L'histoire du croiseur Lamotte-Picquet

(d'après une notice historique du SHM - texte d'Albert Moreau, octobre 1978 ; La bataille de Shangaï, Y. Le Gall 1987)

Sa construction votée par la loi du 18 avril 1922, le montage de sa coque commence à l'arsenal de Lorient le 17 janvier 1923 dans le bassin de la "Fosse aux Mâts" où il sera mis à flot le 21 mars de l'année suivante.

Le capitaine de vaisseau Jean Cras (E.J.P.), après un stage d'un mois à Brest où s'achève le Duguay-Trouin, est chargé de suivre à partir du ler septembre 1925 les travaux du Lamotte-Picquet pour en prendre ultérieurement le commandement le 28 janvier 1926. Le bâtiment entre en armement pour essais le ler février.

Premiers essais

Vers le 20 mai le Lamotte-Picquet est remorqué en rade de Lorient. Il appareille un mois plus tard, au début de l'après-midi du 21 juin pour être en mesure d'effectuer le lendemain, à partir de 8h30, un essai préliminaire de bon fonctionnement en route libre pendant deux heures, sur la base des Glénans.

C'est ainsi que le 22 au matin, par beau temps et mer calme, les machines sont poussées jusqu'à 94.000 CV et le croiseur peut atteindre 32 nœuds. Malheureusement, au cours de l’après-midi d'importantes fuites d'huile et une marche très incertaine des auxiliaires font interrompre l'épreuve. Remorqué par le Mastodonte, le Lamotte-Picquet mouille à la nuit tombante sous les Errants. Le lendemain il reprend son corps mort en rade de Penmané.

Le 2 juillet, la reprise de l'essai préliminaire en route libre se déroule par une mer calme. Pendant deux heures le fonctionnement est très satisfaisant. C'est un succès ; aussi, l'épreuve de présentation en recette est-elle déclarée acquise. Après un mouillage de nuit sous les Errants, le Lamotte-Picquet est de retour à Lorient le lendemain.

Une autre épreuve, officielle cette fois, a lieu le 16 juillet. Il s'agit d'une marche à toute puissance. Commencée à 11 heures, elle se poursuit jusqu'à 17 heures dans d'excellentes conditions par beau temps. A 21 heures le croiseur revient mouiller à Penmané.

Le 20, un essai officiel de consommation en route libre à 15 nds se déroule pendant huit heures sur une mer peu agitée et donne de très bons résultats. L'épreuve est acquise et le croiseur rentre au port le 21.

Dans la nuit du 23 juillet, le Lamotte-Picquet, en surcharge de 1000 tonnes, mouille devant Groix avant d'appareiller le lendemain à la première heure pour ses essais d'endurance et de consommation pendant vingt quatre heures. Le premier jour la mer est peu agitée, il n'en sera pas de même le 25. Néanmoins, sur trois parcours des Glénans la vitesse moyenne obtenue est de 30 nds.

Ces dernières épreuves s'étaient déroulées sous la direction du contre-amiral Gilly, Président de la Commission centrale d'essais, assisté du Mécanicien Général Bertrand. Le fonctionnement de tous les appareils avait été très satisfaisant. La trépidation à l'intérieur du navire avait été très réduite et personne n'avait eu l'impression d'une vitesse exceptionnelle tant le croiseur fendait l'eau avec aisance.

Tous les essais officiels avaient eu lieu dans le temps record de neuf jours (16 au 25 juillet), ce qui était tout à fait remarquable au point de vue fonctionnement du matériel. Par contre, si un maximum de 115100 CV avait été développé à 33 nds, dépassant la puissance prévue (102 000 CV), la vitesse de 34 nds escomptée, n'avait pas été atteinte. Il en a été de même pour les autres bâtiments de la série ; mais, le Lamotte-Picquet est, néanmoins, celui des trois qui a atteint la vitesse maximale la moins élevée, d'une façon infime, d'ailleurs.

Aussitôt après les essais, les démontages sont entrepris. Le Lamotte-Picquet entre en armement définitif le ler septembre et passe au bassin pour un carénage dont il sort le 22. Au point de vue artillerie, une direction de tir provisoire est installée en attendant celle, définitive, qui ne sera complètement mise en place que plus d'un an et demi plus tard.

A l'issue des démontages, une épreuve officielle de bon fonctionnement en route libre a lieu le 29 octobre. D'une durée de quatre heures à 30 nds, elle se passe par beau temps et donne des résultats satisfaisants. Le croiseur arrive à Brest le 11 novembre.

Par décret du 31 octobre 1926, le contre-amiral Pirot qui, depuis peu de temps, commandait en Méditerranée la Division légère des croiseurs ex-allemands avec pavillon sur le Metz, est nommé au commandement d’une lère Escadre légère qui est constituée à cette date dans le cadre plus symbolique qu’existant d'une Escadre de la Manche et de la mer du Nord. L'amiral met sa marque, le 19 novembre, à Brest, sur le Lamotte-Picquet. Il reçoit peu après l'ordre d'effectuer une croisière dite de l'Atlantique-Est.

Départ pour une croisière en Atlantique

Le 25 novembre, le Lamotte-Picquet, battant le pavillon de l'amiral, quitte Brest en compagnie du Duguay-Trouin. Ces deux croiseurs qui composent maintenant la 3ème Division légère (avec le Primauguet à Brest), rencontrent du très mauvais temps entre le raz de Sein et le cap Finisterre. Puis, après avoir très joyeusement fêté le passage du Tropique, le Lamotte-Picquet mouille à Port-Etienne le 29 au soir où il attend le Duguay-Trouin qui effectuait un essai le mettant en retard d'une trentaine de milles. L'état major du navire-amiral descend à terre pour une visite extrêmement brève qui lui permet de recevoir le meilleur accueil du Capitaine d'infanterie, Commandant le poste militaire ainsi que des représentants de la Société des Pêcheries.

Le 30 novembre dans la soirée, le Lamotte-Picquet et son compagnon arrivent à Dakar. Ils y sont rejoints le 3 décembre par un groupe léger composé du contre torpilleur Chacal (Capitaine de Frégate Brohan), des torpilleurs Tempête, Simoun, Bourrasque ainsi que des sous-marins Souffleur et Narval venus respectivement de Cherbourg et de Toulon. Ce groupe, mis sous les ordres de l'amiral Pirot, était parti bien avant les croiseurs, de Brest et de Lorient les 11 et 12 novembre. Bloqués pendant près d'une semaine dans le Tage par un temps exécrable, le Chacal et ses torpilleurs avaient ensuite fait escale à Casablanca (24 au 27), à Agadir, également le 27; Puis, du 29 au ler décembre, à Santa Cruz de Ténériffe.

Toutes les unités de la division séjournent à Dakar jusqu'au 5 décembre où ont lieu plusieurs réceptions en présence de l'amiral Pirot, du Gouverneur Général Carde et des grands chefs indigènes.

Le 5 décembre les deux croiseurs quittent Dakar pour Conakry. A bord du Lamotte-Picquet prend passage M. Poiret, Lieutenant Gouverneur de la Guinée, qui fait sur ce navire un retour du meilleur effet sur ses administrés de Conakry. Les croiseurs y séjournent du 6 à 14 heures au 9 à 18 heures et mettent alors le cap sur Las Palmas (Canaries). Pendant ce temps le groupe Chacal était arrivé à Saint Vincent du Cap Vert le même jour dans la matinée.

La concentration de la division de l'amiral Pirot se fait aux Canaries, à La Luz. Les croiseurs, d'abord obligés de rester sur rade à cause du mauvais temps, doivent finalement appareiller. Plus maniables, le Chacal et les torpilleurs peuvent entrer dans le port où, pendant plusieurs jours, vont se dérouler fêtes et réceptions franco-espagnoles.

De leur côté, le Lamotte-Picquet et le Duguay-Trouin, après une relâche le 14 décembre à Agadir et des exercices de tir, entraient à Casablanca le 15. Rejoints le 18 par le groupe Chacal, toute la division appareille le soir même et mouille le lendemain à Cadix. Trois jours durant, les 19, 20 et 21 décembre de nombreuses visites et manifestations de sympathie sont échangées avec les autorités espagnoles. Le 22, la division met le cap sur la France, le Lamotte-Picquet et le Duguay-Trouin respectivement pour Lorient et Brest où ils arrivent le 24, les autres bâtiments en direction de Toulon afin d’être incorporés à l'Escadre de la Méditerranée.

A Lorient, le Lamotte-Picquet est rentré dans l'arsenal pour recevoir ses appareils définitifs de direction de tir.

1927

Le 10 janvier le capitaine de vaisseau Huau prend le commandement du Lamotte-Picquet. Il avait été désigné plusieurs mois auparavant comme Capitaine de pavillon de l'amiral Pirot quand celui-ci commandait la division des croiseurs ex-allemands, en Méditerranée. Les circonstances, d'ailleurs, n'avaient pas voulu à ce moment que le Strasbourg fut disponible pour porter l'amiral. C'est le ler février, en conséquence de la dissolution à cette date de la Division de la Manche et de la mer du Nord, que le contre-amiral Pirot - déjà commandant de la lère Escadre légère et de la 3ème Division légère - devient Commandant de la 2ème Escadre créée à cette même date. Quant au capitaine de vaisseau Cras qui quittait le Lamotte-Picquet il fut désigné quelques jours plus tard pour commander le cuirassé Provence.

Les passerelles des croiseurs de 8.000 tonnes seront estimées très inconfortables par les commandants. A la suite de leurs doléances, il est décidé à partir du 23 février, d’effectuer immédiatement des modifications et additions provisoires aux passerelles du Lamotte-Picquet et du Primauguet, plus tard en ce qui concerne le Duguay-Trouin.

Le Lamotte-Picquet passe au bassin du 4 au 16 mars. C'est au cours de ce mois que sont effectués à bord des travaux destinés à améliorer la ventilation dans les rues de chauffe. Ces travaux sont semblables à ceux qui venaient d'être terminés sur le Duguay-Trouin.

Une coque particulièrement fragile

Le 29 mars il appareille pour la première fois avec son nouveau commandant, pour effectuer des tirs et divers essais rendant quarante huit heures. Il doit rentrer à cause de la grosse mer rencontrée au large. A son arrivée, par suite d'une fausse manœuvre, le remorqueur Renne l'aborde et lui occasionne une avarie à l'avant. L'avarie n'est pas grave, il s'agit de changer environ lm50 de surface de tôle au dessus de la flottaison. Au début des premiers essais il avait été constaté que la coque de ce type de croiseurs était très fragile et qu'il fallait en tenir compte au cours des manœuvres de port et d'accostage.

Trois semaines plus tard, le 20 avril, le Lamotte-Picquet effectue une sortie à la mer pour des tirs de rapidité et arrive à Brest le lendemain en soirée pour se préparer à un voyage qu'il doit faire en Angleterre du 30 mai au 4 juin. Au cours de son séjour Brestois il reçoit la visite du Commandant de la Marine Lettone.

Le 5 mai, le Lamotte-Picquet mouille à Port-Haliguen pour des expériences de ses appareils de réglage de tir et, quelques jours après, le 11, il effectue en compagnie du contre-torpilleur Jaguar des écoles à feu sur l’îlot Mendu ; il rentre à Brest le lendemain.

C'est à cette époque qu'on installe en supplément et provisoirement sur sa première cheminée une Sirène provenant du vieux croiseur ex-allemand Colmar, celle d'origine ne donnant pas satisfaction. Chose presque étonnante, cette installation provisoire ne sera pas définitive et une dépêche ministérielle du 23 février 1931 invitera le port de Toulon à expédier d'urgence et à grande vitesse aux Constructions Navales de Lorient l'ancienne Sirène du Colmar qui, entre temps, avait été démoli. Là s'arrête pour nous l'histoire de cet instrument sonore. Nous ignorons ce qu'il en advint à Lorient. Toutefois, plus de deux ans plus tard, le 19 mai 1933, les Constructions Navales ordonnaient la fabrication d'une Sirène à vapeur. du "type Colmar". On est obligé de penser que ce modèle devait être vraiment sensationnel.

Parti de Brest avec le Duguay-Trouin le 28 mai à 9 heures, les deux croiseurs ralentis par la brume, n'arrivent à Cherbourg qu'à 7 heures du soir. Ils y rejoignent les contre-torpilleurs Jaguar, Tigre et Chacal ainsi que les torpilleurs Bourrasque, Orage et Ouragan qui, le 16 mai, avaient accompagné l’Invicta à bord duquel se trouvait le Président Doumergue qui se rendait à Londres. Toute la division appareille de Cherbourg le 30 mai au matin pour Portsmouth où, pendant plusieurs jours vont se dérouler de nombreuses fêtes et réceptions, tant à bord des bâtiments qu'à terre. Ces réceptions sont honorées de la présence de notre Ambassadeur, M. de Fleuriau, du Premier Lord de l'Amirauté le Rt Hon. W.C. Bridgeman, du Commandant de notre division navale et des plus hautes personnalités maritimes britanniques, telles que l'amiral de la Flotte Earl Beatty, et du Premier Lord de la Mer, Sir Osmond de Beauvoir Brock etc…Ayant quitté Portsmouth le 4 juin à 9 heures, notre force navale rentre à Brest le soir ayant accompli la traversée à 24 nds.

Le Lamotte-Picquet en Amérique du Sud

A peine rentrés d'Angleterre le Lamotte-Picquet et le Jaguar appareillent de Brest le 9 juin au soir pour une croisière aux Antilles et en Amérique du Sud. Entre Brest et Saint-Vincent du Cap Vert nos deux croiseurs effectuent de nombreux essais de consommation entre 14 et 20 nds. Arrivés le 15 en soirée en baie de Porto-Grande, ils trouvent un excellent accueil jusqu'à leur départ qui a lieu le 18.

Puis, ce sont les Antilles : Basse-Terre du 24 au 28, les Saintes, et Fort-de-France du ler au 8 juillet avec des fêtes, des réceptions et l'accueil toujours chaleureux de nos compatriotes antillais. Le Gouverneur, M. Tellier, se rend aux Saintes sur le navire amiral; ensuite, sur le Jaguar, il va à Saint-Martin et à Saint-Barthélémy, îles isolées hors du trafic commercial.

Trinidad (9 au 11 juillet), est une courte escale pour se ravitailler en mazout avant de mettre le cap sur Cayenne où, en raison des petits fonds et de la houle, le Lamotte-Picquet et son compagnons arrivés le 13, doivent rester mouillés à 7 milles au large. Aussi, les communications avec la terre sont-elles longues et difficiles. Après un déjeuner offert par l'amiral Pirot au Gouverneur, l'appareillage a lieu le 15 à 18 heures.

Puis c'est le Brésil avec Pernambouc où le navire amiral et son fidèle Jaguar s'amarrent à quai le 20 juillet à 9 heures. Après un très sympathique séjour de quatre jours, nos navires reprennent la mer le 24 à 14 heures, en route pour les îles Abrolhos à 700 milles de là et où ils jettent l'ancre du 26 juillet à 17 heures au lendemain à 8 heures du matin. Le Lamotte-Picquet et le Jaguar arrivent à Rio le 28 juillet à 17 heures; ils mouillent sous l'île des Cobras. De nombreuses fêtes et réceptions se déroulent pendant leur séjour dans la capitale brésilienne. Le 29 juillet, l'Ambassadeur de France présente l'amiral Pirot et ses commandants au Président de la République, M. Washington Ruis, qui honore notre pays en assistant le 3 Août à une matinée dansante sur le Lamotte-Picquet. Les amerrissages dans la baie de l'hydravion Bessons du navire-amiral - piloté par le lieutenant de vaisseau Braxmeyer - remportent un vif succès auprès des autorités brésiliennes. Enfin, le 5 août à 7 heures la division française quitte Rio en direction de l'Argentine.

Après avoir embouqué le chenal de Buenos-Aires le 10 août à midi, le Lamotte-Picquet et le Jaguar sont à quai à 15 heures. En Argentine également, fêtes et réceptions se succèdent et le 13 Août, comme au Brésil, le Président de la République, M. Marcele T. de Alvear, visite nos navires. Pendant son séjour argentin le Jaguar a même l'occasion de faire une escale à Rosario. Le 18 à 7 heures du matin le Lamotte-Picquet quitte Buenos-Aires en direction de la capitale uruguayenne avec à son bord M. Juan Carlos Blanco, Ministre d'Uruguay en Argentine.

Arrivé le même jour à 17 heures à Montevideo, le Lamotte-Picquet qui est rejoint le 20 par le Jaguar venant de Rosario, y séjourne jusqu'au 26 août, toujours au milieu de réceptions et de manifestations de sympathie.

A Santos, le 28 août, nos navires s'amarrent à quai jusqu'au ler septembre ; ils vont ensuite se ravitailler à Pernambouc pendant quarante huit heures. La division appareille le 8 septembre pour Saint-Vincent du Cap-Vert où elle arrive le 12 pour une journée.

Au cours de l'escale à Madère du 16 au 18 septembre, l'amiral Pirot dépose une gerbe au cimetière de Funchal à la mémoire des marins de notre canonnière Surprise torpillée et coulée par le sous-marin allemand U38 le 3 décembre 1916.

Enfin, le 20, après une très courte escale à Tanger, le Jaguar rentre à Brest où il arrive le 22, quant au Lamotte-Picquet, il prend le chemin de Toulon, arrivant le 23 septembre pour passer au bassin et subir une révision.

Au cours de cette croisière sud-américaine de 23000 milles tout avait bien fonctionné et le croiseur avait donné une nouvelle preuve de son excellente tenue à la mer.

Désigné pour représenter le Gouvernement Français le 20 octobre à la commémoration de la bataille de Navarin, le vice-amiral Violette, qui venait de quitter le commandement de la lère Escadre, met son pavillon sur le Lamotte-Picquet.

Arrivé à Phalère le 18 octobre dans l'après-midi, le Lamotte-Picquet quitte ce port à 4 heures du matin le lendemain pour Navarin où il entre de conserve avec le cuirassé britannique Ramillies et occupe la place qu'avait la Sirène de l'amiral de Rigny le jour de cette mémorable bataille contre la flotte turco-égyptienne. Il en est de même pour le bâtiment anglais qui prend la position qu'avait l'Asia.

A l’issue de plusieurs cérémonies militaires, sa mission terminée, le Lamotte-Picquet rentre à Toulon le 25 octobre.

Il quitte une nouvelle fois Toulon le 3 novembre à 22 heures et, après une très brève escale à Marseille, se rend en Sicile, à Sciaccal où devait être inauguré le 6 un monument à la mémoire des victimes de notre dirigeable Dixmude, englouti dans la nuit du 21 décembre 1923.

Arrivé le 5 au matin à Port-Empedocles, le Lamotte-Picquet y trouve le croiseur Brindisi (amiral Cuturi) représentant la Marine italienne ainsi que notre contre-torpilleur Enseigne Gabolde venu de Bizerte avec des représentants de l'Aéronautique Maritime.

Le lendemain, le Lamotte-Picquet, ayant à son bord M. R. Besnard, Ambassadeur de France à Rome, mouille vers 9 heures devant Sciacca avec les autres bâtiments. Après un défilé italo-français, le monument est inauguré en présence de nombreux représentants des familles des disparus transportés à Palerme par un paquebot des Messageries Maritimes.

La cérémonie achevée, le Lamotte-Picquet qui ne revenait pas à Toulon mais devait rentrer directement à Lorient pour terminer définitivement l'installation de ses appareils de conduite de tir, est dérouté sur Bizerte où il arrive le 7 novembre afin d’être présent le 10 au moment de la visite dans ce port du Roi d'Espagne Alphonse XIII. Le souverain arrivé le 10 au matin sur le croiseur Principe Alfonso, honore le Lamotte-Picquet de sa visite. Très intéressé par les choses de la mer, il prête une vive attention au matériel qui équipe notre nouveau croiseur.

Après une rapide escale à Tanger le 14, le Lamotte-Picquet arrive enfin à Lorient le 18 novembre où il est amarré dans l'arsenal et devient indisponible.

1928

Les travaux du Lamotte-Picquet sont longs. Ce n'est, finalement, que le 8 juin qu'il quitte Lorient pour Brest, effectuant pendant le parcours des exercices de conduite de tir. Le 17, il va aux Sables d'Olonne avec le Duguay-Trouin et deux torpilleurs.

La lère Escadre, venue de la Méditerranée sous le commandement du vice-amiral Docteur, arrive à Brest le 22 juin et la 2ème Escadre - à laquelle manque le Primauguet, pas encore prêt - se range sous ses ordres.

Le 3 juillet, en rade du Havre, le Président Doumergue passe en revue nos escadres réunies où figurent les deux croiseurs de la 3ème Division légère. A l'issue de cette grande manifestation maritime, le Lamotte-Picquet revient encore à Lorient le 5 pour quelques petits travaux d’ultime mise au point. Le 20 juillet, il appareille pour des épreuves de conduite de tir au large et rentre le lendemain en instance de départ pour Toulon.

Ayant quitté définitivement Lorient le 24, le Lamotte-Picquet rejoint la lère Escadre à la mer et, avec elle, il va à Santander et à Mers el-Kébir pour arriver le 4 Août à Toulon. Le Duguay-Trouin détaché en mission aux Açores n'arrivera que quelques jours plus tard.

La durée du commandement de l'amiral Pirot touche à sa fin. Le 20 septembre, à Toulon, il rentre son pavillon, remplacé le même jour sur le Lamotte-Picquet par le contre-amiral Dubois (L.A.). De son côté, à la même date également, le capitaine de vaisseau Duplat (E.A.H.) succède au commandant Huau.

Le Lamotte-Picquet accompagne la lère Escadre au cours de sa sortie du 8 octobre au 7 novembre en Corse, Algérie et Tunisie. Il est seul de sa division, le Duguay-Trouin faisant un séjour dans l'arsenal pour une mise au point d'artillerie. Il va à Philippeville du 19 au 22 octobre en compagnie de la 5ème Division légère (Panthère, Chacal, Tigre) ainsi que des torpilleurs Simoun, Siroco, Cyclone et Mistral.

Au cours de la dernière sortie de l'année, du 4 au 20 décembre, le Lamotte-Picquet et le Duguay-Trouin accompagnés de bâtiments légers mouillent aux Salins d'Hyères, tandis que les cuirassés vont au Golfe Juan.

1929

Sorti avec 1a lère Escadre du 22 janvier au 15 février à l'époque des fêtes du Carnaval, le Lamotte-Picquet mouille au Golfe Juan avec le Duguay-Trouin qui rentre à Toulon le 11 pour partir en mission au Maroc. Ensuite, avec les contre-torpilleurs et torpilleurs, le Lamotte-Picquet effectue ses écoles à feu les ler et 2 mars. C’est probablement à partir de cette date que commence, sur des affûts doubles, l’installation de ses mitrailleuses de D.C.A.

Deux mois et demi plus tard, le 17 mai, le Lamotte-Picquet appareille de Toulon pour Barcelone, à l'occasion de l'Exposition internationale, avec une partie de l'Escadre sous le commandement de l'amiral Docteur, sur la Provence. Nos navires y séjournent du 25 au 28.

Le 31 mai notre croiseur est à Alger avec le Duguay-Trouin, la 5ème Division légère et des torpilleurs. Ensuite, appareillage pour des manœuvres avec les autres navires de l'escadre ainsi qu'avec ceux de la 2ème Escadre et séjour à Casablanca du 8 au 17 juin. Au retour les escales prévues à Tanger et Port-Vendres ne peuvent avoir lieu à cause du mauvais temps, aucune communication avec la terre n'étant possible.

A partir du 27 juin nos bâtiments - y compris nos croiseurs - font escale à Sète et dans le golfe de Fos jusqu'au 5 juillet avant d'aller à marseille. Dans ce port de nombreuses fêtes et réceptions se déroulent jusqu'au 11, malgré un temps défavorable, avant le retour à Toulon.

Le Lamotte-Picquet, toujours en compagnie de son fidèle compagnon le Duguay-Trouin, effectue ses écoles à feu les 23 et 30 juillet. Le 7 août, nos deux croiseurs font leurs tirs d'honneur puis rentrent à Toulon le 9 après l'inspection générale du Commandant en chef.

Parti de Toulon pour une courte croisière au Levant, le Lamotte-Picquet relâche à Bizerte le 14 Août. Arrivé à Beyrouth le 18, il visite successivement Latakieh et Alexandrette puis revient à Beyrouth le 25. En septembre il mouille à Rhodes où une délégation de 11 équipage va s'incliner sur les tombes des marins de notre patrouilleur auxiliaire l'Indien, torpillé sur cette rade le 8 septembre 1915 par le sous-marin allemand U34.

A Phalère, le 10 septembre, le Chargé d'Affaires de France offre une réception en l'honneur de l'amiral Dubois et de personnalités gouvernementales grecques. Le Lamotte-Picquet rentre à Toulon la 17,

La lère Escadre appareille en direction de l’Algérie et de la Tunisie le 16 octobre; elle est, pour la première fois, commandée par le vice-amiral Durand-Viel. Le Lamotte-Picquet, qui attend à Toulon le retour de ses permissionnaires partis plus tardivement que ceux des autres bâtiments en raison de sa croisière au Levant, doit rejoindre l'escadre plus tard. Le Duguay-Trouin, quant à lui, est dans l'arsenal pour travaux et le contre-amiral Dubois doit hisser provisoirement sa marque sur le Primauguet qui est, enfin, arrivé à Toulon le 27 septembre pour compléter la 3ème Division légère.

Le 2 décembre le Lamotte-Picquet, en compagnie du Primauguet, sort avec l’escadre pour la côte est de Provence. Après des exercices d'ensemble nos deux croiseurs et les cuirassés mouillent au Golfe Juan jusqu'au 10 décembre et l'escadre rentre à Toulon le 13 au soir.

1930

Le Lamotte-Picquet appareille de Toulon le 6 janvier pour Oran, où, le lendemain, il embarque pour ramener 128 officiers-élèves et 150 hommes d'équipage évacués du croiseur-école d'application Edgar Quinat qui venait de s'échouer.

Croisière sur la côte d’Afrique

Cette mission du Lamotte-Picquet retarde de deux jours son départ pour une croisière sur la côte d'Afrique avec les contre-torpilleurs Panthère et Guépard (5ème Division légère) ainsi que du Primauguet pour les Antilles.

Partis le 17 janvier de Toulon, nos navires s’arrêtent à Casablanca du 20 au 22 et à Dakar le 26. C'est de ce port que le Primauguet mettra le cap sur les Antilles et la Guyane le 7 février.

De leur côté, le Lamotte-Picquet, la Panthère et le Guépard visitent la Guinée et la Côte d'Ivoire en allant successivement à Conakry du 7 au 9 février et à Grand-Bassam le 11. Le croiseur se rend ensuite, le 20, à Cotonou (Dahomey) pendant que les deux contre-torpilleurs de la 5ème Division légère mouillaient à Grand-Popo le même jour. La Panthère et le Guépard rejoignent le Lamotte-Picquet le lendemain à Cotonou.

Les bâtiments de l'amiral Dubois appareillent de Cotonou le 25 février, à 16 heures. Arrivés à Douala (Cameroun) le 27, ils y séjournent jusqu'au 7 mars avant de jeter l'ancre deux jours plus tard à Libreville. Nos navires ne font que passer dans ce dernier port, continuant sur Port-Gentil, autre port gabonnais, où ils restent du 10 au 12.

Notre croiseur, la Panthère et le Guépard mouillent à Pointe-Noire (Congo) le 13 mars.

Prenant le chemin du retour, les trois bâtiments de l'Escadre légère appareillent le 15 de Pointe-Noire pour de nouvelles escales à Conakry (21-25 mars) et à Dakar (26) où ils restent jusqu'au 7 avril.

Les deux contre-torpilleurs mouillent à Mogador le 11 avril. Poursuivant leur route, le Guépard arrive à Mazagan le 13 et la Panthère le même jour à midi, à Casablanca. Au cours de cette même journée du 13 avril, le Lamotte-Picquet se trouve à Safi qu'il quittera le lendemain à 21 heures pour Casablanca où aura lieu le 15 avril le ralliement de l'escadre.

Après une escale à Port-Say, nos navires jettent l'ancre à Mers el-Kébir et c'est dans ce port que le 28 avril, le contre-amiral Morris (E.M.J.) succède à la tête de la lère Escadre légère à l'amiral Dubois, arrivé au terme de son commandement. Le même jour également, le capitaine de vaisseau Le Bonzec (J.) devient commandant du Lamotte-Picquet en remplacement du capitaine de vaisseau Duplat.

La division se retrouve au complet à Alger le 29 avril et participe le 10 mai, à l'occasion du Centenaire du rattachement de l'Algérie à la France, à un défilé naval devant le Président Doumergue dont le pavillon flottait sur le Duquesne. Le Lamotte-Picquet est également présent à Oran le 12 au moment du départ pour la France de la Division Présidentielle qui est composée des Duquesne, Suffren et Colbert.

A l'issue d'exercices avec 1’escadre, le Lamotte-Picquet, toujours flanqué de ses deux compagnons de croisière, touche Ajaccio le 25 mai avant de rentrer à Toulon.

Une explosion à bord !

Le Lamotte-Picquet sort avec l’Escadre le 15 juillet, dans les parages du Golfe Juan où des manœuvres se déroulent en présence du vice-amiral Violette, Chef d'Etat-Major Général de la Marine.

Le 19 août, à 13h45, deux explosions se produisent dans un compartiment situé sous le carré des officiers. Un matelot est tué sur le coup et il y a trois blessés atteints de graves brûlures dont un, le lieutenant de vaisseau Bossenec, succombera quelques jours plus tard.

L'incendie, consécutif à ces explosions qui avaient été provoquées par une fuite d'essence dont les vapeurs s'étaient répandues dans les locaux est éteint à 15 heures. Les dégâts occasionnés au Lamotte-Picquet sont relativement importants… le pont d'acier au dessus duquel se trouvait le carré avait été crevé.

Le croiseur est envoyé pour réparations à Bizerte où il arrive le 3 septembre. Placé en disponibilité armée, le Lamotte-Picquet entre en travaux pour un grand carénage dont la date était, d'ailleurs, prévue avant cet accident. Le croiseur revient à Toulon le 23 décembre, travaux terminés.

1931

Pendant la majeure partie de l'année, jusqu'au ler septembre, le Lamotte-Picquet restera en position de disponibilité armée à Toulon. Le 19 août le croiseur avait changé de commandant, le capitaine de vaisseau Le Bonzec passant sur le Duguay-Trouin avait été remplacé par le capitaine de vaisseau Ven (C.E.) venant du Primauguet.

Sorti de l'arsenal, le Lamotte-Picquet hisse le 8 septembre la marque du contre-amiral Traub (M.E.F.) qui commandait depuis le 20 avril, sur le Primauguet, la 3ème Division légère exclusivement. En effet, la lère Escadre légère avait été dissoute à cette dernière date ; les contre-torpilleurs qui en faisaient auparavant partie ayant fait l'objet d’un commandement à part, confié à un autre Officier Général.

Le Lamotte-Picquet participe aux sorties de l'escadre du 13 octobre et du mois de novembre. C'est ainsi qu'au cours de manœuvres, un groupe placé sous les ordres de l'amiral Traub et composé, en plus du navire-amiral, du croiseur Colbert, des contre-torpilleurs Panthère, Chacal, Guépard, avec les torpilleurs Cyclone, Simoun, Siroco, Foudroyant, Boulonnais et Forbin, séjourne à Majorque (Baléares) en mouillant à Palma, Pollensa et Alcadia du 17 au 20 novembre. Revenu à Toulon avec l'escadre le 27, le Lamotte-Picquet sort une nouvelle fois avec elle en se rendant à Marseille du 16 au 18 décembre.

1932

Le Lamotte-Picquet qui est depuis plusieurs mois l'unique représentant de sa propre division naviguant avec l’Escadre, appareille avec celle-ci le 19 janvier. Le 23, il est une nouvelle fois à Marseille où il prend un mouillage à l'Estaque avec le contre-torpilleur Guépard et les torpilleurs de la 9ème Division (Foudroyant, Boulonnais, Brestois, Forbin). Après avoir exécuté tout un programme d'exercices, il jette l'ancre avec les autres bâtiments de la lère Escadre dans différents ports de la Côte d'Azur pendant la période du Carnaval et rentre à Toulon le 17 février.

Le 14 avril le Lamotte-Picquet quitte Toulon avec un groupe de bâtiments sous les ordres du contre-amiral Hervé, dont la marque flotte sur le cuirassé Jean Bart pour effectuer des manœuvres sur les côtes Algéro-Tunisienne. Le groupe comprend, outre les deux navires-amiraux, le croiseur mouilleur de mines Pluton et la 9ème Division de torpilleurs. Le Lamotte-Picquet se trouve à Tabarka le 16 avril, à Bizerte le 22, à Sfax du 7 au 11 mai, puis à Sousse le lendemain avec les mêmes torpilleurs. La croisière se poursuit ; le Lamotte-Picquet, toujours accompagné par les torpilleurs va encore à Bizerte. Il se trouve ensuite avec eux à Bône le 27 mai au matin, à Philippeville le ler juin et à Alger le 7 à 8 heures. Nouvelle touchée à Bizerte le 13 en soirée.

Une modification dans l'organisation de nos forces navales comportant un renforcement de la 2ème Escadre légère et l'affectation d'un vice-amiral à sa tête, prévoit l’envoi dans le Nord de deux croiseurs de 8.000 tonnes.

C'est ainsi que le Lamotte-Picquet parti de Toulon le 19 juillet, arrive à Brest le 24 à 9h3O après avoir été retardé par la brume. Le contre-amiral Traub se place immédiatement sous les ordres du contre-amira1 de Laborde, Commandant en chef de la 2ème Escadre légère. Le Lamotte-Picquet avait été précédé un mois plus tôt par le Duguay-Trouin arrivé à Brest le 29 juin et placé en disponibilité armée " réparations ".

Le 4 octobre le contre-amiral Traub quitte le Lamotte-Picquet et le même jour le vice-amiral Drujon prend le commandement en chef de la 2ème Escadre et met son pavillon sur le Lamotte-Picquet. Le 15 octobre, le capitaine de vaisseau Petit (V.) devient commandant du croiseur. Quant au capitaine de vaisseau Ven, il sera Capitaine de pavillon de l'amiral Dubois, Commandant en chef de la lère Escadre, sur le cuirassé Lorraine.

Le 20 octobre, le Lamotte-Picquet quitte Brest pour conduire la 2ème Escadre en Manche. Après avoir jeté l'ancre devant Brechech (N.O. de Saint-Quay) les 20 et 21, le croiseur s'amarre à Cherbourg le 22 à 10 heures. Il appareille le 24 à 13 heures pour mouiller d'abord au large de Saint-Vaast et partir ensuite pour Brest où il arrive le lendemain dans la matinée. A peine revenu, il part pour Saint-Nazaire où il entre le 27 octobre. A la suite d'une mauvaise manœuvre du remorqueur arrière, le Lamotte-Picquet touche le bajoyer sous le vent à l’entrée du sas. Il en résulte une avarie sans gravité qui se manifeste par un léger enfoncement de la coque au dessus de la flottaison, à hauteur de la passerelle.

Le Lamotte-Picquet appareille de Brest le 18 novembre à 9 heures pour une sortie d’entraînement de son Escadre à laquelle le nouveau croiseur Dupleix a été, depuis le ler octobre, provisoirement rattaché et qui participe à l’exercice. Cette sortie qui s'effectue par mauvais temps, mène successivement le Lamotte-Picquet aux mouillages de Groix (18 novembre), Port-Haliguen (19 au 22) et au Palais (Belle-Ile) le 23 avec retour à Brest le lendemain à 16 heures. Le 25, nouvelle sortie, mais seulement pour la journée.

Trois semaines plus tard, le 14 décembre dans la matinée, le Lamotte-Picquet appareille de Brest à la tête de la 2ème Escadre; le Dupleix figurant dans la 2ème Division légère avec le navire-amiral. Le Lamotte-Picquet arrive à minuit au mouillage de Port-Haliguen, après avoir été obligé auparavant de jeter l'ancre pendant une heure dans les coureaux de Belle-Ile, à cause de la brume. Le croiseur reste à Port-Haliguez les 15, 16 et 17 en effectuant, avec d'autres bâtiments, des tirs sur buts mobiles remorqués par le Mastodonte. Le 19 décembre le Lamotte-Picquet appareille et préside à des exercices nocturnes avec les contre-torpilleurs des 4ème et 6ème divisions légères. A 19h3O le 20, est capté un message de détresse de la Seine, transport côtier de la Marine, en perdition dans le golfe de Gascogne. Immédiatement, Lamotte-Picquet, Dupleix et les contre-torpilleurs Bison et Lion font route vers la Seine. A 22h30 le croiseur Dupleix, le moins éloigné, reçoit l'ordre de continuer seul. Il ne pourra qu'assister le lendemain soir au naufrage du transport dont l'équipage avait été recueilli par le paquebot Mexnes (Cie Gle Transatlantique) et le chalutier Goulphar.

Au point de vue commodité matérielle de l'exercice de ses fonctions, le commandant du Lamotte-Picquet regrette que l'abri de navigation placé sur l'avant du blockhaus soit mal dessiné et qu'il suffise à peine pour lui et l'officier de quart. Dans le même ordre d'idées, par une lettre au Ministre en date du 27 novembre, l'amiral Drujon, tirant argument que les circonstances atmosphériques du Nord sont très différentes de la Méditerranée, demande avec insistance la construction sur le toit de la passerelle de navigation d'un petit abri vitré. Cet abri permettrait au Commandant de l'escadre d'être protégé du vent et ce faisant de pouvoir suivre moins inconfortablement les évolutions des bâtiments avec les officiers de l'état-major. Comme nous le verrons plus loin, ce n'est finalement qu'au cours de son grand carénage de 1933-34 que le Lamotte-Picquet sera muni de cet abri vitré pour la majorité.

1933

Les premières manœuvres de l'année conduisent le Lamotte-Picquet à Saint-Vaast et Cherbourg (le 21 janvier). Son escadre qui comprend les contre-torpilleurs Bison, Lion, Vauban, trois torpilleurs de 1500 tonnes et des sous-marins accompagnés du Jules Verne rentre à Brest dans l'après-midi du 25.

Depuis son entrée en service en 1926 le Lamotte-Picquet avait eu quatre ruptures de sa chaîne tribord, ce qui était beaucoup ; et puis, successivement, à Saint-Vaast le 19 janvier et à la Pointe de Saire le 24, nouvelles ruptures de chaîne, ce qui était vraiment excessif et étonnait. Une explication tout de même : plusieurs maillons dataient du début du siècle et avaient déjà servi au croiseur cuirassé amiral Aube !

Une sortie d’entraînement se déroule du 16 au 22 février dans le secteur de Quiberon.

Au début de mars le Lamotte-Picquet passe au bassin avant d'appareiller vers le 13 en compagnie des contre-torpilleurs du contre-amiral de Pontevez qui a succédé sur le Bison à l'amiral Traub dans le commandement des 4ème et 6ème divisions légères. Trois torpilleurs de 1.500 tonnes et quatre sous-marins avec le Jules Verne complètent l'escadre dont les exercices sont gênés par le mauvais temps qui oblige les navires à rester le plus souvent au mouillage de Port-Haliguen.

La 2ème Escadre, conduite par le Lamotte-Picquet, se livre à des exercices sur la côte sud de Bretagne du 25 au 29 avril avant de partir de Brest, le 8 mai, pour effectuer jusqu'au Maroc des manœuvres d'ensemble avec la lère Escadre.

Pour cette assez longue croisière, le navire-amiral est accompagné par le croiseur Dupleix encore rattaché provisoirement à l'Escadre, par le Jules Verne, les contre-torpilleurs des 4ème et 6ème divisions légères, la lère Division de torpilleurs ainsi que par la.4ème Escadrille de sous-marins.

Toute l'escadre fait escale à Santander le 9 mai, au Ferrol le 15, sauf la 6ème Division légère qui va à La Corogne et sera finalement rejointe par le Lamotte-Picquet avec l'amiral Drujon et ce à la demande expresse du Gouverneur de la province. Le 19 mai, après des exercices de nuit, l'escadre regroupée entre à Vigo où elle séjourne jusqu'au 22 après avoir fait le plein de ses soutes.

La 2ème Escadre - à l'exception du Dupleix qui rentre en direction de La Pallice -fait alors route vers le sud à la rencontre de la lère Escadre pour effectuer les manœuvres prévues. Des escales ont lieu dans les ports marocains de Casablanca, Kenitra, Mazagan, Safi, Mogador et Agadir.

En revenant, la 2ème Escadre s'arrête à Lisbonne du 9 au 16 juin. La veille du départ a lieu à bord du Lamotte-Picquet un dîner offert en l'honneur du Ministre portugais de la Marine et auquel assistait le Ministre de France.

A Lorient le 17 au matin, l'escadre rentre à Brest le 24. Le Lamotte-Picquet ne reste pas longtemps inactif et le 4 juillet il appareille avec son escadre pour Cherbourg où il arrive le lendemain. Le 6 et le 7 de nombreux exercices se déroulent en particulier dans la baie de Seine. Le Lamotte-Picquet avec les contre-torpilleurs Léopard, Lynx, Lion va au Havre du 8 au 10 juillet avant de regagner Brest le 11.

Partie le 17 pour Quiberon, l'escadre y effectue ses tirs et lancements d'honneur.

Le 30 juillet, à l’occasion de l'inauguration de la gare maritime par le Président Lebrun, a lieu à Cherbourg une revue de la 2ème Escadre. En raison du temps brumeux et de l'état de la mer, le Président de la République, à bord du contre-torpilleur Vauban, doit se contenter de passer devant les navires mouillés en grande rade.

Malgré le bon état général de ses machines principales, le Lamotte-Picquet a besoin d'un grand carénage au cours duquel une partie de son vaigrage devra être refait. L'inspection générale a montré, d'ailleurs, que des traces de vieillissement du matériel se manifestaient déjà dans des détails.

En conséquence, au début du mois d'août l'aménagement transportable de navire-amiral est transbordé du Lamotte-Picquet sur le Duguay-Trouin qui, après d'importants travaux effectués par l’arsenal de Brest, est réarmé à effectif complet le 15 août afin de porter le Pavillon de l'amiral Drujon.

Le Lamotte-Picquet cesse d'appartenir à l'escadre et, pour compter du 16 août, il est remis à la 2ème Région pour grandes réparations dans la position de disponibilité armée. Un nouveau commandant le capitaine de vaisseau Mac-Grath (W.A.) en prend la charge le 25 août en remplacement du Commandant Petit qui suit l'amiral sur le Duguay-Trouin.

C’est à Lorient, son lieu de construction, où il arrive le ler septembre et passe sous le contrôle du Major Général, que le Lamotte-Picquet sera remis en état. Une note des Constructions Navales du 26 octobre 1933 approuve un certain nombre de modifications et d'installations nouvelles à effectuer pendant son grand carénage. Ces travaux avaient été proposés en date du 12 août précédent en vue d'améliorer le bâtiment dans l'éventualité d'une campagne lointaine. Nous ne retiendrons, en ce qui nous concerne que la partie militaire.

a) Pour la D.C.A.: installation de plates-formes de télépointage avec boîte à calcul et télécommande pour les pièces de 75mm et mise en place de 6 mitrailleuses doubles de 13,2 ainsi que 4 télémètres stéréoscopiques.

b) Remplacement de la tourelle de télépointage par une tourelle du type "croiseur de 10.000 tonnes".

c) Construction d'une passerelle-abri de majorité au dessus de la chambre des cartes avec deux ailerons en abord pour augmenter la visibilité de l'amiral - en s'inspirant de ce qui avait été fait sur le Tourville. Enfin, agrandissement des bastingages.

d) Aviation : came pour accélération progressive de la catapulte et mise en place d'un mât tangon pour hydravion.

Le port de Brest ayant déjà effectué des travaux similaires sur le Duguay-Trouin, Lorient est chargé de s'y référer.

De plus, une étude est ordonnée en vue d'une éventuelle modification de la mâture par la suppression du mât de flèche.

Toutefois, comme les autres croiseurs de la série, la valeur générale du Lamotte-Picquet ne peut guère être améliorée en son principe ; sa cible est énorme, sa protection quasiment nulle et son artillerie, peu nombreuse, est de faible calibre et de débit lent.

1934

Après la longue indisponibilité consécutive à son grand carénage, le Lamotte-Picquet est conduit en rade de Lorient vers le 15 décembre pour la régulation de ses compas.

Sorti pour un essai de bon fonctionnement, il devait rentrer de Quiberon le 19 décembre, mais, en raison du mauvais temps, il doit faire demi-tour et regagner Port-Haliguen.

1935

Du 16 au 19 janvier le Lamotte-Picquet effectue une série d'essais à la mer, coupée par des mouillages sous Groix. Au cours d'une autre sortie, il est une nouvelle fois gêné par le mauvais temps quand, le 14 février, il doit rentrer sans avoir effectué son programme d'exercices.

Le Lamotte-Picquet appareille le 21 février pour des essais d'artillerie ; mais, toujours à cause de la Tempête, il doit rester au Mouillage de Port-Tudy, puis part s'abriter à Quiberon en faisant le tour d'Houat et d’Hoedic.

Après une nouvelle série d'épreuves de bon fonctionnement encore perturbée par un mauvais temps persistant tout à fait au début de mars, le Lamotte-Picquet, tous essais terminés, quitte enfin Lorient dans l'après-midi du 6, pour Brest.

Arrivé le lendemain, il est conduit au poste d'embossage et quelques jours après, le 15 mars, il est incorporé à la 2ème Escadre où il rejoint le Duguay-Trouin. Le Lamotte-Picquet reste ainsi dans l'Atlantique alors qu'il devait primitivement relever le Primauguet en Extrême-Orient. Ce ne sera d'ailleurs que partie remise.

Les deux croiseurs forment un groupe de complément, à effectif réduit, qui constitue la 2ème Division légère.

Le 14 mai le Lamotte-Picquet appareille de Brest dans la matinée pour une sortie d'exercices de quelques jours, sortie qui comporte tout d’abord des lancements de torpilles dans la baie du Fret.

Les 4 et 5 juin, il effectue des essais de consommation à 15 nds d’une durée de cinq heures ainsi que des exercices de conduite de tir et des tirs réduits de ses 155mm, avec mouillage le soir en rade de Brest. Le 12, nouvelle sortie et nouveaux exercices de tir suivis de lancements de torpilles au Fret en compagnie des torpilleurs L'Adroit et Basque.

Le 27 juin, au cours d'une inspection par M. Piétri, Ministre de la Marine, des lère et 2ème Escadres réunies dans la baie de Douarnenez, le Lamotte-Picquet et le Duguay-Trouin sont présents à Morgat. Il faut préciser, toutefois, que l'effectif réduit des deux croiseurs ne les autorise pas à participer à tous les exercices de la 2ème Escadre, ce qui sera le cas au début de juillet.

Le Lamotte-Picquet est en réparations au cours du mois de juillet. Le ler août il cesse de faire partie de la 2ème Escadre ; il est désormais rattaché à la 2ème Région et on parle déjà de son affectation possible en Extrême-Orient.

Un nouveau commandant, le capitaine de vaisseau Bastard (M.V.E.R.) en prend le commandement le ler septembre. Après un séjour dans l'arsenal du 17 au 25, le croiseur est armé à effectif complet le 15 octobre pour remplacer le Primauguet dans les F.N.E.O.

Sur l'aspect extérieur du Lamotte-Picquet au moment de son départ, nous n'avons aucune photographie. Toutefois, il est certain, probablement même depuis la fin de 1934 ou le début de 1935, à l'issue de son grand carénage, qu'il n'avait plus de mât de flèche à son tripode. C'était déjà à ce moment, le cas du Duguay-Trouin en Métropole et du Primauguet en Extrême-Orient. En tout cas une vue prise au mois d'août 1937 montre que ce mât de flèche du Lamotte-Picquet n'existait plus. Toutefois, ultérieurement, apparaîtra derrière le tripode un minuscule mâtereau semblable à celui dont était muni le Primauguet en octobre 1937.

Départ pour l’Extrême-Orient

En partant de Brest le samedi 2 novembre, jour des morts, le Lamotte-Picquet a déjà son destin scellé, il ne reverra plus la France. Depuis le 31 octobre il a un passager dans la personne du capitaine de vaisseau Pavie (P.M.M) qui doit faire le voyage pour prendre à Saïgon le commandement du Primauguet et le ramener en Métropole.

Le Lamotte-Picquet touche à Bizerte du 8 au 12 novembre et Port-Saïd du 16 au 18. Il est à Djibouti du 30 novembre au 3 décembre avant d'aller à Aden du 3 au 5. Notre croiseur s’arrête ensuite à Colombo du 12 au 18 décembre et à Singapour du 23 au 27. Arrivée à Saïgon le 30.

1936

Le 8 janvier, à Saïgon, le vice-amiral Esteva transfère son pavillon de Commandant en chef des F.N.E.O. du Primauguet, qui rentre en France, sur le Lamotte-Picquet.

Le nouveau croiseur-amiral appareille de Saïgon le 20 janvier pour une croisière qui le conduit successivement à Tourane du 22 au 26 et à Port-Dayot jusqu'au 2 février. Remontant la côte indochinoise, le Lamotte-Picquet retourne à Tourane du 3 au 10 février. Il continue sa route en mouillant à Haiphong le 11. Après un séjour en baie d'Along du 18 au 22, il se rend à Kouang-Tchéou-Wan (24-26). A son passage dans les eaux tonkinoises une cérémonie du souvenir s'était déroulée le 16 février devant la tombe du Commandant Rivière dont le monument avait été fleuri par l'amiral Esteva entouré des autorités civiles et militaires.

Le Lamotte-Picquet arrive à Hong-Kong le 27 février. Quand, quelques jours plus tard, le 5 mars, il appareille de ce port pour Shanghaï, l'amiral ne sera pas à bord. En effet, celui-ci a mis son pavillon sur l'aviso colonial Amiral Charner avec lequel il visite Swatow (5 mars), Amoy (le 8), Fou-Tchéou (le 11) et Ningpo (14 mars). Pendant ce temps le croiseur était arrivé le 9 mars à Shanghaï. Le 18 l'amiral remet sa marque sur le Lamotte-Picquet qui reste à Shanghaï jusqu'au 23 avril, date à laquelle il part pour Tsing-Tao où, à partir du lendemain, il sera rallié notamment par les avisos Rigault de Genouilly, Amiral Charner, Tahure et restera jusqu'au 14 mai.

Continuant ses escales en allant à Dairen (15-19 mai), notre croiseur arrive à Wei-Hai-Wei le ler juin où l'amiral Esteva était arrivé l'avant-veille, mais, cette fois, à bord du Rigault de Genouilly. Le Lamotte-Picquet arrive à Chemulpo le 4 juin à 23 heures.

Le 13 juin dans la matinée, le Lamotte-Picquet mouille devant le rocher de Fusan où il restera jusqu'au 18 avant de prendre la route du Japon. Il arrive à Miyajima le 19 et à Takamatsu le 26 avant de séjourner à Kobé, du 29 juin au 14 juillet ainsi qu'à Yokohama avec l’Amiral Charner à partir du 16 où le Lamotte-Picquet reste jusqu' au 30.

Le croiseur poursuit son voyage autour des îles du Japon en arrivant à Muroran le ler Août sans la présence de l’amiral à bord. Ce dernier se trouvait sur le Charner avec lequel il était arrivé le 31 juillet à Siogama d'où il appareille le 2 Août pour rejoindre son croiseur le 4 à Muroran sur lequel il remet immédiatement sa marque. Le Lamotte-Picquet, accompagné par l'Amiral Charner, arrive à Hakodaté le 6 Août et à Omori le 11. Nous suivons ensuite notre croiseur le 19 à Tsuruga pendant que l’amiral Esteva navigue de son côté sur le Charner. L'aviso, après avoir jeté l'ancre à Nuguta au cours de la soirée du 17, fait également route sur Tsuruga où, arrivé le 21, le Commandant en chef débarque pour revenir sur le Lamotte-Picquet. Le croiseur fait une escale à Hamanochasdate du 28 au 30 avant de séjourner à Nagasaki du ler au 21 septembre très certainement pour passer au bassin.

La courte indisponibilité du Lamotte-Picquet ne diminue pas pour autant l'activité de l'amiral qui met une nouvelle fois son pavillon sur l’Amiral Charner qui se trouvait à Nagasaki depuis le 29 Août. L’aviso se dirige vers Kagoshima dès le 10 septembre et arrive à Fukuoka le 15. A l'issue de cette rapide tournée le Commandant des F.N.E.O. revient à Nagasaki et retourne sur le Lamotte-Picquet le 19 septembre.

Le croiseur appareille le 21 pour Tsing-Tao où il arrive le 23 tardivement dans la soirée. Il est rejoint dans ce port par les avisos Amiral Charner et Tahure. Le Lamotte-Picquet quitte Tsing-Tao le 5 octobre pour se retrouver le lendemain à Shanghaï avec les deux avisos.

Après un séjour d'un mois dans le port chinois, le Lamotte-Picquet, suivi du fidèle Amiral Charner, fait route vers Hong-Kong le 4 novembre où nos navires mouillent deux jours plus tard.

Le 11 novembre l'amiral Esteva assiste aux cotés des autorités britanniques à la commémoration de l'Armistice de 1918. Chef infatigable, il part le lendemain sur l'Amiral Charner à destination de Port Jesselton - alors colonie anglaise sur la côte ouest de Bornéo. Arrivé le 16, l'aviso y reste deux jours et poursuit sa croisière aux Indes Néerlandaises en se rendant à Sandakan (nord-est de l'île) du 18 Au 22 novembre et à Tarakan du 22 au 24. Il jette l'ancre à Larantuka le 27.

De son côté le Lamotte-Picquet avait aussi fait route sur Sandakan, mais seulement le 18 ; Puis, il était arrivé le 24 novembre à Balikpapan pour une escale de deux jours avant de mouiller à Makassar dans la matinée du 27. Notre croiseur continue sa tournée en faisant, du ler au 5 décembre, une escale à Sanoer (île de Bali). Il y trouve le ravitailleur pétrolier Loing et surtout l’Amiral Charner avec le Commandant en chef qui revient aussitôt sur le Lamotte-Picquet. Le croiseur appareille le 5 pour Batavia où il séjournera du 7 au matin à l’après-midi du 13, en route pour Saïgon où il arrivera le 16 décembre à 8 heures.

Quand le Lamotte-Picquet avait quitté Batavia pour Saïgon, le Charner était parti également le même jour avec l'amiral Esteva mais, pour Soerabaya. Effectuant dans ce port une escale de deux jours (15 au 17), il rentre à Saïgon le 21 décembre où le Commandant en chef retourne immédiatement sur le Lamotte-Picquet.

1937

Un voyage au Siam de l'amiral, qui utilise encore le Charner pour aller à Bangkok (5-14 janvier), permet au croiseur de souffler un peu ; pas pour longtemps, d'ailleurs. Le 20 janvier, battant pavillon-amiral, le Lamotte-Picquet appareille de Saïgon pour les Philippines. Sa croisière sera très courte ; arrivé le 23 au matin à Cebu, il y reste 5 jours et rentre dès le ler février aux premières heures du jour.

Toujours actif, notre croiseur est à Cam-Ranh le 5 février, à Part-Dayot le 9 et se trouve à Tourane le 16 où il reçoit la visite de l'Empereur d'Annam, accompagné du Résident Général, puis il séjourne en baie d'Along du 22 au 26 février.

Le Lamotte-Picquet se dirige une nouvelle fois vers les Philippines, séjournant à Manille (île de Luçon) du 2 au 10 mars. Il continue sa navigation en se rendant à Hong-Kong du 12 au 20 et à Keelung (Formose) du 21 au 25 mars.

Une des habituelles croisières au Japon conduit le Lamotte-Picquet à Kagoshima du 27 au 30 mars ainsi qu’à Beppu. Il mouile à Fukuoka le 4 avril et séjourne à Nagasaki du 9 au 14. Le croiseur fait ensuite route vers Tsing-Tao où, arrivé le 17 de très bonne heure, il est rejoint par les avisos Dumont d’Urville, Amiral Charner et Tahure, tous restent jusqu'au 23 avril. Le Lamotte-Picquet mouille à Shanghaï le 25 avril.

Arrivé au terme de ses fonctions, l'amiral Esteva quitte son commandement le 18 mai, regagnant la France par avion de la même manière qu'il était venu en Extrême-Orient deux ans auparavant. Son successeur à la tête des F.N.E.O. est le vice-amiral Le Bigot qui prend son poste le 18 mai. Quelques semaines plus tard, un nouveau commandant, le capitaine de vaisseau Gribelin (R.M.), prendra la charge du Lamotte-Picquet au cours d'une escale à Yokohama, le 8 juillet.

En attendant, le croiseur stationne à Shanghaï jusqu'au 31 mai date à laquelle il appareille pour Nagasaki où il arrive le ler Juin et qu'il quittera le 12. A Miyajimi le 13 et à Kobé le 19, le Lamotte-Picquet accompagné de l’aviso Dumont d’Urville, se dirige ensuite le 8 vers Yokohama. Arrivé dans la nuit du 30, il y séjournera jusqu'au 10 juillet et mouillera le 13 à Shanghaï. Le Lamotte-Picquet ne fait que passer dans le port chinois qu'il quitte deux jours après pour Wei-Hai-Wei le 16, Chefoo du 23 au 27 juillet et Chin-Wang-Tao également le 27 où le croiseur arrive tout juste à minuit.

Nous trouvons le Lamotte-Picquet au mouillage de Shan Kai Kwan dans la nuit du 2 au 3 août. Il arrive une nouvelle fois le lendemain à Chin-Wang-Tao où il reste jusqu'au 6 avant de revenir à Chefoo très tard dans la soirée. Le 9, le croiseur appareille pour Shanghaï où il sera deux jours plus tard.

L'amiral Le Bigot y trouve une situation grave. Aussi, afin d'avoir une opinion encore plus exacte, transfère-t-il son pavillon sur le Dumont d’Urville qui va mouiller au "mille 31" sur le bas Yang-Tsé, dès le 12 dans la matinée. Il revient le lendemain à Shanghaï et l'amiral rembarque sur le Lamotte-Picquet.

Le fleuve Wang Poo, charriant des centaines de cadavres

Notre concession à Shanghaï, le "Bund", quoique située sur le Wang-Poo au sud des autres concessions étrangères et tout à fait en dehors de celle du Japon, n'en est pas moins exposée aux erreurs des avions chinois attaquant les nippons. C'est ce qui se produit effectivement au cours d'une attaque aérienne dont les bombes font des centaines de victimes parmi la population ; toutefois, seuls, quelques français sont blessés.

Le 14 août, de nouvelles bombes tombent, heureusement sans les atteindre, près de nos navires ancrés dans le port qui, outre le bâtiment-amiral, sont les avisos Dumont d’Urville et Savorgnan de Brazza ainsi que la canonnière fluviale Doudart de Lagrée. Les bombes font 445 morts et 828 blessés dans le Bund et 600 blessés dans le "Settlement", la concession internationale. Yves Le Gall, alors QM infirmier sur le Dumont d'Urville se souvient de la traversée de la ville "au milieu des cadavres d'hommes et de femmes dépecés et pendus à des crocs de bouchers", "les corps venaient se coincer contre l'échelle de coupée. Il fallait les décrocher avec des gaffes enveloppées de chiffons pour ne pas les crever"

Une vedette où se trouvait l'amiral Le Bigot manque également de sombrer au cours du bombardement. La situation exige la présence du Lamotte-Picquet pendant plusieurs mois et ce n'est que le 26 décembre qu'il appareille pour Haiphong où il arrive le 31 avec le Savorgnan de Brazza.

1938

Après avoir quitté Haiphong le Lamotte-Picquet se trouve le 4 janvier en baie d’Along, toujours en compagnie du Savorgnan de Brazza avec lequel il arrive à Tourane le 8. Le croiseur-amiral appareille le 13 au matin pour jeter l'ancre à Nhatrang le lendemain. Parti le 15, le Lamotte-Picquet rentre à Saïgon le 16 janvier où il devient indisponible pour travaux pendant trois mois. Ceux-ci sont entrepris dès le 19 janvier et comportent notamment la visite des turbines et l’allégement des mâts avant et arrière. Ce dernier est modifié comme l'avait été celui du Primauguet l'année précédente à Lorient ; c'est à dire qu'il se présente désormais sous la forme d'une espèce de double potence.

Ce n'est que le 14 avril en soirée que le croiseur reprend sa navigation pour se rendre à Port-Dayot où il arrive le 16 avec le Dumont d’Urville. Le Lamotte-Picquet y reste une semaine avant de se diriger le 23 avril vers la baie d'Along (24-28). Il effectue une escale à Fort-Bayard du 29 avril au 2 mai, en route pour Hong-Kong.

Pendant que son croiseur stationne à Hong-Kong pour carénage (3-15 mai), l'amiral Le Bigot met à profit cette courte indisponibilité du Lamotte-Picquet pour se rendre sur le Savorgnan de Brazza dans l’île portugaise de Macao (3-9 mai).

Le Lamotte-Picquet appareille le 15 mai pour l'archipel des Tshusan. Il mouille devant l'île Putu au cours de la matinée du 18 avec le Primauguet qui venait d’arriver de Shanghaï. Le 19 en soirée Lamotte-Picquet appareille pour remplacer le Primauguet à Shanghaï, quant à celui-ci il se dirige vers Hong-Kong pour caréner à son tour. A Shanghaï à partir du 20 mai, le Lamotte-Picquet stationnera jusqu'au 28 du mois suivant.

A la fin de ce séjour à Shanghaï, l'amiral Le Bigot met son pavillon sur l'aviso Dumont d’Urville pour remonter le Yang-Tsé. Aussi, le trouvons-nous le 21 juin à Chinkiang, le lendemain à Nanking et à Wu-Hu le 24. L'aviso rentre à Shanghaï avec l'amiral, de très bonne heure le 26 juin. Deux jours plus tard le Lamotte-Picquet appareille au cours de l'après-midi pour se rendre à Chin-Wang-Tao où il arrive le 30.

Notre croiseur s'arrête à Tourane le ler juillet, restant plusieurs jours dans ce port qu'il quitte pour aller à Chefoo le 12 et à Wei-Hai-Wei le 15. Il va ensuite à Tsing-Tao pour une très courte escale (20-21 juillet), avant de rejoindre Shanghaï le 23.

Le Lamotte-Picquet appareille pour la baie d'Along le 27 où il se retrouve avec le Primauguet au cours de la nuit du 31 juillet.

Après quelques jours d'exercices nos croiseurs se séparent ; le Primauguet pour arriver à Hong-Kong le 8 août, le Lamotte-Picquet, après une touchée le même jour à Port-Dayot, rentre le lendemain à Saïgon.

Dans le courant du mois d'août le vice-amiral Le Bigot est l'objet d’une citation à l’Ordre de l'Armée. Le 17, le Lamotte-Picquet appareille de Saïgon pour Singapour où il effectue une escale du 19 au 23 avant une croisière aux Indes Néerlandaises.

Cette croisière le conduit successivement à Scerabaya (26 août - 6 septembre), Bali (7-13), Makassar (14 et 15) et enfin à Port-Kudat (nord-est de Bornéo) du 18 au 21 septembre.

La situation en Europe est à ce moment très critique ; elle se terminera par les fameux " accords de Munich ". Le Lamotte-Picquet se trouve alors aux Philippines ; il est depuis le 23 à Manille avec le Primauguet et les sous-marins Le Tonnant et Le Conquérant qui se trouvaient en croisière d'endurance.

L'alerte passée, le Lamotte-Picquet se dirige vers Hong-Kong le 10 octobre ; le lendemain il est devant Port-Dayot, le 12 devant Tourane. Il arrive à Hong-Kong le 15 octobre et reste quatre jours avant d'aller à Shanghaï le 22.

Le Lamotte-Picquet séjourne tout juste un mois à Shanghaï, appareillant pour Hong-Kong le 22 novembre où il arrive le 7 après des exercices et un mouillage devant l'île Putu, une des Tshusan.

Nous trouvons ensuite notre croiseur en baie d'Along le 2 décembre, avec le Primauguet. Après quelques jours d'exercices, il se rend à Haiphong le 16 et mouille le 29 décembre à Tourane.

1939

Le 3 janvier le Lamotte-Picquet fait route sur Port-Dayot où il jette l'ancre du 4 au 6. Poursuivant sa croisière, il mouille au Cap Saint-Jacques (7-8 janvier) ainsi qu'à Ream (Cambodge) le 10 et le 11 ; passant ensuite devant Poulo-Condore avant d'arriver à Saïgon le 13 à trois heures du matin. A partir du 15 janvier le Lamotte-Picquet entre en travaux pour un grand carénage qui durera deux mois.

Malgré l'indisponibilité de son croiseur et la mission du Primauguet au Proche-Orient, l'amiral Le Bigot ne reste pas inactif. Il arbore sa marque sur l’aviso Amiral Charner avec lequel il part de Saïgon le 3 février pour une visite en Thaïlande, à Bangkok. Cette visite se déroule du 6 au 11 et à l’issue l'amiral rentre à Saïgon le 14 février. Il remet sa marque sur le Lamotte-Picquet.

Une dépêche ministérielle du 2 mars décide que les croiseurs affectés aux F.N.E.O., même à titre occasionnel, constitueront désormais la 5ème Division de croiseurs. Cette mesure, si elle concerne immédiatement le Lamotte-Picquet, ne concernera qu'un peu plus tard le Primauguet qui se trouvait détaché à Djibouti. Il était pratiquement toujours de règle, en effet, que tout bâtiment se rendant en Extrême-Orient ou en revenant cesse d'être ou passe sous les ordres directe du Ministre à son départ de Colombo (Ceylan) dans les deux sens. Pour le Primauguet, revenant de mission, c'est effectivement après avoir quitté ce port le 5 mai, que le lendemain il fera partie de la 5ème Division de croiseurs.

Disponible le 15 mars, comme prévu, le Lamotte-Picquet reprend la mer et le 17 il arrive à Tourane où il restera jusqu'au 20. En cours de route il avait effectué des essais de bon fonctionnement consécutifs à son grand carénage et jugés satisfaisants.

A partir du 21 mars, le croiseur est en baie d'Along avec l’aviso Rigault de Genouilly ; les 29 et 30 il est à Fort-Bayard.

Le Lamotte-Picquet va ensuite à Hong-Kong du 31 mars au 17 avril. Il passe au bassin du Taikoo Dock (2-3 avril) où son gouvernail, qui manifestait un jeu excessif est démonté et réparé. Egalement ses turbines B.P. tribord interne et H.p. tribord externe sont ouvertes et examinées. Le Lamotte-Picquet effectue des essais à grande vitesse ; mais, le 19 avril, en raison de la nouvelle tension en Europe (Tchécoslovaquie) il reçoit l'ordre de se replier sur Saïgon où il arrive le 23.

Le croiseur reste à Saigon jusqu’au 19 mai. Depuis le 12, le vice-amiral Decoux a remplacé l’amiral Le Bigot à la tête des F.N.E.O.. Le même jour, un nouveau commandant, le capitaine de vaisseau Bérenger (M.D.R.) a pris la charge du Lamotte-Picquet.

De Saigon, notre croiseur va à Cam-Ranh et en baie d’Along avant de se trouver les 23 et 24 mai à Amoy où les japonais menaçaient l’île de Koulang-Su, siège de la Concession internationale.

A Shanghaï le 26 mai, le Lamotte-Picquet quitte ce port le 5 juin pour conduire à Haiphong M. Henri Cosme, notre ambassadeur en Chine, qui allait à Chunking. Arrivé le 9, le croiseur reste à Haiphong jusqu’au 13 pour se rendre ensuite à Cam-Ranh.

C’est dans ce secteur de Cam-Ranh que le 15 juin, au cours d’un exercice, disparaît notre sous-marin Phénix (capitaine de corvette Bouchacourt). Aussitôt alerté, l’Amiral Decoux fait route à 15 heures de Cam-Ranh avec le Lamotte-Picquet. Il se trouve sur le lieu présumé du naufrage une demi-heure plus tard et poursuit jusqu’à la nuit d’infructueuses recherches. Le croiseur rentre le 17 à Saïgon où il reste jusqu’au 19, date à laquelle il part pour Singapour.

Du 21 au 29, juin le Lamotte-Picquet séjourne à Singapour où l’amiral Decoux assiste à une conférence franco-britannique réunie en raison de la situation déjà très inquiétante, en Extrême-Orient. L'Amiral se trouve ainsi en contact avec son homologue anglais Sir Percy Noble, Commandant en chef de la China Station.

Le Lamotte-Picquet mouille le ler juillet au Cap Saint-Jacques pendant une crosière le long des côtes indochinoises qui le mène, notamment à Nahtrang le 4 et à Cam-Ranh le 5. Il rentre Saïgon le 6 juillet où il reste jusqu'au ler août.

Avec le croiseur lourd de 10.000 tonnes Suffren qui venait d’arriver en Extrême-Orient pour remplacer le Primauguet en route pour la France, le Lamotte-Picquet croise le long de la côte d’Annam du ler au 3 août. Les deux croiseurs font escale à Port-Dayot le 2 et effectuent des exercices en baie d'Along du 4 au 12.

Le navire-amiral est à Amoy le 15 et du 18 au 20 se trouve à Tsing-Tao avant d'aller du 21 au 23 à Wei-Hai-Wei. C'est sur cette rade que les très graves nouvelles européennes amènent l'amiral Decoux à rejoindre Saïgon à grande vitesse où le Lamotte-Picquet arrive le 28.

La 2 septembre, veille de la déclaration de guerre, l'amiral Decoux appareille avec le Lamotte-Picquet pour Hong-Kong où il arrive le 5. Après un passage à Cam-Ranh (9 septembre), le croiseur revient à Saïgon le 12. Il part le 17 pour escorter un navire français transportant des tirailleurs et des travailleurs indochinois à destination de la Métropole. Au cours de cette mission le Lamotte-Picquet escale à Singapour (20-21) avant d'arriver à Colombo le 28 où il reste jusqu'au 3 octobre. Sur le chemin du retour, le croiseur s'arrête à Penang (7 au 8) et arrive à Saïgon le 11.

Du 12 au 25 octobre, le Lamotte-Picquet subit à Saïgon quelques travaux d’entretien en se tenant à quatre jours d’appareillage.

Le 27, il part pour Hong-Kong ou il reste trois jours, continuant sur Cam-Ranh et Saïgon (4 au 9 novembre) avant de revenir à Hong-Kong du 12 au 17. Le Lamotte-Picquet séjourne ensuite à Haiphong du 20 au 23 avec retour à Saïgon le 27.

Le 7 décembre, le Lamotte-Picquet appareille pour Singapour (9 au 10) et effectue du 12 au 31 décembre une croisière sur les côtes de Java et de Sumatra à la recherche d'éventuels cargos allemands qui, réfugiés dans les ports hollandais, tenteraient de sortir et à l’occasion se seraient transformés en croiseur auxiliaires.

Pendant cette croisière du Lamotte-Picquet aux Indes Néerlandaises l'amiral Decoux n'était pas à bord. Il était resté a Saïgon pour assurer la discrétion de cette opération de recherche et être en contact radio permanent avec son collègue anglais.

1940

Le Lamotte-Picquet séjourne du 1er au 11 janvier à Saïgon et va à Singapour du 13 au 14. Il effectue ensuite une nouvelle croisière de surveillance aux Indes Néerlandaises : du 15 au 31 à Java et du 1er au 7 février à Sumatra. Il revient à Saïgon le 8 où il devient indisponible pour grand carénage du 13 février au 15 mars.

Le croiseur reprend la mer le 16 pour Hong-Kong, vraisemblablement avec l’amiral Decoux. Il y reste du 19 au 27 et passe au bassin. Le Lamotte-Picquet croise au large des côtes d’Indochine du 27 au 31 mars avant de revenir à Saïgon du 1er au 6 avril. Il ne reste pas inactif et se trouve du 7 au 9 à Port Dayot, les 10 et 11 à Cam-Ranh ; du 12 au 16 il est en patrouille le long de la côte est indochinoise. Retour à Saïgon du 17 au 22 avant de repartir une nouvelle fois pour la côte est et la baie d’Along jusqu’au 30.

Avec le Lamotte-Picquet, l’amiral Decoux va une dernière fois à Hong-Kong du 1er au 9 mai et croise le long des côtes le 10 et 11. Du 12 au 22, séjour à Saïgon avant de nouvelles patrouilles du 23 au 29 et retour.

Le 17 juin, alors que la catastrophe nationale est pratiquement consommée et que Paris est déjà aux mains des allemands, le Lamotte-Picquet, venant de Saïgon, mouille en baie d'Along. Le lendemain l'amiral Decoux à bord de l'hydravion du croiseur se rend à Hanoï pour y rencontrer le Général Catroux, Gouverneur Général. Il est de retour le jour même et rentre le 22 juin à Saïgon avec le Lamotte-Picquet.

L’amiral ne reprendra plus la mer sur le croiseur; en effet, nommé Gouverneur Général de l’Indochine à la fin du mois de juin, il prendra ses fonctions le 20 juillet en remplacement du Général Catroux.

Le 12 août les F.N.E.0. sont dissoutes et tous les bâtiments - Lamotte-Picquet y compris - passe sous les ordres du commandant de la Marine en Indochine, le contre-amiral Terraux, (J.E.M.A.), en tant que Forces Navales détachées en Indochine.

Le Lamotte-Picquet quitte Saïgon le 15 août pour Haiphong . Il appareille de ce port le 26 pour la baie d'Along et mouille du 27 au ler septembre. Ensuite, séjour à Saïgon du 3 septembre au 16 octobre.

Un mois plus tard, le croiseur reprend la mer et mouille successivement à Phan-Thiut (17-18 octobre), Cam-Ranh (18-19), Nhatrang (19-21), Ving-Ro (21-22) et revient à Cam-Ranh qu'il quitte le 25, pour

arriver à Saïgon le 26 octobre.

Très courte sortie le mois suivant avec départ de Saïgon le 20 novembre et juste une escale à Phanthiet (21-22) pour revenir le 23.

Décembre comporte au début du mois (3-4) un aller et retour, du Lamotte-Picquet au Cap Saint-Jacques. Il appareille ensuite le 18 de Saïgon pour Poulo-Condore (19-20 décembre), avec un passage au Cap Saint-Jacques (20-21) et un retour à Saïgon le 21.

De très grosses réparations auraient dû normalement être entreprises au mois de novembre sur le Lamotte-Picquet. Apparemment le croiseur ne peut plus guère assurer un service actif, même réduit, que pendant six mois encore. Il faudrait un passage au bassin pendant un mois, mais la situation générale ne le permet pas.

Depuis quelque temps déjà, de nombreux incidents provoqués par les thaïlandais (siamois) le long de la frontière cambodgienne dégénéraient petit à petit en lutte ouverte. Tant et si bien que la France vaincue en Europe, décide de frapper un grand coup contre la Marine thaïlandaise pour faire respecter sa souveraineté en Indochine.

Dans ce but, nos bâtiments : croiseur Lamotte-Picquet (capitaine de vaisseau Bérenger), avisos Dumont d’Urville (capitaine de vaisseau Toussaint de Quievrecourt), Amiral Charner (capitaine de frégate Le Calvez), Tahure (capitaine de corvette Mercadier) et Marne (capitaine de corvette Marc) s’entraînent intensément en baie de Cam-Ranh (novembre, décembre et début janvier 1941). Parmi les avisos, les deux premiers sont assez modernes mais leurs moteurs sont fatigués ; quant aux deux autres ils sont bien âgés.

1941

Le début de l’année trouve le Lamotte-Picquet à Saïgon. Il appareille le 7 janvier pour Cam-Ranh où il arrive le lendemain et stationne quelques jours. Il quitte Cam-Ranh le 13 pour le Cap Saint Jacques,

Pendant ce temps, le Commandant de la Marine sait la flotte siamoise à la mer et les préparatifs français s'effectuent dans le plus grand secret.

La bataille de Koh Chang

Nos cinq bâtiments groupés pour cette opération sous le vocable de " Groupe occasionnel n°7 " appareillent de Poulo-Condore le 5 janvier à 21 heures sous le commandement du capitaine de vaisseau Bérenger du Lamotte-Picquet.

C'est ainsi que le 17 janvier à l'aube nos navires surprennent une partie de la flotte siamoise à Koh-Chang. Dès le début de l’action les torpilleurs n°32 (Cholburi) et 33 (Songkla) sont coulés, suivis du n°11 (Trat). Ensuite a lieu un engagement qui met aux prises le Lamotte-Picquet avec le garde-côtes cuirassé Dhonburi (4 canons de 203mm) qui est terriblement malmené. Au cours de l'affaire notre croiseur à l'occasion de pousser une pointe à 27 nds ; il talonne peu après dans la vase, mais sans conséquence fâcheuse. Néanmoins, la poursuite s’arrête à cause de la faiblesse des fonds. Quand nos bâtiments décrochent ils laissent le Dhonburi en flammes, il chavirera un peu plus tard. L'Ayuthia, autre navire du même type, s'échouera, très probablement atteint par une torpille du Lamotte-Picquet tout à fait au début de la bataille.

Malgré l'indiscutable succès naval de Koh-Chang les japonais interviendront rapidement pour imposer une paix franco-thailandaise qui accordera à ce dernier pays des avantages immérités.

Bref, rentré victorieux à Saïgon dans la matinée du 18 le Lamotte-Picquet se repose un bon mois. Son appareillage suivant n'a lieu que le 23 février pour Cam-Ranh (le 24) où il reste trois jours et se retrouve le 28 à Saïgon.

Sa sortie suivante, le 20 mars, le conduit à Fort-Bayard du 23 au 27 avant d'aller en baie d'Along le 28. Il quitte la baie le ler avril pour Tourane (le 2) où il reste jusqu'au 10, date à laquelle il appareille pour Doson (du 11 au 15) avant de revenir à Saïgon le 18.

Peu après Koh-Chang, promotion. amplement méritée, le capitaine de vaisseau Bérenger est nommé contre-amiral le 26 mars. Il devient Commandant de la Marine le ler mai à la place de l'amiral Terraux atteint par la limite d'âge. Il a pour successeur sur le Lamotte-Picquet le capitaine de vaisseau Commentry (A.J.B.) qui, nommé par un décret du 6 avril, prend vraisemblablement aussi ses fonctions le ler mai.

Pendant le mois de mai le Lamotte-Picquet appareille le 5 pour Tourane, y séjournant du 7 au 12. Il est à Nhatrang du 13 au 15 et le lendemain il revient à Saïgon.

Le croiseur est très actif en juin : du 6 au 11 il va à Can-Ranh et au Cap Saint-Jacques, ensuite à Quinhon (12 au 17) et à Duan-Dai (17-19). Il est de nouveau à Cam-Ranh du 20 au 23 avant d'arriver à Saïgon le 26.

Le Lamotte-Picquet passe les mois de juillet et d'août à l'arsenal de Saïgon. Depuis un certain temps déjà ses chaudières montraient des signes évidents de fatigue et sa coque exigeait un passage au bassin - celui de Saïgon n'était pas assez long pour le recevoir. En songeant à son état général, il ne faut pas oublier que le Lamotte-Picquet était en Extrême-Orient depuis plus de cinq ans et demi.

Aussi, après avoir vainement cherché à se procurer des tubes de chaudières jusqu'aux Etats-Unis, il faut se résigner à faire appel aux japonais.

C'est ainsi que le Lamotte-Picquet appareille le 8 septembre pour Osaka où il arrive le 15. Il effectue un rapide carénage dans l'arsenal japonais avec passage au bassin du 17 au 22. Dès le 27 il repart pour Saïgon en compagnie du cargo français Kindia des Chargeurs Réunis. C'est sur cet ancien bananier qu'avaient été embarqués les précieux tubes de chaudières. En cours de route les deux navires subissent un violent typhon du 30 septembre au 2 octobre dans les parages de Kiusiu. Pendant quarante huit heures le Lamotte-Picquet doit mettre à la cape et le Kindia et son chargement sont en grande difficulté.

Nos deux navires atteignent enfin Saïgon le 9 octobre. Le croiseur n'a pas d'avaries majeures. Néanmoins, il sera indisponible du 10 octobre au 17 novembre pour travaux consécutifs à ses avaries de mer.

1942

Sans la remise en état de ses chaudières le Lamotte-Picquet pouvait être considéré comme n'ayant plus aucune valeur militaire. Quoique toujours en situation " armé ", il devient indisponible à partir du mois de mars. Le Commandant de la Marine qui a fait entreprendre le retubage des chaudières ainsi que d'autres travaux, les fait exécuter en les fractionnant de façon que pendant toute leur durée - environ six mois - le bâtiment soit au plus à un mois d'appareillage. Il espère que quatre chaudières pourraient être terminées début août et que le Lamotte-Picquet, sauf imprévu - car la bataille fait maintenant rage dans le Pacifique - pourra être prêt au cours de la première quinzaine de septembre. A l’issue de ces travaux, estime l’amiral Bérenger, le croiseur pourra donner 25 noeuds et une nouvelle fois il sera apte à faire encore campagne pendant plusieurs années !

L’amiral n’était-il pas trop optimiste ? En tout cas, même si les réparations ont pu se dérouler selon le plan prévu, toute cette peine se révélera finalement inutile car le Lamotte-Picquet ne reprendra plus la haute mer.

Nommé par un décret en date du 23 mai 1942, un nouveau commandant, le capitaine de vaisseau Poher (E.E.Y.) prend au mois d’octobre le commandement du Lamotte-Picquet.

1943

Cet officier supérieur conservera ses fonctions jusqu'au 31 décembre. C'est vers cette date, après un dernier appareillage, que le croiseur sera mouillé en rivière dans le Donnai, devant la pyrotechnie de Thanh-tya-ha. En effet, les autorités ne disposent plus de mazout pour faire naviguer le Lamotte-Picquet qui est ainsi contraint à l'inactivité.

1944

Le croiseur abrite l’Ecole des marins annamites et depuis le 1er janvier, il est commandé par le capitaine de corvette Mottez (J.A.G.), son ancien commandant-adjoint.

1945

Muni par précaution d’un illusoire camouflage qui s’étend depuis le haut du télépointeur des 155 mm jusqu’à la passerelle, le Lamotte-Picquet atteindra ainsi le 12 janvier 1945.

Ce jour là, un bombardement aérien américain de la Task Force 38 – destiné en principe aux occupants nippons – oblige le commandant à en ordonner l’évacuation non sans qu’il y ait de nombreux blessés : une dizaine parmi le personnel français, dont le lieutenant de vaisseau de Beaufort, mortellement atteint, et une soixantaine parmi les marins annamites. Finalement, mitraillé, touché par plusieurs bombes, incendié, notre vieux et glorieux croiseur chavire sur bâbord. Il n’avait pas mérité cet injuste sort.

Quelques années plus tard, remplacé en Indochine par son frère aîné, le Duguay-Trouin, l’épave du Lamotte-Picquet rendra quelques services. C'est sur elle que les plongeurs du Duguay-Trouin récupéreront de temps à autre en 1947-49 des pièces de guindeau ou autres accessoires divers qui permettront le maintien en activité de ce vieux croiseur, loin de la Métropole.

En 1954, quand notre pays cessera son combat dans le but de conserver l’Indochine au sein de l’Union française, l'épave du Lamotte-Picquet était, toujours là, comme pour y rappeler la glorieuse période de la présence française.