consiste dans l'installation d'une tourelle de char (un canon de 40mm et un de 20mm) sur l'avant, et d'un mortier de 81mm dans ce qui reste de la cuve, derrière la tourelle ; l'arrière ressemble à celui du LCM lourd, mais ne comporte plus que trois armes automatiques au lieu de cinq (trois canons de 20mm MG, ou un seul 20mm et deux mitrailleuses de 12,7 mm) ; sur une partie des monitors, un mât télescopique est installé à l'arrière, avec un nid de pie, très précieux pour voir par dessus les digues ; enfin, les parties sensibles sont protégées par un blindage de 12 à 15 millimètres. Les deux premier LCM monitors sont mis en service au Tonkin au troisième trimestre 1951.
Avec cette petite canonnière, on pense avoir réalisé l'"automitrailleuse du fleuve", et divers documents font état, d'une grande satisfaction. Cependant, le premier bâtiment perdu au. Tonkin depuis les combats de la Rivière Claire (octobre-novembre 1957) est un LCM monitor, coulé par obus et bazooka sur la Rivière Noire le 22 décembre 1951...
De toutes manières, cet engin souffre d'un grave défaut : le pointeur de la tourelle est pratiquement aveugle, et la désignation d'objectif par téléphone est inefficace : si bien que, dans la pratique, l'enseigne commandant le monitor est obligé de se placer à côté de la tourelle, et à découvert, pour en diriger le pointage, abandonnant ainsi tous les autres aspects de sa tâche.

c) Enfin, apparait le LCM de commandement, destiné à permettre l'exercice du commandement d'une Dinassaut (ou d'un quelconque groupe occasionnel), pour ce faire, son "réduit" arrière est dégagé, par suppression de deux des canons de 20 MG et des deux mitrailleuses de 12,7, ce qui laisse de la place pour quelques personnes et pour un minimum de mobilier (table, rangement) ; comme sur le monitor, la porte de débarquement est supprimée, et l'avant muni d'un semblant d'étrave, cependant qu'un mât télescopique portant un nid de pie est installé à l'arrière ; des postes de travail pour opérateurs radio sont aménagés dans la cuve, ainsi que divers systèmes d'antennes (filaires et: à fouet) sur le toit ; l'armement comprend encore deux canons de 20 MG axiaux (l'un tout à fait à l'avant, l'autre à l'arrière) et un mortier de 81 dans la partie avant de la cuve, sans compter l'armement portatif.
Dix LCM de commandement. sont aménagés, le premier étant entré en service au quatrième trimestre 1952. A l'inverse du monitor, ce type, de bâtiment est longtemps réservé au Sud et au Centre-Vietnam. A 1a fin de la guerre, sur les six LCM de commandement en service, deux sont au Nord-Vietnam, les quatre autres au Sud-Vietnam (dont deux armés par la Marine Vietnamienne).

d) Et bien entendu, le LCM blindé "ordinaire" continue : il fournit, entre autres tâches, une importante contribution aux dragages, en tête des convois du Nord-Vietnam.