Les essais du sous-marin Plongeur

Armé sous le commandement du lieutenant de vaisseau Doré, le bâtiment commence ses essais dès le 8 juin 1863.

Le Plongeur étant amarré à quatre, la machine est mise en route pendant 43 minutes. "Le fonctionnement de la machine a été complètement satisfaisant et l'abaissement de la température, à l'émission de l'air, n'a eu aucune conséquence appréciable. Un mètre cube d'air comprimé à 12 atmosphères a produit 112.548 Kilogammes mètres, ce qui dépasse d'un dixième les prévisions de Mr. Bourgois."

Les premiers essais de navigation en surface ont lieu le 10 juin sur la Charente en un aller et retour, parcourant 7 milles à la vitesse de 3,91 nœuds de moyenne.

Les expériences de navigation en surface ayant donné satisfaction en plusieurs sorties, on prépare les essais de plongée. Ceux-ci qui consistent en la "pesée" du sous-marin, se déroulent dans le bassin de Rochefort. Les résultats amènent quelques améliorations : installation d'un régulateur de plongée à double cylindres manœuvrés à main, ainsi que la modification du système de largage du lest et de certaines prises d'eau.

Les essais de plongée en mer libre sont alors décidés pour le début de l'année 1864. Un aviso, la Vigie est affecté aux essais, ainsi qu'une allège, le Cachalot, destiné à porter un compresseur d'air et le matériel nécessaire, ainsi que le logement du personnel.

Le 11 février, la Vigie remorquant le Plongeur et le Cachalot appareille de Rochefort pour Port des Barques, a l'embouchure de la Charente, puis La Rochelle, où l'on procède à quelques essais préalables au bassin.
C'est le 18 février que le Plongeur s'immerge pour la première fois, en eau libre, entre l' Ile de Ré et le continent, zone de petits fonds. Le 23 et le 24, ce sont des essais de vitesse, en immersion, par fond de 7 mètres, à 2 nœuds.
Les résultats de ces expériences montrent que le bâtiment gouverne bien, que l'étanchéité est parfaite et qu'il supporte facilement la profondeur de 9, 20 m. La machine fonctionne aussi bien que l'on pouvait le désirer et la vitesse, sur trois bases, fut de 4,09, 3,08 et 2,04 nœuds, correction faite des courants. Les rayons d'action calculés furent respectivement de 5, 5,7 et 7,5 nautiques.

C'est au cours de la dernière plongée, ce 24 février, qu'une voie d'eau oblige à larguer le lest, par mesure de sécurité. La manœuvre s'exécute très bien, mais cela oblige à repasser au bassin à Rochefort.

Durant l'année 1866 on procède à certaines études afin de corriger les inconvénients constatés pendant les essais : en particulier la médiocre tenue d'immersion, due surtout, à l'allègement continu résultant de la consommation de l'air comprimé, mal compensé par le régulateur ; et aussi l'inertie d'un bâtiment aussi important. Il naviguait par bons successifs et touchait souvent le fond avant que l'on puisse le redresser.

L'ingénieur Lobelin de Dionne, qui avait succédé , en 1865, à Charles Brun fait installer une hélice à axe vertical, manœuvrée manuellement en vue de pallier ces inconvénients. On propose aussi de faire installer des gouvernails horizontaux, à l'avant, mais cela ne fût pas réalisé.

D'autres inconvénients, moins importants, sont dus aux changements de pression résultant de la détente de l'air comprimé, qui provoque une brume épaisse à l'intérieur du bâtiment, en même temps que des impressions désagréables pour les oreilles des hommes d'équipage.

Pour Dupuy de Lôme, alors Directeur des Constructions Navales "le sous-marin serait illusoire aussi longtemps que l'on ne disposerait pas d'un moteur dont le poids ne varierait pas pendant son fonctionnement".

Ainsi, l'étude du Plongeur, qui n'était toujours qu'un navire expérimental ne fût pas poussée plus loin.

Comme le fait remarquer Henri Le Masson dans son ouvrage ( "Du Nautilus au Redoutable"; Ed. Presses de la Cité) : "Bien des incertitudes dans le problème de la navigation sous-marine furent élucidées par les expériences et les essais du Plongeur. Il eut été intéressant de les continuer, surtout en ce qui concerne les problèmes de l'immersion. On doit regretter que l'on ait si rapidement décidé d'abandonner les essais qui auraient certainement permis de progresser beaucoup plus loin qu'on ne le fît alors, dans la connaissance de la navigation sous-marine."

Mais, quand vingt ans plus tard, Dupuy de Lôme, Gustave Zédé et Romazzoti étudièrent le projet du Gymnote, les dossiers du Plongeur leur furent précieux. Ainsi, l'intérèt de séparer les caisses de réglage des ballasts ; la définition de leurs volumes respectifs par rapport au volume de la coque ; la nécessité de disposer de gouvernails horizontaux à l'avant ; l'organisation des collecteurs d'eau et d'air ; les installations de sécurité. Autant de problèmes qui avaient été, en partie, résolus.

C'est le 20 juin 1867 , que le Plongeur est désarmé. C'est aussi l'année où l'ingénieur anglais Whitehead inventait la torpille automobile, dont le moteur à air comprimé était dérivé de celui du Plongeur.


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