Le Gardian, l'autre avion de patrouille maritime

(d'après un article de Cols bleus n°2454 du 19 septembre 1998, par le capitaine de corvette Eric d'Ille, commandant l'Escadrille 9S)

Si l'Atlantique est bien connu comme avion de patrouille maritime en métropole, il est un appareil de surveillance maritime qui est très apprécié depuis 1984 dans le Pacifique Sud. Il s'agit du Gardian, biréacteur de 15 tonnes, dérivé du Falcon 200 mais dont la version navalisée n'a plus grand chose à voir avec l'avion d'affaires.

Digne successeur des Neptune, DC3, DC4 et Lancaster, cet aéronef robuste et fiable équipe également les Coast Guards américains. De nombreuses modifications ont été apportées pour répondre à la vaste panoplie de missions qui reviennent aux deux escadrilles basées en Nouvelle-Calédonies et à Tahiti :

• le radar météorologique de série a été remplacé par un radar à compression d'impulsions, le Varan, et un interrogateur IFF, de la même classe que l'Iguane des Alizé ou des ATL2, qui lui assurent une maîtrise complète de tout le trafic air ou surface ;
• une trappe s'ouvrant au sol permet de larguer, à travers le plancher intérieur, l'un des 2 canots de sauvetage qu'emporte l'avion dans sa version standard dite de " SURMAR ", des fumigènes, des marqueurs, des courriers, des pièces de rechanges ;
• les capacités de communication ont été naturellement renforcées par l'adjonction de VHF/marine, UHF clair ou crypté DCS 100, phonique ou télétype. Des équipements de goniométrie permettent en outre, de localiser très rapidement toute balise de détresse ou tout signal radio en émission. Enfin, un Trap 113 assure le contact avec les troupes au sol, en phonie claire ou protégée ;
• les premiers hublots latéraux ont été en outre, agrandis pour favoriser la veille visuelle et la recherche de naufragés ;
• deux centrales à inertie gyrolaser et un GPS confèrent à l'aéronef une précision de navigation remarquable indispensable à toutes les recherches " SECMAR " régulièrement effectuées autour des deux TOM ou chez leurs voisins dépourvus d'aéronautique navale ;
• une version EVASAN permet enfin de troquer en quelques minutes les chaînes SAR contre deux civières équipées d'oxygène et perfusions pour répondre ainsi aux nombreuses demandes d'évacuations sanitaires de Nouméa vers les hôpitaux australiens ou de Wallis vers la Nouvelle-Calédonie. Dans les deux cas, la distance équivalente à Paris-Moscou est couverte en un peu plus de deux heures à 1000 km/h.

La surveillance maritime des zones économiques de la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna pour la 9S et de la Polynésie française pour la 12S, demeure naturellement la mission principale des deux escadrilles. En effet, plus de la moitié des heures de vol sont consacrées à la surveillance d'une étendue d'eau vingt fois plus grande que la Méditerranée. Il est important de rappeler que les possessions françaises de l'Océanie participent pour 60% à la zone économique exclusive totale de la France, à rapprocher des 3% que représente la métropole. Les escadrille 9S et 12S dépendent organiquement d'Alavia.

Cinq appareils sont affectés dans le Pacifique et armés sur chaque théâtre par 3 équipages de 6 personnes : 2 pilotes, 1 mécanicien de bord (MECBO), 1 radio (GETBO), 2 navigateurs-radaristes (DENAE). Tout le personnel volant provient des flottilles d'Atlantique ou d'Alizé et maintient une alerte permanente à Tontouta comme à Faa'a. Par analogie avec l'ATL2, parfois baptisés croiseur de l'air eu égard à son formidable système d'armes, le Gardian est une frégate de surveillance de l'air, spécialisée dans le déploiement outre-mer, les missions de présence et les exercices et échanges avec nos voisins du Pacifique… De Sydney à Hawaii, d'Auckland à la Papouasie-Nouvelle-Guinée, de l'Ile de Pâques aux Marshall et de la Tasmanie aux Marquises, les missions hebdomadaires à l'étranger ponctuent le rythme intense de l'activité de ces escadrilles : liaisons, SURMAR, échanges, exercices, où même missions planifiées au profit de nos voisins, mais également missions humanitaires de tout ordre dans une zone immense à la météorologie capricieuse.

Certains pays comme le Vanuatu, les Fidji ou les Cook, à la suite d'accords de coopération bilatéraux, disposent même d'une enveloppe d'heures de Gardian pour la surveillance de leurs propres zones économiques, réalisée avec l'embarquement d'observateurs du pays concerné. Le Gardian se révèle ainsi être un parfait ambassadeur de la France sur les mers et de la Marine auprès des pays du Pacifique Sud. L'affectation en escadrille outre-mer constitue également une expérience extraordinaire pour tout le personnel sur les domaines aéronautique, culturel et humain.

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