Francis Garnier

Depuis un siècle, la Marine nationale baptise régulièrement l'une des ses unités du nom de cet officier, rendant ainsi hommage à son courage et à son ardeur à porter à l'autre bout du monde les couleurs de la France.
Voici bientôt cent dix ans, le 1er décembre 1873, qu'il tomba au terme d'un combat héroïque sous les lances des "Pavillons Noirs" en défendant la citadelle de Hanoï.
Mais qui était cet homme, qui avec le Commandant Doudart de Lagrée fut l'un des moteurs de la mission française de 1866 en Extrême-Orient, mission marquant le début de la présence coloniale de notre pays dans ce qui devait devenir l'Indochine.

C'est à Saint-Etienne le 25 juillet 1835 qu'il naît. Après ses études au lycée de Montpellier, il est admis à l'Ecole Navale en 1855. Une première campagne l'emmène vers les mers du sud, puis il s'aventure en 1859 sur le Duperré qui part pour la Chine. C'est au cours de cette traversée qu'il se jette à l'eau en pleine nuit pour sauver un camarade emporté par une lame. Il a vingt-et-un ans avec le grade d'enseigne de vaisseau lorsqu'il découvre la Chine, pays qui ne cessera plus de le fasciner. Sous les ordres de l'amiral Charner, il participe à la prise de Pékin et au sac du Palais d'Eté par les troupes franco-britanniques.

Première expédition sur le Mékong

En 1863, il rentre dans le corps de l'Inspection des Affaires indigènes. Il est nommé administrateur à Cholon, ville proche de Saïgon. Le contact et la richesse de la civilisation chinoise le passionnent et c'est à cette époque qu'il publie ses premiers ouvrages documentaires : "La Cochinchine" et "De la colonisation de la Cochinchine" où apparaît l'idée de l'exploration du Mekong au cours encore inconnu.
Cette expédition qui devenait une réalité, part de Saïgon le 5 juin 1866 sous les ordres du Commandant Doudart de Lagrée ; Francis Garnier en est le second. La mission a trois buts : scientifique, politique et diplomatique. En novembre 1867, une révolte locale oblige Francis Garnier à s'écarter du Mékong avec une partie de sa troupe, laissant en arrière Doudart de Lagrée, malade. Il explore inlassablement toute la région. Au retour, il apprend la mort de son supérieur et devient alors le Commandant de l'expédition qui atteint la vallée du Yang-Tsé-Kiang puis la redescend jusqu'à Shangaï avant de regagner Saïgon le 29 juin 1868
Au terme de cette expédition, il rentre en France, est affecté au "dépot des cartes et plans de la Marine" et y rédige le rapport de sa campagne en Cochinchine. Il devient membre de la société géographique où il fait cet éloge de son chef disparu :

"L'exploration du Mékong, que le Commandant de Lagrée avait comprise si grande, et qu'il a réalisée si complète, restera sienne ; ses glorieux et féconds résultats sont à jamais inséparables du nom d'Ernest Doudart de Lagrée."

En 1871, Francis Garnier reçoit la Médaille d'Honneur du Congrès de Géographie, médaille qu'il partage avec Livingstone.
Pendant la guerre de 1870, il reste à Paris comme Chef d'Etat-Major de l'Amiral Mequet. Ayant remis en 1872 son rapport de campagne, il sollicite un congé de trois ans sans solde afin de repartir à titre personnel pour la Chine.

Il quitte donc la France avec sa femme, qu'il a épousée en 1870, et s'installe à Shangaï. Son but est de poursuivre l'oeuvre géographique de l'expédition de Doudart de Lagrée, de reconnaître jusqu'au Tibet le cours supérieur du Mékong mais aussi d'essayer de jouer le médiateur entre le pouvoir impérial chinois et les rebelles musulmans qui épuisent le pays.

Un officier en congé à la tête de 200 hommes !

C'est en solitaire qu'il explore ces régions pendant six mois, avant d'être rappelé par l'Amiral Dupré, gouverneur de la Cochinchine. Celui-ci lui donne les pleins pouvoirs pour régler au Tonkin un différend qui oppose quelques colons français aux rebelles. Francis Garnier, officier en congé, se voit confier le commandement d'une troupe de deux cent hommes et quatre canonnières. Il arrive à Hanoï en novembre 1873 et, ne parvenant pas à régler par la voie diplomatique le conflit, s'empare sans coup férir de la citadelle puis envoie des détachements occuper les principales places du delta.

Le 21 décembre, alors que les négociations étaient sur le point d'aboutir, la citadelle est attaquée par les "Pavillons Noirs". Les Français résistent courageusement aux assaillants et les obligent à se replier. C'est alors que Francis Garnier sort de la citadelle avec plusieurs hommes et un canon à la poursuite de l'ennemi. A six cent mètres de là, il abandonne le canon et continue sa course avec trois hommes. En tentant de passer une digue dans les rizières, il trébuche et, se trouvant isolé, est mortellement frappé par les "Pavillons Noirs". Ne le voyant plus, ses compagnons se rapprochent et trouvent son corps décapité. Sa dépouille est ramenée à Saïgon où il est inhumé en 1875 aux côtés de Doudart de Lagrée.

Telle fut la vie de ce pionnier de la présence française en Asie. Par le rôle essentiel qu'il joua dans le succès de la mission d'exploration du Mékong, par les réflexions que lui inspirèrent ses voyages en Chine et sa parfaite connaissance de l'Empire du Milieu, par les oeuvres qu'il publia au retour de ses expéditions, Francis Garnier demeure l'un des artisans de l'ouverture de l'Asie au monde occidental.

Le retour des cendres de Francis Garnier

Dans la nuit du 1er au 2 mars 1983, le corps de Francis Garnier, après avoir été exhumé (ainsi que celui de Doudart de Lagrée) furent incinérés. Les urnes furent remis au consul général de France à Ho Chi Minh ville le 2 mars 1983. C'est la Jeanne d'Arc, commandée alors par le capitaine de vaisseau Merveilleux du Vignaux, qui se chargea de ramener en France les cendres des deux explorateurs.

Dépôt des cendres de Francis Garnier

Le jeudi 23 avril 1987, une brève mais émouvante cérémonie au cours de laquelle l'urne contenant les cendres de Francis Garnier était confiée par le capitaine de vaisseau (H) Besancon, descendant de l'illustre marin, à la ville de Paris pour être enchassée dans le socle d'un monument, situé à la rencontre du boulevard Saint-Michel et de la rue d'Assas.
Etaient présents notamment les membres de la famille de Francis Garnier dont le capitaine de corvette Besancon, ancien commandant de l'aviso Premier maître L'Her, le vice-amiral d'escadre Denis représentant le Chef d'Etat-Major de la Marine, le capitaine de vaisseau Cottin Commandant la Marine à Paris. La section d'honneur de la Marine à Paris rendait les honneurs. Monsieur Didier Bariani, adjoint au maire de Paris, Secrétaire d'Etat auprès du Ministre des Affaires Etrangère et représentant Monsieur Jacques Chirac présidait cette cérémonie.
Les cendres de Francis Garnier ont désormais quitté la nuit indochinoise pour retrouver le sol de Paris.